Dans le cadre du programme de baguage des poussins de spatules blanches qui a lieu chaque année en Camargue depuis 2008 (en savoir plus), organisé par les équipes de la Tour du Valat, plusieurs oiseaux ont pu ensuite être ré-observés durant l’hiver 2016-2017, apportant des données précieuses sur l’écologie et le comportement de cette espèce emblématique des zones humides.
Ainsi, sur les 461 poussins bagués au printemps 2016, certains ont déjà été revus loin de la Camargue où ils sont nés grâce aux réseaux actifs d’observateurs présents dans chaque pays, et qui font régulièrement remonter leurs données à la Tour du Valat.
Plusieurs oiseaux ont été vus durant l’hiver dernier en Espagne, en Algérie, au Maroc, en Tunisie, en Sardaigne et même jusqu’au Sénégal. Plus exceptionnel encore, quatre individus nés en 2016 ont été observés au Sud-Soudan le 30 novembre 2016, soit un voyage de près de 5000 kilomètres depuis la Camargue effectué par de jeunes oiseaux âgés de six mois (plus d’infos) ! Ce sont en tout 24 poussins bagués en 2016 en Camargue qui ont été observés dans d’autres pays entre fin octobre 2016 et fin janvier 2017 (voir la carte ci-contre).
Par ailleurs grâce à une balise GPS posée sur une jeune femelle en mai 2016, les déplacements quotidiens de cet oiseau ont pu être analysés avec précision durant tout l’hiver 2016-2017. Comme une cinquantaine d’individus de sa cohorte, elle a fait le choix de ne pas s’aventurer hors de la Camargue et est restée depuis dans les alentours de son lieu de naissance dans les étangs des Impériaux, principalement dans la Réserve Naturelle Nationale de Camargue, en bordure sud de l’étang du Vaccarès, ne s’en éloignant épisodiquement que d’une vingtaine de kilomètres jusqu’à l’embouchure du Rhône (voir l’animation ci-dessous).
Le site de reproduction de la Camargue est unique en Europe, à la croisée de deux voies de migration principales, et ces précieuses observations de dispersion des spatules blanches depuis la Camargue montrent que certaines choisissent à l’automne la voie de migration ouest-atlantique les menant vers l’Espagne puis parfois l’Afrique de l’Ouest, d’autres la voie centre-méditerranéenne les menant vers l’Italie et la Tunisie, et que d’autres enfin préfèrent rester en Camargue.
Toutefois les observations au Sud-Soudan sont surprenantes et suggèrent l’utilisation par certains individus d’une troisième voie migratoire normalement utilisé par les oiseaux se reproduisant à l’Est de la mer Noire et descendant en hiver vers l’Afrique via l’Égypte le long de la vallée du Nil. Un comportement « exceptionnel » de quelques oiseaux camarguais, ou une voie migratoire inconnue ?
L’observation de la migration la première année des jeunes individus est déterminante car ils restent ensuite assez fidèles à leur choix initial tout au long de leur vie. La poursuite de ces observations sur le long-terme permettra de comprendre les raisons qui poussent les individus à choisir l’une ou l’autre voie, ou à l’inverse de rester en Camargue.
Photo : baguage de poussins de spatules en Camargue au printemps 2016 (© J. Roché)