Le changement climatique accroît les risques pesant sur les zones côtières
Le changement climatique provoque des phénomènes météorologiques extrêmes tels que des sécheresses, des inondations, des canicules et des cyclones. Partout dans le monde, les sociétés et l’environnement souffrent des conséquences néfastes de ces phénomènes sur la nature. La région méditerranéenne est particulièrement menacée, avec un niveau marin moyen qui pourrait s’élever d’un mètre d’ici à 2100. En Camargue, cette élévation pourrait endommager le littoral et entraîner des inondations généralisées. Toutefois, certaines mesures peuvent être prises pour prévenir les dommages ou vivre avec les changements.
Les Solutions fondées sur la nature : de quoi s’agit-il ?
Le concept des Solutions fondées sur la nature (NbS – Nature-Based Solutions) cherche à travailler avec les écosystèmes plutôt que de compter uniquement sur des solutions conventionnelles de génie civil telles que les digues ou les murs de protection. Ces mesures contribuent à atténuer les effets du changement climatique, tout en améliorant les moyens d’existence durables et en protégeant les écosystèmes naturels et la biodiversité.
Partout dans le monde, on prend de plus en plus conscience que la nature peut fournir des solutions viables. Il est possible d’utiliser les propriétés des systèmes naturels dans des projets de génie civil ou de les combiner à des infrastructures conventionnelles telles que les digues et les murs de protection.
L’Union européenne (à travers Horizon 2020, son programme pour la recherche et l’innovation) et les pays du bassin méditerranéen introduisent dans leurs politiques publiques des Solutions fondées sur la nature en tant que stratégies innovantes pour le développement durable.
Les avantages des Solutions fondées sur la nature pour les populations et l’environnement
Les infrastructures traditionnelles en béton (p. ex. les digues) ne peuvent pas toujours résister aux changements tels que l’élévation du niveau marin, ni les compenser, et nécessitent un entretien et des ajustements réguliers et coûteux. Il a été démontré que ces infrastructures artificielles peuvent entraîner une érosion non indésirable dans d’autres lieux et endommager davantage encore les écosystèmes, ce qui induit souvent une artificialisation des paysages. La construction de telles structures est par ailleurs directement liée à des activités ayant des impacts négatifs comme l’extraction minière et le transport de matériaux.
Les Solutions fondées sur la nature constituent des alternatives attrayantes pour la maîtrise des risques naturels, en offrant une protection de l’environnement tout en favorisant la biodiversité, la production alimentaire et le bien-être humain. De plus, dans de nombreux projets, cette approche est moins coûteuse pour les agences chargées de la gestion de l’eau que les méthodes traditionnelles de génie civil.
Des zones humides en bon état, comme les zones côtières, les cours d’eau et les lacs, peuvent stocker et ralentir le flux de l’eau lors des inondations. Ces zones peuvent contribuer à stabiliser les débits, à réduire les pics d’inondation et à diminuer les risques d’inondation des villes et autres infrastructures.
Le projet : la restauration des anciens salins de Camargue
Les anciens salins sont situés dans le delta du Rhône, dans le Parc naturel régional de Camargue. Ce site représente une vaste zone côtière de plus de 6500 ha se trouvant sur les communes d’Arles (Salin-de-Giraud) et des Saintes-Maries-de-la-Mer. Autrefois aménagé pour la production de sel, le site se caractérise par une forte artificialisation du cycle de l’eau (canalisation du Rhône et utilisation de digues de protection) et une déconnexion des lagunes qui servaient de bassins pour la concentration du sel.
La partie occidentale de la Camargue (à gauche) et la zone des anciens salins reconnectés à la mer montrant la circulation des masses d’eau (agrandie à droite) © Cyril Girard
Vous pouvez visionner ci-dessous le film « Étangs et marais des salins de Camargue, un territoire en mutation », réalisé par l’association Le Gobie.
