Danièle Dugré est coordinatrice de la Coalition Biodiversité : Non au Bti, un collectif québécois qui s’est donné comme but d’éclairer les citoyens sur l’épandage du Bti comme contrôle d’insectes piqueurs.
Elle répond aux questions de la Tour du Valat concernant le Bti et la démoustication, avec Christiane Bernier, responsable régionale du groupe de la Mauricie.
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Quelle activité de protection de l’environnement menez-vous au Québec ?
La coalition est composée de plusieurs groupes régionaux de citoyens qui luttent contre l’arrosage ou la pulvérisation du Bti au Québec. Le Bti est utilisé depuis des dizaines d’années au Québec sans aucune nécessité sanitaire. Officiellement, 50 municipalités appliquent un programme de contrôle d’insectes piqueurs que pour des raisons de confort, dont d’ailleurs plusieurs régions touristiques. Ce dossier n’était pas du tout connu du grand public. Pour la première fois au Québec, en 2019, des citoyens de la région des Hautes-Laurentides ont sonné l’alarme dans les réseaux sociaux car ils ne voulaient pas que la biodiversité de leur région soit perturbée ou détruite en partie par le Bti. Il y a eu par la suite un effet boule de neige et nous comptons désormais des groupes très actifs dans plusieurs régions du Québec qui informent la population sur les impacts du Bti sur l’environnement et qui l’incitent à refuser le Bti. Notre travail est donc de sensibiliser les citoyens, les journalistes, les élus municipaux, les scientifiques, les politiciens en les informant et démontrant que le Bti a des impacts négatifs sur la biodiversité contrairement à ce qui est véhiculé par l’industrie. Nous voulons également que le gouvernement exige que le principe de précaution soit appliqué.
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Comment avez-vous pris connaissance des travaux de la Tour du Valat sur la démoustication et en quoi vous ont-ils été utiles ?
Suite à nos premières questions à savoir ce que voulait dire « contrôle biologique » au Bti (au Québec, on utilise plutôt ce terme que le mot « démoustication »), nous avons fait des recherches dans les médias sociaux et avons trouvé votre site Web. Toutes vos publications sur le Bti nous ont appris ce qu’était vraiment cet insecticide et nous ont aidé à nous former pour mieux expliquer les enjeux de son utilisation. Puisqu’il n’y a aucune étude réalisée aujourd’hui sur l’impact du Bti au Québec, nous sommes extrêmement reconnaissants d’avoir eu à notre disposition des données scientifiques provenant d’un organisme indépendant et neutre. Jusqu`à maintenant, au Québec, comme ailleurs aussi, l’information sur le Bti provenait des compagnies qui le vendent et l’appliquent ! Il était temps que cela change. Donc, vos travaux sont d’une pertinence essentielle pour nous et une source d’inspiration ! Même une grande majorité de nos scientifiques québécois en auraient besoin.
C’est la conférence sur le Bti à Montréal de Brigitte Poulin (le 05.06.2019) qui a attiré l’attention de Christiane Bernier sur cet insecticide, donc sur la Tour du Valat : « Je ne pouvais pas croire que je n’avais jamais entendu parler de ce produit qui est épandu dans ma ville, que les citoyens payent pour cela et qu’ils n’ont jamais été consultés à ce sujet, à part un sondage en 2005. Un sondage qui montrait un manque d’intérêt de la population, mais le programme de contrôle des insectes piqueurs à quand-même débuté en 2008 en catimini ».
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Est-ce important selon vous que les chercheurs consacrent du temps à la vulgarisation scientifique ?
Oui, il est extrêmement important que tout le monde puisse comprendre de quoi on parle quand on explique où et comment agit le Bti. Nous nous adressons surtout à un grand public, donc non-scientifique, qui a en général très peu de connaissances techniques et scientifiques des larvicides et des milieux où ils sont utilisés. La vulgarisation scientifique est la base d’une communication adaptée à des gens concernés, qui souvent, n’ont jamais eu à se préoccuper des impacts d’un insecticide sur leur environnement immédiat.
Vulgariser la science est primordial. De plus en plus, au Québec, on parle d’acceptabilité sociale. Pour avoir l’acceptabilité sociale d’un projet, il faut consulter la population. Et pour que la population prenne une bonne décision, il faut qu’elle connaisse les enjeux du projet. Comme la majorité de la population n’a pas de formation scientifique, il faut rendre l’information à sa base. Simple et court. C’est à ce moment que les décisions pour le bien commun se prennent.
Il y a aussi le manque cruel de temps, les gens ont peu de temps à consacrer à un sujet, et diable qu’il y en a des sujets à creuser. Lire des études complexes, souvent en anglais, peut s’avérer ardu pour le commun des mortels.
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Quels sont, selon votre expérience les outils les plus efficaces pour rendre les résultats de la recherche accessible au plus grand nombre ?
Nous pensons que de nos jours, il faut adapter notre communication aux réseaux sociaux avec de jolis photos d’oiseaux, de libellules, etc., avec des petits montages vidéos très courts, avec des graphiques et surtout de courts articles faciles à comprendre. Nous sommes en train de faire une brochure que nous voulons distribuer dans les régions touchées et essayons le plus possible de présenter l’information nécessaire en quelques mots et avec plusieurs images. De plus, nous pensons qu’il serait également pertinent d’offrir régulièrement dans les réseaux sociaux des webinaires informatifs de courte durée pour le public non-scientifique et d’autres plus exhaustifs pour un public sensibilisé et plus scientifique. Il serait également nécessaire d’envoyer régulièrement des communiqués de presse à la presse spécialisée tout comme aux journaux plus généraux. Avec ces communiqués de presse, nous pourrions plus vite réagir à tous ces articles produits par l’industrie du Bti qui ne cherchent qu’à faire peur à la population. L’idéal serait d’avoir une banque de données internationales avec des communiqués, d’articles, de vidéos, de photos qui pourraient être modifiés selon les régions, les occasions ou les nouvelles découvertes.