En modifiant les écosystèmes, le réchauffement climatique bouleverse les distributions et les dynamiques des espèces. Dans ce contexte, les oiseaux d’eau migrateurs représentent des taxons particulièrement sensibles aux variations de température. Une étude récente, basée sur 25 ans de données d’observations d’oiseaux d’eau en Suède, examine ces dynamiques complexes en se concentrant sur les interactions possibles entre les variations climatiques et les caractéristiques des habitats des oiseaux.
Cette étude analyse les réponses de 18 espèces d’oiseaux d’eau au réchauffement climatique, en se concentrant sur la limite nordique de leurs aires de répartition hivernale. En se basant sur les données issues de 2 982 comptages réalisées en Suède sur une période de 25 ans, les chercheurs ont utilisé la modélisation hiérarchique des communautés d’espèces (HMSC) pour examiner comment les températures hivernales et les caractéristiques des habitats influencent les changements de présence et d’abondance de ces populations.
Dans l’ensemble, cette étude démontre que tous les groupes phylogénétiques d’oiseaux d’eau ne sont pas impactés de la même façon par les variations du climat. Elle souligne également que les aires protégées et les grandes zones humides sont très importantes pour accueillir les oiseaux d’eau lors des hivers chauds en Suède.
Durant la période de 25 ans des données utilisées par l’étude, les températures hivernales ont augmenté en moyenne de 1,29°C sur les sites étudiés. La majorité des espèces ont répondues positivement à cette augmentation, avec une probabilité de présence et d’abondance plus élevée pendant les hivers les plus chaud. En effet, alors que les zones humides sont généralement gelées en hiver en Suède, le réchauffement des températures libère des habitats potentiels pour les oiseaux d’eau. Les espèces réagissant le plus à l’augmentation de la température sont celles qui ont la niche thermique la plus chaude.
- L’occurrence et l’abondance des oiseaux d’eau est positivement liée à superficie du site ainsi qu’à son statut de protection dans le cadre du réseau Natura 2000. Pour 60% des espèces, cette occurrence et abondance positive est encore plus marquée durant les hivers les plus chauds.
- L’interaction entre l’augmentation des températures hivernales et l’abondance des espèces connues pour fréquenter des surfaces urbanisées est principalement négative. Ces résultats pourraient s’expliquer par trois hypothèses non exclusives ; 1) certaines espèces pourraient bénéficier des surfaces urbanisées pendant les hivers froids en raison d’un effet d’îlot de chaleur urbain; 2) si les zones humides urbaines sont moins susceptibles de geler, l’eau courante pourrait y être plus abondante ; ou 3) des apports supplémentaires de nourriture (ex. nourrir les canards en ville) peuvent améliorer la disponibilité des ressources alimentaires pour certains canards de surface en particulier les hivers froids.
- Les sites entourés de surfaces agricoles sont particulièrement attractifs pour les espèces connues pour se nourrir dans les champs, comme l’oie cendrée (Anser anser), l’oie des moissons (A. fabalis), l’oie rieuse (A. albifrons) et le cygne chanteur (Cygnus cygnus).
Cette étude démontre qu’en Suède, les changements d’occurrence et d’abondance des oiseaux d’eau en réponse à l’augmentation des températures hivernales étaient impactés par le type d’habitat concerné, entraînant une réponse plus ou moins forte aux températures. En ce sens, les auteurs de l’étude concluent que les stratégies de conservation qui visent à améliorer la réponse des oiseaux d’eau au réchauffement climatique en facilitant leurs changements de répartition doivent inclure la protection des habitats naturels, la restauration des zones humides dégradées et le ré-ensauvagement des zones environnantes.
Référence bibliographique
Gaget E., Ovaskainen O., Bradter U., Haas F., Jonas L., Johnston A., Langendoen T., Lehikoinen A.S., Pärt T., Pavón-Jordán D., Sandercock B.K., Soultan A., Brommer J.E. Changes in waterbird occurrence and abundance at their northern range boundaries in response to climate warming: importance of site area and protection status. Animal Conservation [Internet] [cited 2024 Nov 6]. doi: 10.1111/acv.12998
Contact
Elie GAGET – Chargé de recherche en écologie statistique
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