Un site remarquable pour les mares temporaires
La Fondation Tour du Valat est propriétaire d’un domaine de 2560 ha composés de terrains naturels et agricoles, également pâturés par environ 450 bovins et 80 chevaux de race Camargue. Les terrains naturels y présentent une mosaïque de milieux emblématiques et rarement préservés de la Camargue fluvio-lacustre, c’est à dire à l’interface des influences fluviales et maritimes.
Une forte diversité floristique et faunistique
On y trouve notamment une forte diversité d’espèces végétales, dont certaines sont particulièrement menacées. Parmi les onze espèces protégées (quatre au niveau national et sept au niveau régional) que l’on peut trouver sur la RNR de la Tour du Valat, deux présentent un enjeu de conservation majeur :
- L’Étoile d’eau à nombreuses graines (Damasonium polyspermum) est une jolie petite plante annuelle à fleurs blanches, de la famille des Alismatacées. Cette endémique de l’Ouest méditerranéen, typique des mares temporaires méditerranéennes, est considérée comme mondialement vulnérable par l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) et elle est protégée par arrêté ministériel en France où elle est présente sur une dizaine de stations, dont la Tour du Valat. Sur la RNR, elle est présente, parfois avec des populations de plusieurs milliers de pieds, dans six mares oligo-saumâtres (très légèrement salées) bien ensoleillées et présentant une végétation émergente clairsemée ; elle s’exprime uniquement lorsque les conditions d’inondations sont favorables, c’est-à-dire lorsque qu’il y a suffisamment d’eau en début de printemps..
- La Riella helicophylla est une petite hépatique aquatique de quelques centimètres de hauteur. Endémique du bassin méditerranéen, elle figure en annexe II de la directive Habitats – Faune- Flore, et elle est en voie d’être ajoutée à la liste des espèces protégées en France. Elle affectionne les eaux franchement saumâtres, peu profondes et claires, temporairement inondées, présentant un couvert végétal faible. elle a été découverte très récemment sur la Tour du Valat (en mars 2012) dans les emprunts salés et quelques cuvettes basses des sansouïres inondées des bordures de la Baisse Salée et de la Saline, recouvrant au minimum 1,2 ha. Elle n’était jusqu’alors connue en France que d’une ancienne station de l’Hérault (aujourd’hui disparue) et du Salin du Caban, à l’est du Rhône, qui serait l’une des plus importantes populations connues de l’espèce.
D’un point de vue faunistique, les mares temporaires présentent également un intérêt primordial pour les crustacés branchiopodes, les odonates et les batraciens. Ainsi, lors des printemps pluvieux, elles foisonnent littéralement de bêtes en tout genre : du Triops cancriformis, véritable fossile vivant, aux imposants têtards de Pélodyte ponctué (ou Crapaud persillé) ou de Rainette méridionale, en passant par les larves de zygoptères (ou demoiselles, apparentées aux libellules). Dans cette catégorie, l’une des espèces les plus représentées dans les mares de la Tour du Valat est d’ailleurs une espèce particulièrement menacée en France, le Leste à grands stigmas (Lestes macrostigma). Cette jolie demoiselle, considérée comme vulnérable en Europe par l’UICN, ne se rencontre en France que sur quelques sites du littoral atlantique, de Corse et de Camargue.
Pour préserver l’ensemble de ce patrimoine naturel, il est nécessaire de maintenir le fonctionnement hydrologique naturel de ces mares, caractérisées par leur isolement et de longues périodes d’assèchement total en été. Elles présentent ainsi des faciès très contrastés selon l’importance des précipitations, allant du sol nu et craquelé en fin d’été à de vastes étendues inondées, verdoyantes et foisonnantes de vie lors des printemps pluvieux.
*Habitat classé de la Directive Habitats-Faune-Flore n° 3170.
Pour en savoir plus :
Bigot L. 1999, Sur la réponse de Damasonium polyspermum Cosson (Alismataceae) aux variations des conditions édaphoclimatiques, d’après un suivi de 43 ans (1954-1996) dans une mare temporaire de la Tour-du- Valat (Camargue, Bouches-du-Rhône, France). Bull Soc Linn Provence 50 : 83-88