Dans le cadre des rencontres Agir pour le vivant organisées par les éditions Actes Sud, Jean Jalbert, Directeur général de la Tour du Valat, intervenait le samedi 29 août 2020 dans la conférence « Nourrir la planète, soigner les hommes. Aux racines du vivant » à la Chapelle du Mejan aux côtés d’Erik Orsenna, Frédéric de Pitaval et Jean-Paul Capitani dans une session intitulée « Redonner vie aux fleuves » .
Au cours de cet échange, les avis se rejoignent. Il faut repenser la manière avec laquelle l’ensemble du vivant se côtoie et notre façon d’habiter le monde d’aujourd’hui. Tel est le but de « Agir pour le Vivant » qui vise à organiser des programmes de réflexions et d’expérimentations territoriales. Le Rhône doit être considéré et nous devons accepter le changement d’un delta qui bouge, qui vit, dans les années à venir.
« Nous devons envisager le changement climatique comme une opportunité, celle de changer de modèle. Nous devons imaginer des solutions fondées sur la nature et non plus considérer la nature comme une entrave à notre développement. »
Jean Jalbert, avec ces mots, a largement résumé l’une des lignes directrices sur laquelle se sont retrouvés les participants de cette conférence. Il a expliqué que l’aménagement du territoire camarguais n’est plus en cohérence avec l’actualité, qu’il faut prendre en considération les faits scientifiques, comme l’élévation du niveau de la mer et dans un même temps des sécheresses prolongées et des précipitations beaucoup plus massives. Le changement climatique va nous toucher au cœur, mais selon lui, il faut voir cela avant tout comme une opportunité de repenser notre territoire et de manière très sérieuse.
« Un delta, c’est une usine à produire de la vie. Un delta comme la Camargue c’est trois fois plus de matière vivante produite au mètre carré que la forêt tropicale ».
Ces milieux ne sont toutefois pas figés. Le delta du Rhône bouge et s’enfonce. Par ses mots, le directeur de la Tour du Valat explique qu’un delta est un milieu qui vit par le mouvement. Selon lui, les deltas, y compris celui de la Camargue, sont une usine à produire de la vie, alimentés par une profusion de richesses. Les deltas figurent parmi les écosystèmes les plus productifs de notre planète. En 150 ans, les Hommes, les Camarguais se sont appropriés ce type d’espace et ont pu maîtriser ces milieux mouvants pour pouvoir pratiquer et mettre en valeur leurs différentes pratiques agricoles.
« 150 ans plus tard, le Rhône, les géniteurs de la Camargue sont sortis de l’imaginaire des Camarguais. Non seulement de l’imaginaire mais même du quotidien. On ne perçoit pas le Rhône le long des routes, ou peu puisqu’il est séparé par une digue de protection. On a perdu la conscience de la présence du Rhône. En perdant cette conscience on a cru qu’on pouvait faire ce qu’on voulait en Camargue. »
Jean Jalbert a ainsi le réel sentiment que nous nous trouvons au bout de cette histoire, de l’origine de la Camargue, que les Hommes doivent changer leur façon de vivre sur ce territoire et que nous devons tous nous mobiliser autour de cette question, car nous sommes tous concernés.
« On s’aperçoit qu’on ne pourra pas tenir. Donc la question aujourd’hui et l’enjeu c’est de savoir comment est-ce qu’on peut continuer à vivre dans ce delta, et à y vivre bien, mais en lui redonnant un espace de liberté. Comment est-ce que on peut écrire ensemble une autre histoire, qui ne sera plus l’histoire de la conquête et de la maîtrise, mais celle de l’adaptation et de la résilience. Comment est-ce qu’on peut donner, à la fois au fleuve et à la mer, des espaces qui vont en plus pour nous être les meilleurs outils, de notre meilleure protection ? Comment créer des amortisseurs climatiques ? Qui va laisser une partie de la Camargue à la mer, laisser la mer prendre cette partie, défendre ça, reculer progressivement de façon stratégique, et nous faire aider par la nature en jouant ses rôles de défense. »
La question posée par l’animateur « En quoi le réchauffement climatique impacte la santé des milieux humides et la santé des fleuves ? » interroge le public.
Tout en rappelant l’importance et la nécessité de préserver les milieux humides, Jean Jalbert explique en détail le fonctionnement d’un fleuve et son évolution dans le temps surtout en lien avec le réchauffement climatique.
« Un jour, la Camargue repartira à la mer. Il nous faut nous y préparer. Réapprendre à habiter ce lieu et par endroit savoir laisser la nature, arrêter notre prétention de la maîtriser, l’accompagner pour que, par sa force propre, la Camargue construise nos défenses de demain. C’est notre assurance vie que nous sommes en train de construire »
Vous pouvez visionner la conférence en ligne ci-dessous :