La Tour du Valat, en tant que membre et/ou administrateur de plusieurs réseaux d’aires protégées, mais également de par son statut et son activité d’exploitant agricole, s’associe pleinement au positionnement de organismes signataires du communiqué de presse suivant. Agriculture et biodiversité ne doivent pas être opposées, mais doivent impérativement être conciliées, au profit des agriculteurs, de la nature et des citoyens/consommateurs. Parmi les mesures annoncées par le gouvernement, nous sommes particulièrement préoccupés par celles concernant les zones humides, menaçant des décennies d’efforts pour sauvegarder ces milieux critiques face aux crises combinées du climat et de la biodiversité.
Communiqué de presse
En France, nous ne pourrons sauver la biodiversité sans l’agriculture et l’agriculture sans la biodiversité. Les opposer est une grave erreur et occulte les véritables problèmes d’un secteur économique dans la tourmente des changements globaux, des tensions géopolitiques, des difficultés économiques et du poids d’un modèle productiviste.
Dans les espaces protégés, nous démontrons en permanence qu’il est possible de concilier activité agricole et conservation de la biodiversité. Mais les aires protégées dont nous assurons la gestion ne peuvent à elles seules enrayer l’érosion de la biodiversité. La biodiversité a besoin de milieux en bon état et de trames vertes et bleues fonctionnelles sur l’ensemble du territoire.
Nous sommes totalement solidaires des agriculteurs qui revendiquent des revenus dignes de leur travail et dont beaucoup produisent une alimentation saine et préservent les écosystèmes et les paysages en pratiquant l’agro-écologie. Au-delà de la production alimentaire et énergétique, les agriculteurs ont un rôle majeur à jouer dans la transition écologique des territoires, que devraient faciliter et accompagner des politiques publiques cohérentes.
En maintenant un système de subventions à la surface, le statu quo instauré par la PAC 2023-2027 a pour effet d’encourager l’agrandissement des exploitations et de maintenir la dépendance des systèmes agricoles aux énergies fossiles et aux pesticides. Il décourage les pratiques agroécologiques et la transmission des exploitations, contrairement aux ambitions du pacte vert qui souhaite privilégier une plus-value environnementale.
Les dispositifs environnementaux récemment contestés ont été mis en place dans l’intérêt général des populations actuelles et futures et de tout le vivant. Plusieurs mesures annoncées par le Gouvernement le 1er février 2024 nous inquiètent particulièrement :
– La mise à l’arrêt du plan Ecophyto 2030. Les produits phytosanitaires contaminent désormais tous les compartiments de l’environnement, comme vient de le rappeler le rapport du député Dominique Potier sur les plans successifs Ecophyto (rapport AN n°2000, du 14-12- 2023). En 30 ans, les pesticides ont éliminé en biomasse 80 % des insectes et 30 % des oiseaux. Les pratiques actuelles de travail des sols, d’usage d’engrais minéraux et de pesticides détruisent les supports systémiques de l’agriculture. Les pollutions de l’eau posent de graves problèmes environnementaux et sanitaires.
– L’ouverture d’un « chantier sur les zones humides », qui sous-entend une pause dans la cartographie et la préservation des zones humides. Cette mesure va à l’encontre de décennies d’efforts pour sauvegarder les zones humides et les nombreux services que nous en tirons collectivement, en particulier le stockage de l’eau, un enjeu dont l’importance devient de plus en plus évidente.
– L’extension en 2024 d’une dérogation permettant de mettre en culture les terres en jachère. Elle constitue un recul des engagements pris dans le cadre de la PAC. Les jachères, qui représentent moins de 2 % de la surface agricole utile en France, hébergent une flore et une faune en sursis et jouent un rôle essentiel dans le cycle de l’eau et la restauration des sols.
– La simplification des démarches. Elles ne doivent pas se traduire par un recul des engagements internationaux de la France.
Nous attendons du Gouvernement :
– des politiques publiques qui aident les agriculteurs à s’adapter au changement climatique et les accompagnent pour qu’ils puissent contribuer à lutter contre les dérèglements climatiques. Cela passe par le soutien à des approches sobres en énergie, en eau et en intrants qui, seules, permettront la mise en place d’agro-systèmes durables et résilients ;
– qu’il réactive le plan Ecophyto, en réaffirmant clairement les ambitions prises devant le Comité national de la biodiversité, dont la réduction de 50 % de l’utilisation de produits phytopharmaceutiques à l’horizon 2030 par rapport à la période 2015-2017 ;
– la réouverture d’un dialogue constructif et serein, basé sur des analyses scientifiques et socio-économiques partagées, avec toutes les parties prenantes des systèmes agro- alimentaires dans leur diversité, afin d’impulser une transition de l’agriculture vers une agro- écologie rémunératrice, ancrée dans la transition écologique des territoires. Nous sollicitons dès à présent un appui marqué aux filières de l’agriculture biologique, acteurs majeurs de cette transition.
Enfin, nous affirmons notre soutien aux services déconcentrés de l’État et à ses agences, l’Office Français de la Biodiversité et les Agences de l’eau, aux personnels de terrain assurant les missions de police de l’environnement. Nous condamnons fermement les menaces ou intimidations visant ces personnels et les dégradations de leurs bâtiments et outils de travail.
Nous appelons toutes les parties prenantes à travailler dans l’intérêt de l’agriculture et de l’environnement afin de concilier activité agricole et conservation de la biodiversité dans le respect du droit et des personnes.