Questions à Ghaniah Bessah, sous-directrice des parcs nationaux et des groupements végétaux naturels à la Direction Générale des Forêts (Algérie)
Quel est votre parcours et vôtre rôle par rapport à la conservation des zones humides, à la fois au sein de la Direction Générale des Forêts (DGF) algérienne et en tant que Point focal national Ramsar ?
Ingénieur en écologie et diplômée d’un magister en foresterie, puis recrutée à la DGF en 1996, j’ai rejoint la Direction de la protection de la faune et de la flore en 2004 en tant que chef de bureau des aires protégées, avant d’être promue en décembre 2007 Sous-directrice des aires protégées et des groupements végétaux naturels et désignée comme point focal Ramsar.
En matière de conservation des zones humides, dans le cadre de la mise en œuvre de la convention Ramsar par l’Algérie, les efforts déployés se résument comme suit :
- Classement de 50 zones humides en sites Ramsar entre 2002 et 2009 ;
- Élaboration de plans de gestion intégrée : sept sites Ramsar sont dotés de plan de gestion en cours de mise en œuvre, 19 sont en cours de préparation, et 22 autres plans sont prévus d’ici 2019 ;
- Un réseau national d’observateurs ornithologues a été créé en 2011 et est opérationnel ;
- Un comité national multisectoriel des zones humides a été mis en place, pour assurer le suivi de l’élaboration de la stratégie nationale des zones humides, et sa mise en œuvre une fois finalisée ;
- Aménagement d’un Centre d’éducation environnementale et sensibilisation du public (CESP) à proximité des zones humides, pour un large programme de sensibilisation à destination des enfants ;
- Renforcement du dispositif législatif, notamment par la promulgation en 2011 de la loi sur les aires protégées dans le cadre du développement durable, en vue du classement des sites Ramsar en aires protégées.
Au niveau international j’ai également participé à diverses rencontres internationales, notamment l’exposition universelle sur l’eau de Saragosse en 2008 où le pavillon Algérie a reconstitué le système Foggara illustrant la gestion durable de l’eau, la 10ème session de la Conférence des parties contractantes à la Convention sur les zones humides à Changwon (Corée) en 2008 qui a permis de faire aboutir la requête relative au retrait de deux sites Ramsar classés sur le registre de Montreux, ou encore la 11ème Session de la Conférence des parties contractantes à la Convention Ramsar sur les zones humides à Bucarest en 2012, où j’ai contribué à l’organisation d’un évènement parallèle des pays maghrébins (Algérie, Tunisie, Maroc) sur le thème « Les zones humides comme trait d’union entre les pays du Maghreb ».
Quel est l’état actuel des zones humides littorales méditerranéennes en Algérie, comment ont-elles évolué durant les dernières décennies et quelles sont les menaces qui pèsent sur elles ?
La quasi-totalité des zones humides algériennes classées Ramsar se trouvent dans un équilibre écologique satisfaisant. Pour certaines d’entre elles en revanche, la concentration de la population à proximité a entraîné leur surexploitation par des pompages d’eau excessifs, l’exploitation abusive des ressources halieutiques, et la pollution par des rejets d’eaux usées ou l’accumulation de déchets solides.
De plus les conditions climatiques marquées par des périodes de sécheresse, notamment pour les sites situées dans les zones arides et semi-arides, accélèrent ces dégradations.
C’est pourquoi la gestion des zones humides occupe une place importante dans la politique du renouveau rural menée en y associant les populations, par la mise en œuvre de projets de développement rural intégré (activités agricoles, habitat, infrastructures de base, etc). Ces projets visent à atténuer la pression sur ces espaces fragiles par l’amélioration des conditions de vie et de revenus des populations riveraines, et à terme l’exploitation rationnelle et durable des milieux humides.
Quelle a été l’implication de l’Algérie dans le projet Globwetland II (GW II) de l’Agence spatiale européenne depuis son lancement, que ce soit au niveau politique ou méthodologique ?
Depuis l’adhésion de l’Algérie au projet GW II en 2009, la DGF s’est impliquée de façon effective dans l’élaboration de l’outil à travers son encadrement technique, et financièrement parlant par l’organisation d’ateliers.
Avec le bureau d’études associé Keyobs nous avons notamment contribué à la définition de la nomenclature en travaillant sur la carte d’occupation du sol de plusieurs sites, accompagnée par des sorties sur le terrain, avant validation à Rabat en décembre 2011.
Deux sessions d’initiation au SIG/Télédétection ont également été organisées en mai 2012, afin de préparer les cadres à l’utilisation de l’outil GW II.
Un atelier de restitution officiel, avec installation du système Globwetland II, a été organisé en juin 2012 à Alger, en présence des responsables de la DGF. Ces derniers ont salué cette application et ont noté que ce projet s’inscrivant totalement dans la politique du secteur, il méritait d’être utilisé efficacement pour l’interprétation des indicateurs mis en place.
Enfin nous avons participé à l’atelier d’évaluation du projet tenu à Jena (Allemagne) en septembre 2013.
Sur le plan technique, y a-t-il eu une prise en main du logiciel spécifique développé pour le projet par les personnes responsables de la gestion des zones humides en Algérie ? Quelles sont les éventuelles limites actuelles à l’utilisation du logiciel par le personnel de la DGF ?
L’application informatique GW II a permis la réalisation de produits cartographiques (cartes d’occupation du sol et d’évolution des zones inondées) et d’indicateurs (changement de surface et menaces sur les zones humides) sur une sélection de 37 zones humides algériennes.
Dans ce cadre cinq sessions de formation sur l’utilisation de l’application GW II ont déjà été dispensées par la DGF pour 16 cadres gestionnaires des sites, dont trois encadrées par le bureau d’études belge Keyobs et l’OZHM. À ce stade, les cadres formés sollicitent d’autres formations pour une meilleure utilisation de l’application, les sessions qui ont déjà eu lieu étant en effet encore très insuffisantes pour une exploitation optimale de l’outil.
Le projet Globwetland II vous a-t-il permis d’acquérir des informations pertinentes sur l’état de santé et l’évolution des zones humides littorales méditerannéennes ?
Il me paraît encore prématuré de considérer GW II comme outil d’aide à la décision, le personnel impliqué dans le projet étant encore en phase de prise en main du logiciel. Cependant cette application est déjà utilisée pour l’actualisation des cartes des fiches descriptives Ramsar des zones humides algériennes.
De quelle façon les conclusions de l’étude de l’OZHM vous seront-elles concrètement utiles, en vue d’une meilleure conservation et gestion des zones humides littorales algériennes sur le long-terme ?
Les zones humides d’Algérie constituent avant tout un réservoir d’eau indispensable dans un pays au climat relativement sec, confronté à des sécheresses périodiques plus ou moins intenses.
Elles représentent aussi des lieux de passages incontournables pour les espèces d’oiseaux migratrices intercontinentales et, au niveau national, servent de relais écologiques et de corridors biologiques. Sur les 50 sites Ramsar, 48 % hébergent ainsi des espèces vulnérables et constituent des refuges importants pour les communautés végétales et animales à l’échelle de la région méditerranéenne. Cela constitue un argument important pour accentuer les efforts de conservation de ces milieux.
De ce fait, la préservation des zones humides en tenant compte de leur typologie est indispensable pour le maintien de leur rôle économique et de la diversité biologique, tant à l’échelle nationale que régionale. C’est tout l’intérêt de l’étude menée par l’OZHM, pour nous éclairer sur les tendances évolutives de ces milieux et sur l’importance de certains indicateurs de suivi (comme l’occupation des surfaces ou l’état de la biodiversité).