Le Conservatoire du Littoral (propriétaire), en collaboration avec le Parc naturel régional de Camargue (gestionnaire coordinateur), la Tour du Valat et la Société nationale de protection de la nature (tous trois co-gestionnaires), a lancé un projet de restauration des milieux naturels en 2011 (voir le projet). Ce site devient progressivement une étonnante zone humide côtière sauvage et fonctionnelle qui se reconnecte avec les écosystèmes aquatiques et terrestres environnants du Parc naturel régional de Camargue. Il abrite une importante biodiversité et joue un rôle essentiel de zone tampon face aux intrusions marines.
Une stratégie de gestion adaptative
La création d’une zone tampon fait partie d’une stratégie plus large (incluant l’adaptation et la consolidation de digues plus à l’intérieur des terres) visant à atténuer les risques d’inondation. Cette zone tampon et la digue intérieure contribuent à protéger la Camargue des intrusions marines, par une solution plus durable et moins coûteuse d’un point de vue écologique et économique que le maintien ou la reconstruction d’une digue et d’autres infrastructures de défense côtière le long du littoral.
Le site jouxtant un vaste complexe de zones humides comprenant la Réserve naturelle nationale de Camargue, ce projet de restauration a défini des objectifs de gestion cruciaux pour améliorer la connectivité entre les lagunes et la mer. En particulier, la restauration est basée sur la reconnexion des flux d’eau naturels (qui a pour effet de diminuer la concentration en sel) et permet une colonisation spontanée par les espèces sauvages.
Des résultats positifs déjà visibles en Camargue
Le projet de restauration des anciens salins est un exemple illustrant comment il est possible d’inverser les effets d’une perturbation grâce à une restauration adaptative, jusqu’à ce que la nature retrouve ses fonctionnalités et renforce sa résilience. Dans ce cas, la reconnexion des plans d’eau entraîne la transformation naturelle des voies d’eau (p. ex. après quelques tempêtes). Les sols nouvellement émergés et les voies d’eau retrouvées produisent de « nouveaux » habitats pour la végétation, les poissons, les oiseaux et les autres populations animales. La migration des poissons est progressivement rétablie. L’abandon de la digue longeant le littoral conduit au rétablissement du transfert de sédiments, contribuant ainsi à la restauration de côtes sableuses naturelles. La reconnexion et la restauration des zones humides améliorent considérablement l’étalement de l’eau, atténuant ainsi les effets des ondes de tempête. La résilience des écosystèmes côtiers se renforce face aux impacts du changement climatique.
D’un point de vue économique, la stratégie de gestion adoptée offre une option moins coûteuse, sans dépenses liées à la construction d’infrastructures de protection des côtes. Les informations du Symadrem (Syndicat mixte interrégional d’aménagement des digues du delta du Rhône et de la mer) confirment que la restauration et l’entretien de la digue en front de mer (y compris des brise-lames et des épis) seraient beaucoup plus coûteux que ceux portant sur la digue intérieure.
- Les avantages du projet de restauration pour la société comprennent :
- L’amélioration de la protection contre les inondations plus à l’intérieur des terres (création d’une zone tampon) ;
- Le développement de zones de nurserie pour les poissons (via la connexion croissante des plans d’eau et la réduction de la salinité) ;
- De nouvelles possibilités d’amélioration des connaissances scientifiques (recherche sur la dynamique et la biodiversité côtières, et sur les stratégies d’adaptation à l’élévation du niveau marin) ;
- De meilleures perspectives pour l’éducation à l’environnement (visites de terrain pour les écoles et le grand public) ; et
- Des activités de loisirs supplémentaires (cyclisme, randonnée, équitation, etc.) pour les habitants et les touristes.
Le site des étangs et marais des salins de Camargue fera l’objet d’une visite d’experts en janvier 2019, dans le cadre de l’atelier international « Mise en œuvre des solutions fondées sur la nature pour lutter contre le changement climatique : focus sur la région méditerranéenne » qui se tiendra à Marseille du 22 au 24 janvier 2019 (plus d’informations).
La communication sur cette étude de cas « Anciens salins de Camargue » est soutenue par Wetlands International, dans le cadre d’un financement Life NGO de l’Union européenne.