La journée d’échanges du 21 février au Mas du Pont Rousty, co-organisée par la Fondation Tour du Valat via le programme Pôle lagunes et le Parc naturel régional de Camargue, a réuni plus de 70 participants, agriculteurs, chercheurs, collectivités locales, représentants des services de l’Etat… Dans le contexte d’une réforme de la Politique Agricole Commune (PAC), le modèle économique agricole actuel est mis à mal en Camargue, à la défaveur de la riziculture, et suscite remous et interrogations. « Mort de la Camargue » pour certains, opportunité pour d’autres, que penser de ces changements annoncés ? Cette journée d’échanges était une occasion pour discuter des perspectives qui s’offrent aux agriculteurs de Camargue pour rendre plus durables leurs activités.
La parole aux acteurs impliqués dans l’agriculture en Camargue
Cette journée d’échanges était organisée en prolongement de la Journée mondiale des zones humides 2014 sur le thème « Zones humides et agriculture, cultivons le partenariat ! ». L’objectif était de fournir un moment d’échanges aux acteurs impliqués directement et indirectement dans l’exercice des pratiques agricoles sur les zones humides de Camargue et de réfléchir aux moyens d’assurer une agriculture viable économiquement ; en considérant les réformes de la PAC, qui soit conciliable avec les enjeux écologiques du territoire.
Les échanges en salle ont été nourris par des présentations de l’Association des éleveurs de taureaux de course Ccmarguaise, le Centre d’écologie fonctionnelle et évolutive (CEFE) du CNRS, la Chambre d’agriculture des Bouches-du-Rhône, les éleveurs, la Fondation Tour du Valat, les Gîtes de France des Bouches-du-Rhône, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), un représentant du Ministère en charge de l’agriculture, le Parc naturel régional de Camargue (PNRC), les riziculteurs, le Syndicat des riziculteurs de France et filière.
Contextes de l’exercice de la riziculture et de l’élevage
En premier lieu, un historique de la relation entre l’agriculture et les zones humides a été présenté à partir d’exemples concrets en Méditerranée et localement en Camargue (l’évolution de cette relation, les ressources naturelles pourvues, la biodiversité présente et les menaces). L’accent a été mis sur l’évolution de l’agriculture depuis les années 1970 dans le delta du Rhône, soulignant que les systèmes agricoles d’après-guerre associant notamment vigne et verger ont presque complètement disparu au profit de la riziculture et de l’élevage. Après un fort déclin au début des années 80, les surfaces rizicoles ont fortement progressé, au point qu’elles occupent désormais plus de la moitié de la Surface Agricole Utile (SAU) et l’élevage bovin est à présent largement dominant sur l’élevage ovin. Les systèmes d’élevage sont restés extensifs bien que les surfaces pâturées soient stables durant le même temps.
La riziculture et l’élevage sont désormais deux systèmes pivots de l’agriculture en Camargue générant plus 2 000 emplois directs ou induits. Depuis les années 1990, l’agriculture s’est engagée dans des démarches de qualité (Appellation d’origine protégée ou AOP et Indication géographique protégée ou IGP), la diversification des activités (circuits courts et accueil du public), l’agriculture biologique ou encore dans des démarches de reconnaissance des races locales. Ces agricultures sont désormais confrontées à de nouveaux défis tant sur le plan écologique (gestion quantitative et qualitative de l’eau, prise en compte de la biodiversité, préservation des paysages), technique (maîtriser les intrants, adapter le pâturage et le cahier des charges sur les milieux naturels pâturés), que sur le plan économique (besoin de valorisation de la viande de taureau, filière soumise à la conjoncture internationale…).
Les présentations ont ensuite permis de discuter de la prise en compte des zones humides dans le second pilier de la Politique Agricole Commune et des nouveaux dispositifs pour accompagner les pratiques agricoles : les Mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC). Il est prévu que différentes pratiques agricoles réalisées dans les zones humides soient soutenues dans ce cadre, que ce soit l’élevage ou la riziculture mais avec une distribution sensiblement différentes des aides octroyées aux agriculteurs et une perte conséquente au regard des aides couplées qui prévalaient jusque là. Les agriculteurs présents ont pu manifester leurs inquiétudes vis-à-vis de ces évolutions prévues et expliquer pour eux la nécessité de mettre au cœur du débat les questions économiques.
Sessions thématiques sur les activités agricoles et leur diversification
Le reste de cette journée a été organisée en trois sessions distinctes :
- La riziculture : ce fut l’occasion de présenter l’évolution de la riziculture en Camargue et comment différents facteurs techniques, politiques ou environnementaux avaient affecté la production rizicole et les surfaces consacrées au riz ces 50 dernières années. Une étude réalisée de l’INRA à propos du point de vue des riziculteurs sur la durabilité des systèmes de production agricole (techniques, économiques, environnementaux et agriculture biologique) a été présentée. Cette session était appuyée sur le témoignage d’un riziculteur ;
- L’élevage extensif : la Fondation Tour du Valat a présenté les intérêts du pâturage extensif pour les milieux humides naturels et leur biodiversité ; et la complexité pour les éleveurs de gérer la charge sur les parcelles et les rotations pour tirer profit des intérêts du pâturage extensif. Le risque d’abandon des milieux humides agricoles les moins productifs au détriment de la biodiversité a été soulevé ainsi que la nécessité d’affiner les mesures d’aides et de valoriser les débouchés pour pallier ces risques. Cette session était appuyée sur le témoignage d’une éleveuse ;
- Sur la diversification agricole en Camargue : La chambre d’agriculture des Bouches-des-Rhône a présenté diverses pistes d’évolution des cultures en Camargue, leur intérêt et limites et le PNRC a fait un état des lieux du développement des activités d’agritourisme, qui se sont progressivement développées sur le territoire depuis les années 1990. La charte européenne de tourisme durable et la marque « Parc naturel régional de Camargue » mises en place par le PNRC ont été présentées avant la prise de parole de la directrice de Gîtes de France Bouches-du-Rhône.
En retour des échanges qui ont eu lieu en salle avec les représentants des différentes filières de production et le représentant du ministère, cette journée a permis d’apporter un certain nombre de réponses aux interrogations des agriculteurs. Elle aura également permis de resituer les problématiques actuelles du changement des pratiques et des financements alloués en regard des aléas de l’évolution de l’agriculture camarguaise.
Crédits photos : Marjorie Mercier / PNR de Camargue