L’IPBES, un outil international pour la biodiversité
De même que pour le changement climatique, les impacts significatifs de la dégradation de la biodiversité sur le bien-être des populations nécessitent à la fois un accord au niveau international, et une collaboration effective entre les pays pour le rendre efficace.
La volonté des décideurs de modifier la trajectoire actuelle de la perte de biodiversité, et de l’ensemble des services écosystémiques qu’elle fournit, est déjà traduite en action par plusieurs conventions internationales et traités multilatéraux tels que les Objectifs d’Aichi de la Convention sur la diversité biologique (CBD), ou encore les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies.
La Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) est un organe intergouvernemental indépendant, créé par ses états membres en 2012.
Son objectif est de renforcer l’interface entre science et politique sur les questions de biodiversité et les services écosystémiques, en vue de favoriser la conservation et l’utilisation durable de la biodiversité, le bien-être à long-terme des humains, et un mode de développement soutenable.
Par le biais de son agenda stratégique, l’IPBES facilite les évaluations globales sur des enjeux-clés liés à la biodiversité tels que, par exemple la disparition des pollinisateurs ou la dégradation des sols.
Elle mène également des évaluations régionales et globales sur l’état et les tendances de la biodiversité et des services écosystémiques qui sont conduites par un très grand nombre de scientifiques du monde entier, sur une base essentiellement volontaire.
Les délégations des états-membres se réunissent chaque année lors de réunions plénières pour valider les résultats de ces évaluations, ainsi que pour planifier les étapes stratégiques à suivre.
L’IPBES a prévu sa prochaine réunion plénière à Paris, du 29 avril au 4 mai 2019. L’ensemble des observateurs du processus de l’IPBES se réunira également auparavant le 28 avril.
La contribution de la Tour du Valat à l’IPBES
En tant qu’organisation scientifique membre observateur de l’IPBES, la Tour du Valat en suit de près les travaux ou y participe directement.
Elle a ainsi activement contribué la revue bibliographique systématique du Rapport pour l’évaluation régionale de la biodiversité et des services écosystémiques pour l’Europe et l’Asie centrale, publié en 2018 (voir la publication).
Au sein de plusieurs groupes de travail, elle participe également au développement des systèmes de suivi de la biodiversité et des services écosystémiques, par exemple au sein du groupe Global Earth Observation – Biodiversity Observation Network (GEOBON), ainsi que dans le groupe sur les services écosystémiques méditerranéens du partenariat sur les services écosystémiques (en savoir plus). Enfin des publications telles que les deux rapports Mediterranean Wetland Outlook de 2012 et 2018 (voir les publications) ainsi que des articles scientifiques de la Tour du Valat permettent l’alimentation et l’amélioration régulière des évaluations de l’IPBES, grâce aux connaissances développées sur les zones humides méditerranéennes.
Les enjeux pour les zones humides méditerranéennes
La Tour du Valat mène depuis 2008 et avec MedWet, via l’Observatoire des zones humides méditerranéennes (OZHM), un important travail d’information des délégués des pays membres de l’IPBES pour une meilleure prise en compte des zones humides méditerranéennes et des principaux enjeux les concernant dans les évaluations.
L’OZHM a publié en 2012 et 2018 deux rapports intitulés Mediterranean Wetlands Outlook 1 et 2 (voir le MWO2), qui dressent l’état des lieux de la conservation des zones humides méditerranéennes et formulent des recommandations en vue d’améliorer leur prise en compte, malgré un contexte socio-économique et politique parfois complexe autour du bassin.
Ces deux rapports mettent globalement en évidence une réduction très rapide de la surface des zones humides méditerranéennes de l’ordre de 45 % à 51 % depuis 1970, plus élevée que la moyenne mondiale, et ce bien que l’essor démographique extrêmement rapide de la zone (+32 % depuis 1990) en rendent les populations d’autant plus dépendantes des services rendus par ces écosystèmes, par exemple en termes de production alimentaire ou de fourniture d’eau.
Les conséquences de ce déclin accéléré sur la biodiversité sont dramatiques, notamment pour les espèces strictement dépendantes des zones humides méditerranéennes, aussi bien animales que végétales.
L’abondance des vertébrés dans les zones humides méditerranéennes y a ainsi globalement diminué de 15 %, avec des chiffres très élevés pour certains groupes tels que les poissons (- 34%) ainsi que les amphibiens, les reptiles et les mammifères (-35%). Si certaines populations d’oiseaux d’eau se sont quant à elles renforcées depuis le milieu des années 2000 du fait de l’efficacité des mesures de protection dans certains pays de la rive nord du bassin méditerranéen, cela ne suffit toutefois pas à masquer un déclin global particulièrement alarmant. Par ailleurs le bassin méditerranéen se caractérise par des taux de menaces d’extinction totale parmi les plus élevés au monde pour certaines espèces, notamment les poissons et mollusques d’eau douce (respectivement 40 % et 53%).
