Dr. Güven EKEN – Président de Doga Dernegi (ONG turque partenaire de Birdlife)
Güven EKEN et son équipe ont participé au projet d’identification de zones clés pour la biodiversité du bassin méditerranéen mené par le Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF).
« 70 zones clés pour la biodiversité ont été identifiées en tant que sites prioritaires en Méditerranée nécessitant des actions immédiates de conservation car elles sont à la fois irremplaçables et menacées».
1 – Expliquez-nous quelle a été l’implication de Doga Dernegi dans le projet du CEPF ?
Doga Dernegi (DD) est un acteur clé dans le développement initial de la méthodologie de « zones clés pour la biodiversité » (Key Biodiversity Area), et la première ONG dans le monde à l’avoir appliquée à l’échelle d’un pays (ici la Turquie) pour produire un inventaire de ces zones clés. Ainsi, lorsque le CEPF a décidé d’initier le processus d’identification de zones clés sur le « hotspot » Mediterranée, Doga Dernegi semblait être le porteur naturel pour ce projet, d’autant qu’elle est basée elle-même dans ce « hotspot ». L’association a entrepris ce travail avec la participation de partenaires reconnus mondialement. L’équipe qui a participé au travail d’identification de ces zones clés est composée de la Tour du Valat, le Centre pour la Science de la Biodiversité Appliquée (CABS) de Conservation International, les partenaires de BirdLife International dans la région, l’UICN, PlantLife International ainsi que d’autres acteurs dans la région.
2 – En quoi ce projet est-il novateur ?
Comparée aux outils précédents, le profil écosystémique fournit une stratégie commune utilisée par de nombreux organismes, avec des normes méthodologiques. Elle réunit l’expertise de nombreuses ONG qui étaient auparavant très dispersées.
Chaque identification fournit une évaluation des priorités biologiques et les causes profondes de la perte de biodiversité, des paramètres socio-économiques, des menaces et un inventaire des investissements liés à la conservation en cours actuellement dans la région. Une analyse de ces informations s’effectue afin d’identifier les opportunités d’investissements stratégiques pour le CEPF dans les régions au Sud et à l’Est du bassin méditerranéen.
3 – Pourquoi mettre en place des « zones clés de biodiversité prioritaires » ?
En tout 1 105 zones clés pour la biodiversité ont été identifiées ainsi que 17 “corridors” (groupes de zones clés similaires ou reliés). Ces corridors sont essentiels pour la protection des processus et liens nécessaires à la préservation des espèces menacées, particulièrement en ce qui concerne l’adaptation à long terme aux changements climatiques.
Cependant . le nombre de zones clés – voire de corridors – étant trop élevé par rapport aux ressources, le CEPF doit mettre en place des priorités pour investir son budget de 10 millions de dollars.. Deux critères principaux ont déterminé notre choix : l’irremplaçabilité (les zones clés dans lesquelles il y a des espèces endémiques que l’on ne trouve nulle part ailleurs) et la vulnérabilité (les sites qu’il faut préserver aujourd’hui, sinon ils seront bientôt détruits).
Notre expertise a permis de démontrer que sur les 17 corridors identifiés, 6 étaient d’importance primordiale parce qu’ils abritaient la plupart de la biodiversité endémique et menacée de ce « hotspot ». Ces corridors ont été identifiés en fonction de leur importance dans la préservation de services écologiques essentiels, dans la résilience des écosystèmes aux changements climatiques, et du rôle qu’ils jouent dans la maintenance de l’intégrité biologique de ce « hotspot ». Les investissements manquant sur ces sites, le soutien du CEPF et de la société civile permettra d’assurer l’intégrité écologique de ces corridors. C’est le cas par exemple dans le sud-ouest des Balkans, les montagnes de l’Atlas, le Taurus en Turquie…
Par ailleurs, 70 zones clés pour la biodiversité (à l’intérieur et à l’extérieur de ces corridors dans les pays où le CEPF intervient, à savoir au sud et à l’est de la Méditerranée) ont été identifiées en tant que sites prioritaires nécessitant des actions immédiates de conservation car elles sont à la fois irremplaçables et menacées.
4 – Quelles sont les prochaines étapes de ce projet ?
En juillet, la liste des zones de biodiversité prioritaires sera soumise pour validation au Conseil du CEPF. Ensuite un appel à projet sera proposé aux différents acteurs locaux visant la conservation de ces zones. Une équipe du CEPF appuiera ces acteurs dans leurs démarches.
La Tour du Valat et Doga Dernegi ont organisé mardi 30 mars un atelier régional du Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF) réunissant une quinzaine de pays, de grandes ONG (IUCN, Birdlife, WWF…) et des fondations. Ils ont pu échanger sur le travail déjà réalisé concernant l’identification des zones clés de biodiversité en Méditerranée et envisager les futures actions de préservation à entreprendre sur ces sites.