Jean-Laurent Lucchesi
Directeur de l’association des Amis des Marais du Vigueirat.
L’association des Amis des Marais du Vigueirat coordonne depuis l’origine le projet du Cassaïre en tant que maître d’ouvrage. Jean-Laurent Lucchesi, directeur, nous livre son analyse et son ressenti quant au déroulement du projet.
Pouvez-vous nous rappeler la genèse du projet du Cassaïre, ainsi que ses objectifs initiaux ?
l y avait déjà, au milieu des années 1990, l’idée de développer sur le territoire du hameau arlésien de Mas Thibert une activité de chasse sur des terrains à faible valeur biologique, qui n’avait pu aboutir à l’époque. Une dizaine d’années plus tard, l’association des Amis des Marais du Vigueirat a saisi la double opportunité d’un projet de concertation territoriale LIFE Promesse, couplé au lancement d’une réflexion dans le cadre d’un Plan décennal de développement durable (P3D) de Mas Thibert, pour relancer le projet.
Par chance, s’est présentée à ce moment une opportunité de rachat de 70 hectares de terrains agricoles anciennement dédiés à la riziculture et au pastoralisme sur le site du Cassaïre, qui ont donc été acquis par le Conservatoire du littoral (CdL) en 2006. C’est à ce moment qu’a réellement émergé la double idée d’une réhabilitation écologique de ces anciens terrains agricoles, couplée au développement d’une activité cynégétique à l’usage des membres de la société de chasse de Mas Thibert.
Par la suite, un comité de pilotage a été créé pour regrouper les chasseurs ainsi que les autres acteurs de ce projet, dont l’association des Amis du Vigueirat en tant que structure coordinatrice, le CdL, la Tour du Valat, les élus locaux, l’ONCFS, le CNRS, et le Parc naturel régional de Camargue. C’est dans ce cadre qu’un « état zéro » du site a d’abord été réalisé par la Tour du Valat à la demande du CdL, qui a abouti au projet de création d’une zone de marais de 35 hectares.
Les choses se sont concrétisées depuis, avec les premiers travaux réalisés début 2012 par l’association des Amis du Vigueirat en tant que maître d’ouvrage, le démarrage d’une thèse dédiée au suivi scientifique du projet à la Tour du Valat en novembre 2010, et le début de l’activité de chasse en septembre 2012.
En résumé, l’objectif initial du projet du Cassaïre est donc double : développer une activité cynégétique à l’usage des acteurs locaux, tout en restaurant des espaces naturels caractéristiques de Camargue sur des terres agricoles en déprise et de faible intérêt biologique.
Quelles ont été les principales contraintes et difficultés rencontrées au cours du processus ?
Le projet n’a jamais réellement subi de grosses contraintes, dans la mesure où il a été dès le début le résultat d’un véritable processus de concertation territoriale. On peut en revanche signaler les difficultés rencontrées durant son implémentation, liées aux différentes perceptions des usagers du territoire : certains agriculteurs voyaient d’un mauvais œil la perspective de re-transformer en marais d’anciennes terres agricoles drainées, tandis que pour d’autres, l’idée de réhabiliter un site écologique pour y développer une activité cynégétique était mal perçue. Et puis, bien sûr, il a fallu trouver les moyens de financer un projet globalement assez coûteux.
Les élus du territoire ont-ils soutenus l’initiative?
Globalement, l’accueil du projet par les élus locaux a été très positif. Au niveau de la commune d’Arles, les élus l’ont soutenu implicitement en autorisant le rachat du site du Cassaïre par le CdL en 2006, et en étant présents à toutes les différentes étapes de la concertation. Le Conseil général des Bouches-du-Rhône a également apporté un soutien essentiel, en finançant dès le début la coordination du projet. Enfin la région PACA, en prenant en charge le financement d’une thèse à la Tour du Valat, permettra à cette dernière structure d’assurer le suivi scientifique du projet via l’analyse de l’évolution du site sur le long terme.
Concernant les chasseurs, a-t-il fallu les convaincre de la pertinence du projet, globalement ou sur certains points plus précis ?
Les chasseurs ont été convaincus dès le début par le projet dans la mesure où la demande venait en grande partie d’eux, et où le processus de concertation a permis d’affiner leur demande au cours d’une dizaine de réunions. Cet accord a d’ailleurs été formalisé ensuite dans le cadre d’une convention. Aujourd’hui, le projet se déroule dans une très bonne ambiance au niveau de Mas Thibert ; l’aspect de lien social avec les habitants est même devenu une des composantes essentielles de l’expérience.
Pour conclure, pensez-vous que le projet du Cassaïre soit aujourd’hui sur la voie du succès ?
Aujourd’hui, le bilan de l’expérience est sans aucun doute très positif ! Après la première phase des travaux en début d’année 2012, une enquête publique est actuellement en cours qui ouvrira la voie à la seconde phase, sous réserve de la pérennité des financements. Mais le projet bénéficie d’une excellente image vis-à-vis des acteurs du territoire et des élus locaux ; par ailleurs, le CNRS le considère d’ores-et-déjà comme un des projets majeurs en termes de recherche appliquée à la réhabilitation écologique de sites naturels.
Pour l’avenir, la question qui se posera sera plutôt celle de la modélisation de l’expérience, et de sa transposabilité à d’autres sites méditerranéens, sur la base du suivi écologique et scientifique qui continuera à être assuré conjointement par l’association des Amis des marais du Vigueirat et par la Tour du Valat. On peut déjà dire qu’au niveau de la Camargue, l’expérience est à priori aisément reproductible. Tout l’enjeu sera plutôt lié à l’évaluation du coût économique et, partant, à la volonté politique nécessaire à la mise en œuvre de ce type projet de réhabilitation, de la part des élus et des autres acteurs locaux.