Sur le plan humain et socio-économique, si les pays désirent protéger leurs populations des impacts de l’élévation du niveau de la mer et des inondations sur les personnes et les biens matériels, ainsi que la préservation des capacités à nourrir leurs populations via des systèmes agricoles sains et soutenables, il est urgent qu’ils commencent à mieux prendre en considération les solutions fondées sur la nature qui peuvent être offertes par les zones humides. Ces dernières ont notamment été présentées lors d’un colloque international tenu à Marseille en janvier 2019 (en savoir plus).
Des actions ambitieuses sont également nécessaires pour mettre fin à la dégradation du fonctionnement des zones humides (notamment sur le plan de la quantité et de la qualité des ressources en eau), ainsi qu’à l’urbanisation croissante dans les zones inondables.
Comment agit la Tour du Valat, et que pouvez-vous faire ?
L’Accord de Paris sur le climat, issu de la conférence de la Convention-cadre des Nations unies sur le changement climatique (CCNUCC) fin 2015, avait obtenu un fort retentissement médiatique mondial du fait notamment de l’action des ONG.
La prochaine plénière de l’IPBES offre la même opportunité de sensibiliser simultanément les pays pour s’attaquer dès la source aux forces motrices de la perte de biodiversité, de la dégradation de la qualité des écosystèmes, et de l’utilisation soutenable des contributions de la nature aux humains.
Le GIEC a, jusqu’à présent, eu un énorme impact en termes d’amélioration de la conscience collective mondiale sur la question du changement climatique ; cette dernière a ensuite débouché sur des demandes sociétales fortes aux décideurs politiques et économiques d’agir sur les causes profondes du problème. Toutefois, les études ont jusqu’à présent montré que les discussions plénières du GIEC retiennent généralement beaucoup plus l’attention que celles de l’IPBES.
Bien que les négociations et discussions durant les réunions plénières concernent uniquement les représentants des pays, les ONG, les citoyens, les journalistes, les acteurs économiques et les instituts de recherche peuvent saisir cette opportunité pour créer de l’attention concernant les actions à mener pour mettre un terme à la crise de la biodiversité.
Une communication accrue et une meilleure attention des médias peuvent avoir un impact direct sur le nombre de personnes conscientes du problème (par exemple en lisant des blogs et des journaux, en regardant des vidéos, ou encore par des projets éducatifs), ce qui tend ensuite à favoriser l’action.
Une attention sociétale accrue peut constituer une véritable force motrice pour mettre fin au statu quo actuel, à même d’inciter décideurs et acteurs économiques à faire des choix de développement économique et législatifs différents.
La Tour du Valat sera présente avant, pendant et après la plénière de l’IPBES à Paris pour s’assurer que les enjeux liés aux zones humides méditerranéennes y sont bien présentés, en apportant aux décideurs des informations de qualité concernant les solutions aux enjeux actuels.
Avec MedWet, Ramsar et l’Alliance pour la conservation des zones humides méditerranéennes, la Tour du Valat met en avant les actions concrètes qui peuvent être entreprises dès maintenant. Tout appui sera apprécié en tant qu’ambassadeur pour la conservation des zones humides méditerranéennes, en saisissant l’opportunité de la plénière de l’IPBES à Paris pour mettre en avant ces extraordinaires écosystèmes dont nombre d’espèces et de populations dépendent directement pour leur existence même.
Contact : Ilse Geijzendorffer, responsable du département Observatoire des zones humides méditerranéennes (e-mail)
Plus d’information :
- Voir aussi l’interview de Yann Laurans, directeur du programme Biodiversité & Écosystèmes de l’IDDRI
- Télécharger ci-dessous la position de la Tour du Valat et de Medwet sur la 7ème session plénière de l’IPBES
Bibliographie
- Geijzendorffer, I. R., et al. (2019). A more effective Ramsar Convention for the conservation of Mediterranean wetlands. Frontiers in Ecology and Evolution. 2019;7:21. OPEN ACCESS (lien)
- Geijzendorffer, et al (2019) Mediterranean Wetlands: a Gradient from Natural Resilience to a Fragile Social-Ecosystem. Chapter 14 in Atlas of Ecosystem Services: Drivers, Risks, and Societal Responses, Editors: M. Schröter, A. Bonn, S. Klotz, R. Seppelt, C. Baessler. Springer. 2019. Pages 83 – 90. https://doi.org/10.1007/978-3-319-96229-0
- Ramsar. 2019. Global Wetland Outlook (lien)
- Tour du Valat. 2018. Les zones humides méditerranéennes, enjeux et perspectives 2 – Solutions pour des zones humides méditerranéennes durables (lien)