Le fleuve Vjosa, en Albanie, est l’un des fleuves les plus emblématiques d’Europe. Avec ses affluents, il forme le système fluvial le plus intact du continent en dehors de la Russie. Cependant, la Vjosa est menacée par la construction prévue de centrales hydroélectriques ainsi que par les plans de développement d’infrastructures près de l’embouchure du fleuve.
Les experts en paysages fluviaux de diverses disciplines scientifiques soulignent que les recherches récemment menées dans le bassin de la Vjosa suggèrent fortement qu’il est urgent de réévaluer soigneusement les risques posés par les projets hydroélectriques prévus à Kalivaçi et Poçemi.
En plus de la destruction d’écosystèmes uniques, selon des recherches récentes, ces projets :
- ne parviendront pas à atténuer le risque d’inondation en aval, car le barrage n’est pas conçu pour retenir de grands débits de crue ;
- entraveront le développement agricole en abaissant la nappe phréatique et en permettant l’intrusion d’eau salée en aval des réservoirs ;
- limiteront le développement touristique en raison de l’érosion côtière due à la forte rétention de sédiments dans les réservoirs ;
- généreront des coûts de maintenance élevés des réservoirs et une durée de vie relativement courte de ceux-ci, car une charge élevée de sédiments à particules fines et grossières remplira le réservoir ;
- augmenteront les risques d’activité sismique dans la région de Vjosa.
Compte tenu de ces risques, ces scientifiques demandent instamment, par le biais d’une pétition, au gouvernement albanais, à savoir le Premier ministre Edi Rama, le ministre du tourisme et de l’environnement Blendi Klosi et la ministre des infrastructures et de l’énergie Belinda Balluku :
- de convenir d’une période de deux ans (2020/2021) pour un examen approfondi des plans actuels de développement de l’hydroélectricité dans le bassin de la rivière Vjosa ;
- d’explorer conjointement les options économiquement réalisables pour une « stratégie de la rivière Vjosa » durable dans le cadre du plan de gestion du bassin fluvial en cours d’élaboration ;
- d’établir une « table ronde scientifique sur la rivière Vjosa » impliquant des experts nationaux et internationaux afin de permettre une prise de décision éclairée sur les questions clés identifiées relatives au bassin hydrographique de la rivière Vjosa ;
- de suivre les engagements politiques et juridiques de l’Albanie pour respecter les conventions internationales ainsi que les exigences de l’UE.
Cette pétition des scientifiques pour la rivière Vjosa a été remise au président albanais, au chef du Parlement, au vice-ministre des infrastructures et de l’énergie ainsi qu’au médiateur à Tirana le 14 février.
Le président a souligné avec force son soutien à la protection du dernier fleuve sauvage d’Europe. Il a suggéré l’organisation d’une conférence scientifique internationale sous son égide, afin de discuter de l’importance de protéger la Vjosa des projets hydroélectriques. Le chef du Parlement a également promis de soutenir les preuves scientifiques avancées par les scientifiques.
Plusieurs scientifiques de la Tour du Valat étaient signataires de cette pétition.
De plus, trois scientifiques de la Tour du Valat y ont effectué un travail de terrain en mai 2019 afin d’améliorer les connaissances sur la biodiversité du bassin versant de la rivière Vjosa. Leur rapport fournit des informations sur les impacts que ces projets de barrages pourraient avoir sur la biodiversité. Un autre travail de terrain était initialement prévu au printemps.