Les éléments traces métalliques (ETM) constituent une source majeure de pollution et une menace significative pour les écosystèmes et les organismes aquatiques. La contamination par ces polluants peut varier considérablement à l’échelle locale, selon les caractéristiques de l’environnement (hydrosystème, ressources trophiques), ainsi que les particularités individuelles des organismes touchés (âge, sexe). En raison de leur position élevée dans la chaîne trophique et de leur longue espérance de vie, les tortues d’eau douce sont particulièrement vulnérables aux phénomènes de bioaccumulation et de bioamplification, ce qui les rend potentiellement très exposées à ces contaminants.
Cette étude examine les concentrations en ETM dans le sang de deux populations de Cistudes d’Europe (Emys orbicularis) vivant sur deux sites de zones humides en Camargue : l’Esquineau et les Faïsses. Ces populations, suivies depuis 1997, se distinguent par leurs habitats et leur exposition aux polluants (canaux d’irrigation ou de drainage). Au total, sept ETM[1], dont le mercure et le plomb, ont été détectés dans les échantillons sanguins des tortues. Les résultats montrent que les niveaux de contamination varient en fonction du site et des caractéristiques individuelles.
- Les concentrations de mercure, de plomb, de sélénium et de zinc étaient plus élevés chez les individus sur le site de l’Esquineau, que ceux des Faïsses (à l’inverse de ce qui avait été montré pour les pesticides dans un précédent article). L’irrigation du site de l’Esquineau par l’eau provenant du Rhône, fleuve particulièrement contaminé par les ETM, est une des hypothèses principales pour expliquer ce résultat.
- L’étude révèle également des corrélations positives entre l’âge et la taille corporelle des individus et les concentrations de mercure, suggérant une exposition accrue chez les tortues plus âgé.
- Une corrélation similaire a été observée pour les niveaux de plomb, avec toutefois un effet différentiel selon le sexe. Pour la première fois, il a été démontré que les femelles présentent des taux sanguins de plomb qui augmentent avec l’âge, contrairement aux mâles dont les taux diminuent. Ce résultat contredit l’hypothèse selon laquelle les femelles se détoxifieraient via la ponte des œufs.
- Grâce aux suivis CMR (Capture-Marquage-Recapture), il a également été mis en évidence que les niveaux de mercure, plomb et sélénium variaient peu au niveau intra-individuel d’une année sur l’autre chez les individus multi-capturés. Ces résultats suggèrent une exposition chronique aux ETM dans ces populations. Bien que les concentrations demeurent modérées, cette exposition pourrait avoir des effets délétères sur cette espèce à longue durée de vie.
- Enfin, les niveaux d’ETM ne semblaient pas liés à la position trophique des individus.
Il serait nécessaire de mener d’autres études pour examiner les effets écophysiologiques potentiels de cette exposition aux ETM, en particulier les différences entre sexes. Cette priorité est d’autant plus importante que ces populations de Cistudes ont récemment été identifiées comme fortement exposées aux contaminants organiques, ce qui pourrait engendrer des effets synergiques préoccupants.
[1] Cu, Fe, Hg, Mn, Pb, Se et Zn
Référence bibliographique :
Contact
Leslie-Anne MERLEAU – Doctorante co-encadrée par la Tour du Valat, l’UMR METIS (Milieux Environnementaux, Transferts et Interactions dans les hydrosystèmes et les Sols) et le Centre d’Etudes Biologiques de Chizé.