En mars 2018, la Tour du Valat, représentée par Laurent Chazée, s’est rendue en Casamance pour lancer le travail de terrain pour mesurer les impacts humains de la plantation, entre 2009 et 2012, de plus de 10 000 hectares de mangroves (espèce native Rhizophora sp.) dans 450 villages. L’enjeu, au-delà de la restauration des mangroves et du suivi de la séquestration de carbone, est d’évaluer en quoi la restauration de ces écosystèmes a impacté les populations locales en termes économique, social et culturel.
Ce projet de plantation de mangroves au Sénégal, porté par le Fonds Carbone Livelihoods, un fonds d’investissement à impact qui utilise l’économie du carbone pour restaurer des écosystèmes et les conditions de vie des communautés rurales, vise à recréer un écosystème protégeant les terres arables de la salinisation et produire des ressources alimentaires (poissons, coquillages, crustacés) et du bois. L’ONG sénégalaise OCEANIUM, active dans la restauration des mangroves depuis 1984, a déployé ce projet sur le terrain et assure son suivi.
En effet, Le Fonds Carbone Livelihoods finance aussi le suivi de ce projet sur une période de 20 ans, jusqu’en 2029. Comme le projet arrive désormais à mi-parcours, le Fonds Livelihoods a fait appel à la Tour du Valat pour évaluer les bénéfices pour les communautés locales générés par la replantation des mangroves.
La mission de la Tour du Valat est structurée selon sa méthodologie « Livelihood » développée en 2017 et va durer trois mois,. Lors des 10 jours de terrain (14-24 mars), la mission a organisé les formations de 15 personnes en charge des enquêtes et des observations de terrain. Elle a développé et testé les questionnaires auprès de trois communautés et plusieurs ménages, qui font partie des 50 villages et 1000 ménages retenus dans l’échantillonnage pour l’évaluation des impacts. L’échantillonnage prend en compte la distribution géographique, le pourcentage de mangroves restaurées par village, les niveaux de pauvreté et bien-être et les considérations culturelles et ethniques particulièrement actives dans cette région.
Les restitutions régulières avec l’équipe locale ont permis de s’assurer de la compréhension commune de l’approche, d’ajuster les questionnaires aux terminologies locales et de vérifier et améliorer la qualité des données collectées. Suite à cette période de terrain, la Tour du Valat sera impliquée, avec OCEANIUM, dans l’analyse des impacts.
Le Fonds Carbone Livelihoods, Océanium et la Tour du Valat partageront d’ici la fin de l’année les enseignements de cette étude. Les leçons de méthode « Livelihood » de la Tour du Valat pourront être utiles dans le cadre de projets de restaurations de zones humides méditerranéennes habitées et utilisées par les populations.
Pour aller plus loin :
Qu’est-ce qu’une mangrove ?
Barrière naturelle contre les tsunamis, réservoir immense en matière de biodiversité, « super-marché » naturel pour certaines populations, la mangrove est une zone humide, un écosystème fragile caractéristique des littoraux tropicaux, une forêt entre terre et eau. Les mangroves, principalement constituées de palétuviers (possédant des racines échasses) sont situées dans la zone de balancement des marées, et sont très utiles pour la protection des terres et pour l’accroissement de la production piscicole (crevettes et poissons).
Pourquoi est-ce si important de préserver les mangroves ?
Il s’avère fondamental de préserver les mangroves, car elles rendent des services importants : elles permettent la stabilisation des marges côtières et permettent de lutter contre l’érosion, elles retiennent les sédiments les plus fins et donc limitent l’envasement des baies (elles fixent aussi les polluants dans les sédiments qu’elles retiennent), elles permettent la reproduction de la faune ichtyologique (poissons) et servent donc de nurseries, elles maintiennent les micros climats, et sont aussi d’excellents supports pour les activités touristiques. Ce sont aussi d’excellentes ressources forestières et halieutiques.
Historique du projet :
Le projet de plantation de mangroves au Sénégal, dans les estuaires de la Casamance et du Sine Saloum au Sénégal a aidé, entre 2009 et 2012, 450 villages à replanter plus de 10 000 ha de mangroves sur les 185 000 ha de mangroves existants. Il a été réalisé parmi les 45 000 ha de mangroves perdues depuis les années 70 en raison des sécheresses et de la réduction de l’eau douce (liée à l’utilisation agricole en amont, la déforestation des mangroves mais aussi la collecte de bois de feu, la culture du riz, les salines et la configuration des infrastructures routières bloquant le flux entre eau douce et eau salée). Cela a aussi eu pour conséquence la diminution des stocks de poissons. Ce programme de plantation concerne 3 200 parcelles avec la participation de plus de 100 000 volontaires.
Le projet est porté par Le Fonds Carbone Livelihoods, un fonds d’investissement à impact qui est soutenu par 10 entreprises privées : Crédit Agricole, Danone, Firmenich, Groupe Caisse des Dépôts, Hermès, La Poste, Michelin, SAP, Schneider Electric et Voyageurs du Monde. Ce fonds préfinance des développeurs de projets comme Océanium pour restaurer des mangroves, promouvoir l’agroforesterie ou diffuser des foyers de cuisson améliorés en Afrique, Asie et Amérique du Sud. Les projets sont menés sur 10 à 20 ans. En contrepartie de leurs investissements, les entreprises du fonds reçoivent des crédits carbone certifiés par les meilleurs standards internationaux. La mesure et le suivi des impacts du projet auprès des communautés locales effectués par la Tour du Valat viennent en complément du suivi de la séquestration de carbone.