Retour sur neuf ans d’expérience
En 2003, la Tour du Valat a acquis les 120 hectares des anciennes piscicultures du Verdier situées au nord du hameau du Sambuc.
Le pari de la Tour du Valat était de permettre aux habitants du hameau de s’investir dans la gestion de cet espace et de bénéficier de cette acquisition dans la mesure où les activités envisagées respectent la valeur écologique du site et que ce projet ait une portée territoriale en privilégiant les activités multiples et collectives. L’objet était de démontrer que les activités humaines peuvent dans bien des cas être conciliables à la protection des enjeux écologiques d’une zone humide.
Une démarche innovante pour la gestion d’une zone humide
L’originalité réside dans le choix de gérer le site en concertation étroite avec les villageois pour poser les bases d’une gestion participative opérationnelle. En effet, les projets de gestion d’espaces naturels sont nombreux mais sans réelle appropriation par la population locale.
Or, la phase de concertation sur le projet du Verdier a duré deux ans et permis de mettre en place rapidement des activités en phase avec les besoins exprimés par les habitants. Une démarche de plan de gestion a, par ailleurs, été menée à bien pour garantir une gestion respectueuse du site en fonction de ses potentiels écologiques. L’association « Les marais du Verdier », créée dès 2004, a renforcé l’identité du projet et permis le développement des axes suivants :
- Un marais permanent propice à la pêche et réservoir d’une avifaune diversifiée. Le souhait de s’adonner à la pêche a nécessité le maintien d’un plan d’eau permanent permettant le peuplement de poissons de se développer. Cette gestion a également favorisé l’implantation naturelle d’une roselière sur la moitié du bassin. Son exploitation par un récoltant a permis d’une part, de valoriser l’usage du roseau et d’autre part, de payer les coûts de pompage. Aujourd’hui, le cortège de passereaux et de hérons paludicoles qui utilise cette roselière confère une forte valeur patrimoniale au site.
- Un marais temporaire qui concilie chasse et biodiversité. Traditionnellement réservé à des actionnaires, l’exercice de la chasse en Camargue est aujourd’hui un privilège ouvert aux Sambutens. Le règlement de chasse évolue avec certains principes de conservation appliqués, notamment l’assec, habituellement peu apprécié des chasseurs. Pourtant, un assèchement estival prolongé réduit le développement des herbiers émergés (typha et roseaux) et limite l’envahissement par la Jussie et le Paspalum, deux espèces exotiques à fort pouvoir de recouvrement. Combiné à une pression de pâturage assurée par un troupeau de vaches de race Camargue durant tout l’été, cet assèchement a favorisé le résultat attendu : un « marais ouvert » sans intervention mécanique coûteuse. Et, à ce jour, les tableaux de chasse attestent de l’attrait cynégétique du site.
- Une dynamique naturelle sur la majorité du site. Sur les autres secteurs du Verdier, une gestion sans aucune introduction artificielle d’eau a été privilégiée. Ces secteurs n’en sont pas moins intéressants pour la faune, la flore et les activités dont ils peuvent être le support comme par exemple, les sorties scolaires avec les enfants du village, la cueillette des salades sauvages, le pacage des chevaux présents à l’année sur le site, l’observation et la promenade.
Une mosaïque de milieux
Le brusque changement de gestion lié à la cessation de l’activité piscicole avec notamment cette phase d’assèchement total du site a engendré une germination massive des graines contenues dans les sédiments. Des ceintures de tamaris se sont ainsi rapidement installées dans les zones d’emprunts restées humides plus tardivement. Dans les secteurs plus ou moins alimentés en eau de pompage se sont établis des habitats comme les scirpaies et les roselières. Dans les secteurs non gérés d’un point de vue hydrologique, c’est une végétation composée essentiellement de plantes adaptées à la sécheresse estivale, au pâturage et à la présence de sel dans le sol qui s’est imposée. Une graminée d’intérêt régionale et protégée le Crypsis en aiguillon (Crypsis aculeata) s’est rapidement répandue sur l’ensemble des prés salés et marais temporairement inondés alors qu’elle est mentionnée rare par ailleurs en Camargue.
Cette mosaïque de milieux est favorable à une avifaune variée. L’été une petite colonie de glaréoles à collier niche dans les secteurs largement pâturés; le Butor étoilé et le Blongios nain sont des nicheurs réguliers des roselières. L’essentiel des passereaux paludicoles est représenté par la Rousserole turdoïde et la Rousserole effarvate. De nombreuses autres espèces sédentaires utilisent le site comme zone d’alimentation (Cigognes blanche et noire, Spatule, Grande aigrette, Canard colvert, Foulque, …).
Un partage collectif
Depuis 2005, l’association Les Marais du Verdier compte une cinquantaine d’adhérents comprenant des usagers du site, bénévoles, habitants et bienfaiteurs. Bien au-delà des préoccupations initiales de chasser ou de faire pâturer quelques chevaux sur le site, l’association a su développer des activités et des manifestations inattendues. Par exemple, le repas annuel des marais composé de produits issus des zones humides rassemble chasseurs, ornithologues, villageois et autres membres. Autre temps fort, les journées de soins des chevaux qui réunissent propriétaires, maréchal ferrant, vétérinaire ou ostéopathe équin. Ou encore la réalisation collective des infrastructures du site (plate-forme, observatoire, clôture, plantation, …) où chacun valorise son savoir-faire et contribue à la gestion du site. Enfin, la mobilisation des bénévoles pour la conduite de suivis écologiques (faune, flore, végétation) associés aux scientifiques de la Tour du Valat reste toujours riche d’échanges.
Une telle démarche de gestion participative suscite un intérêt croissant, l’association des Marais du Verdier est sollicitée pour réaliser de nouvelles activités comme un rucher école ou des animations artistiques et tisse ses liens avec de nouveaux partenaires.
Puisse cette expérience, aujourd’hui détaillée dans le recueil d’expérience « Gestion partagée d’un marais en Camargue » servir de modèle et inspirer de nouvelles initiatives.