Les organismes gestionnaires de réserves naturelles, le Conservatoire d’espaces naturels de PACA, la Tour du Valat, la Société Nationale de Protection de la Nature, les Amis des Marais du Vigueirat, le Parc naturel régional des Alpilles, avec la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, s’ils soutiennent pleinement l’ambition de transition énergétique et de décarbonation des activités industrielles afin de lutter contre le changement climatique, sont néanmoins opposés au projet de ligne aérienne THT – 400 000 volts – entre Fos-sur-Mer (13) et Jonquières-Saint-Vincent (30).
Dans le cadre de sa volonté de réindustrialiser la France, l’Etat a fixé l’objectif de décarbonation de l’économie et des activités humaines, dans lequel s’inscrit l’Opération d’Intérêt National sur la Zone Industrialo-Portuaire (ZIP) de Fos-sur-Mer. Cette OAZIP de Fos est l’une des plus importantes d’Europe, regroupant de grands sites sidérurgiques et pétrochimiques, des raffineries, des terminaux méthaniers, aujourd’hui responsable de très importantes émissions de CO2. Cette zone économique est reconnue comme un important bassin d’emploi industriel au niveau régional, vouée au développement de nouvelles activités, dont la production d’hydrogène et d’énergie solaire photovoltaïque… En outre, l’évolution du bassin de population de Marseille et les besoins industriels, économiques et touristiques croissants (développement de Data Centers, raccordement électrique des navires de croisières…) génèrent d’important besoins en électricité.
Les organismes gestionnaires de réserves naturelles soutiennent pleinement l’ambition de transition énergétique et de décarbonation des activités industrielles afin de lutter contre le changement climatique. Cependant, il est essentiel que cette transition énergétique, qui passe non seulement par le développement d’énergies renouvelables et décarbonées mais aussi par plus de sobriété et d’efficacité énergétiques, n’aille pas à l’encontre de la transition écologique dans son ensemble. Pour cela, elle doit garantir la préservation des patrimoines naturel, écologique et paysager, ainsi que la qualité de vie des citoyens.
Projet RTE – ligne THT 400.000 volts
RTE soumet aujourd’hui à la concertation un projet de création d’une ligne électrique aérienne de 400 000 volts entre Fos-sur-Mer et Jonquières-Saint-Vincent sur un linéaire de 65 km. Pour cela RTE a proposé une aire d’étude présentée à différentes parties prenantes lors de la première réunion de l’Instance Locale de Concertation créée à cet effet le 16 novembre 2023. Cette aire d’étude a été validée par l’Etat (courrier du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 23 janvier 2024).
Cette aire d’étude empiète pour partie sur la Réserve Naturelle Nationale des Coussouls de Crau, la Crau verte, le delta de la Camargue et la Réserve Naturelle Nationale des Marais du Vigueirat, les Marais de Beauchamp sur la commune d’Arles et une partie du territoire des Parcs naturels régionaux des Alpilles et de Camargue.
RTE travaille désormais à la définition de fuseaux préférentiels. Deux fuseaux sont proposés dont une hypothèse ‘’Est’’ et une hypothèse ‘’Ouest’’, déclinées en huit combinaisons.
A partir du 12 février 2024 et jusqu’au 7 avril 2024, RTE engage la concertation du public sur ce projet, menée sous l’égide du préfet des Bouches-du-Rhône. Cette concertation doit permettre au public de s’informer et d’éclairer le choix du fuseau de moindre impact des futures installations électriques.
Position des organismes gestionnaires des réserves naturelles
Les six organismes gestionnaires de réserves naturelles signataires de cette note sont chargés par la puissance publique (Etat ou Région) de veiller à la préservation d’espaces naturels exceptionnels. Le maintien de la diversité biologique de ces sites ne peut se concevoir sans la préservation des paysages qui les entourent et des continuités écologiques indispensables aux déplacements des espèces.
Dans le cadre de la concertation, les gestionnaires de réserves naturelles susceptibles d’être impactées par le projet de ligne THT veulent porter à la connaissance du public et de toutes les parties prenantes les risques sérieux d’atteinte à la biodiversité remarquable du territoire.
Au regard des éléments fournis par RTE, les signataires constatent que :
- Le projet porte sur un territoire d’une richesse biologique exceptionnelle constitué de la Crau, de la Camargue et des Alpilles, connu à l’échelle européenne sous l’appellation « Triangle d’Or de la Biodiversité », dont la protection doit être considérée comme un enjeu public majeur, d’une importance au moins équivalente à celui de la décarbonation qui motive le projet ;
- Quelle que soit la variante choisie, parmi celles proposées à la concertation, le projet a de très fortes probabilités d’induire des impacts directs ou indirects majeurs sur des espaces protégés au niveau national et régional à portée réglementaire : réserves naturelles nationales et régionales ;
- Ces impacts concernent de nombreux habitats naturels d’intérêt communautaire comme les prairies sèches et les zones humides, dont plusieurs sites Natura 2000 classés comme Zone Spéciale de Conservation au titre de la directive « Habitats » et désignés comme Zone de Protection Spéciale au titre de la directive « Oiseaux » ;
- Ces impacts, notamment liés aux risques de collision, concernent également de nombreuses espèces protégées et menacées, bénéficiant de plans nationaux d’actions (PNA) comme l’Outarde canepetière, le Ganga cata, L’Aigle de Bonelli, le Butor étoilé, ainsi que de nombreuses autres espèces de gros oiseaux rares ou emblématiques de la Camargue telles que l’Aigle criard, la Grue cendrée, le Flamant rose, la Spatule blanche, les cigognes blanche et noire et les Oies et Canards.
- Le projet se situe sur des voies de migration d’importance internationale, et constitue une menace pour de nombreuses espèces migratrices ainsi que pour les continuités écologiques. Par ailleurs, les espaces protégés gérés par nos organismes sont situés de part et d’autre du Rhône, générant de nombreux déplacements d’espèces d’oiseaux et de chiroptères, et augmentant par conséquent les risques de collision sur un ouvrage aérien tel que celui projeté ;
- Le projet de câbles aériens a des impacts paysagers très importants dans des espaces patrimoniaux aux paysages marqués par de très faibles reliefs ;
- Le projet est susceptible d’avoir des impacts considérables sur des filières agricoles, déjà fragilisées, qui sont essentielles à l’économie du territoire mais également porteuses d’enjeux biodiversité ;
- Les alternatives n’ont pas été étudiées de manière satisfaisante, ni en termes de technologie (câbles enterrés ou sous-fluviaux), ni en termes de production énergétique (production sur des sites déjà artificialisés au sein du GPMM…).
Forts de ces constats, les signataires estiment que les risques liés à ce projet ne sont pas compatibles avec le caractère exceptionnel de la biodiversité et des paysages de ce secteur, en conséquence de quoi ils expriment une opposition au projet de ligne aérienne objet de cette concertation.
Ils demandent par ailleurs que :
- Face aux nombreux projets passés et futurs d’aménagement en Camargue, Crau et Alpilles, et aux pressions et dégradations qu’ils ont engendrées ou sont susceptibles d’engendrer, des études sur les effets cumulés de tous les projets soient menées à à bien avant toute nouvelle décision d’aménagement ;
- L’ensemble des projets d’infrastructures (contournement autoroutier d’Arles, liaison Fos-Salon, franchissement du Rhône au niveau de Barcarin, extension de CLESUD, ligne THT, gazoduc GRT Gaz, …) soient mis en débat à travers une planification écologique globale.