Ce projet du domaine du Petit Badon a été initié en 2019 sur une propriété privée située en Camargue. Il s’inscrit au sein du travail que mène la Tour du Valat, depuis plusieurs années, sur le développement d’une expertise en restauration écologique avec la réalisation notamment de projets innovants et ambitieux de restauration de zones humides et des services écosystémiques associés (Domaine du Cassaïre, projet Medicyn, projet Resist…).

 

Suivi du paysage avant travaux © H. Fontes/Tour du Valat
Suivi du paysage après 2023 © P. Rocarpin / Tour du Valat

Objectifs

Les objectifs de ce projet sont les suivants :

  • Recréer un marais temporaire (14 ha) sur une friche agricole, avec un fonctionnement proche du cycle hydrologique méditerranéen en s’intégrant dans le contexte géographique
  • Reconstituer des habitats favorables pour la biodiversité (flore, oiseaux d’eau, odonates, amphibiens, reptiles, chiroptères …) ;
  • Etudier la dynamique de reconstitution de l’écosystème et mettre en place des actions de gestion adaptées
  • Disposer d’un terrain de démonstration pour la restauration des zones humides à des fins pédagogiques et scientifiques.

 

Diagnostic et ingénierie écologique mis en place

Le site du Petit Badon se situe sur la divagation d’un ancien bras du Rhône (dit Bras de Fer) dont la dynamique fut brève (1587 à 1711) mais très intense.

Ce contexte géomorphologique initial, marqué par cette activité fluviatile passée, a été pris en compte pour la définition du projet de restauration du marais. Les types et orientations de formes recréées ont tenté d’intégrer ce contexte, afin de tendre vers ce à quoi pouvait ressembler Petit Badon et les propriétés voisines avant l’exploitation agricole, le nivellement et la sectorisation parcellaire. Il ne s’agissait cependant pas de reconstruire un état historique peu documenté mais plutôt de recréer un écosystème de marais fonctionnel dans le contexte actuel.

Pour cela d’importantes études de sol, de la topographie, du fonctionnement hydrologique, de la biodiversité, des activités socio-économiques en place et historiques sont venues compléter cette réflexion.

Un design en 3 dimensions de l’écosystème visé et sa mise en eau ont été modélisés.

Les actions mécaniques de remodelage du terrain ont été menées en septembre 2020 et plusieurs techniques ont été utilisées pour suivre le profil topographique avant, pendant et après travaux de création du marais (relevés au DGPS Differential Global Positioning System, photogrammétrie 2D/3D par drone).

 

Topographie finale post-travaux de Petit Badon ©L.Willm/Tour du Valat
Orthophotographie du marais de Petit Badon, du 21/09/2020 ©L.Willm/Tour du Valat
Aperçu des travaux de terrassement – Septembre 2020 (Drone) ©A.Arnaud/Tour du Valat
Aperçu du marais en eau – 2021 ©L.Willm/Tour du Valat

 

 

Suivi de la trajectoire écologique et gestion adaptative

Faisant suite aux travaux de terrassement, le premier objectif visé de cette restauration est de pouvoir avoir un fonctionnement hydrologique du marais proche de celui de marais temporaires méditerranéens naturels (écosystèmes de référence), dont le remplissage s’effectue par la concentration des précipitations automnales et l’asséchement durant la période estivale.

Suivi hydrologique du marais de Petit Badon ©P.Rocarpin/Tour du Valat
Un suivi du fonctionnement hydrologique du marais a été mis en place pour tester la robustesse du modèle et mettre en place une gestion adaptée pour maintenir le fonctionnement hydrologique souhaité.
De la même manière, l’étude de la végétation et de la faune avant travaux et au cours du temps est réalisée afin d’appréhender la dynamique de restauration de cet écosystème et mettre en place les actions de gestion ou de restauration permettant d’améliorer celle-ci.
Suivi de la végétation sur le marais de Petit Badon (quadrat) ©H. Fontes/Tour du Valat
Chantier d’arrachage mécanique Baccharis © M.Lourenço /Tour du Valat
 

 

En complément, des actions de gestion d’espèces exotiques envahissantes ont été faites en amont des travaux et sont poursuivies ; une vigilance et un effort important à maintenir lorsque l’on se place dans un contexte de restauration stricto sensu d’habitats de référence.

La présence d’un troupeau de chevaux de Camargue hérité de l’ancienne manade sauvage de la Tour du Valat, nous permet également de jouer avec les modalités de pâturage pour maintenir une ouverture des milieux, en contrôlant certaines plantes émergentes comme le roseau en la faveur d’espèces patrimoniales moins compétitives ou encore d’une végétation aquatique, se présentant comme ressource alimentaire de certains oiseaux d’eau.
Pâturage du marais par la manade sauvage de chevaux Camargue © L. Marchal/ Tour du Valat

En restauration, il est important de rappeler le besoin de maintenir un suivi à long terme afin d’observer la trajectoire écologique de l’écosystème et d’ajuster les actions de gestion en place pour s’assurer de l’atteinte des objectifs.

 

Résultats

Même si les évaluations de succès de restauration se réalisent sur des pas de temps assez longs (souvent plusieurs dizaines d’années), les premiers résultats obtenus pour ce jeune marais, sur lequel a été développé un panel important de techniques et compétences sont plutôt prometteurs :

  • un écosystème fonctionnel du point de vue topographique et hydrologique
Lythrum tribracteatum – 2023 © H. Fontes /Tour du Valat
  • un cortège de plantes aquatiques et hélophytes déjà bien présent, avec notamment l’observation depuis 2022 de plusieurs centaines d’individus de Lythrum tribracteatum, une plante protégée et caractéristique des mares temporaires méditerranéennes.
 

  • l’apparition de 36 espèces d’oiseaux d’eau lors des suivis effectués en 2021 et 2022, dont la reproduction de 13 couples d’Échasses blanches en 2021
Colonie d’Échasses blanches – 2021 ©H. Fontes/Tour du Valat

 

Ce projet permet également d’enrichir les connaissances générales en écologie de la restauration et améliore l’expertise sur la restauration des zones humides développées par la Tour du Valat. Fort de la conviction de notre institut que la préservation des zones humides ne peut se faire qu’en se conciliant aux activités humaines, les services écosystémiques qu’apporte ce projet, permettent d’améliorer l’appropriation et l’intégration territoriale de ces enjeux, et sert également de terrain de démonstration à des fins pédagogiques et scientifiques.

 

Équipe

Partenaires financiers

Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse