Le lundi 28 janvier 2019 à 11h, Marie Chandelier (CEFE / Praxiling) présentera en salle Jean-Paul Taris un séminaire intitulé « Le loup dans la presse française contemporaine : analyse des fonctionnements argumentatifs médiatiques » ; l’accès est libre et sans inscription.
Résumé
Espèce strictement protégée par le droit national et international, le Loup est revenu sur le territoire français le 5 novembre 1992. Son retour, après presque un demi-siècle d’absence, a provoqué des conflits virulents opposant un grand nombre d’acteurs de la société (éleveurs, institutions, scientifiques, politiques, militants, etc). Malgré la mise en place de dispositifs de concertation, ces conflits conservent encore toute leur intensité.
En relayant très largement les débats, les médias ont joué un rôle dans la construction de la controverse. Par le public généraliste auquel elle s’adresse, la presse écrite pourrait matérialiser un espace favorisant la compréhension mutuelle des intérêts des acteurs humains et non humains en confrontation.
À partir d’un corpus de presse écrite nationale et régionale (Le Monde et Nice-Matin, 1993-2014), nous avons identifié les fonctionnements argumentatifs à l’œuvre dans les médias et mis en évidence l’importance de l’opération de catégorisation dans la représentation du conflit. Dès les premiers récits de prédation, c’est en effet autour de la construction axiologique des acteurs en jeu que se structure le discours.
La presse régionale construit la controverse à partir de représentations stables opposant une image sociale forte de l’éleveur à une représentation inquiétante du Loup. Alors que jusqu’au début des années 2000, la presse nationale adoptait une posture inverse, dessinant une image du Loup positive, selon des propriétés anthropomorphiques, et une image de l’éleveur négative, elle évolue ensuite, à partir de 2004, vers une réévaluation de la figure de l’éleveur en acteur professionnel respectable, et victime d’un loup à l’image dégradée. Ce changement de posture se produit au moment du tournant institutionnel vers une gestion directe de la coexistence, autorisant les tirs de loups.
Dans la presse nationale comme régionale, la focalisation sur l’image des acteurs se produit selon un schéma opposant systématiquement l’acteur humain – l’éleveur – à l’acteur non humain – le Loup. La valorisation de l’un entraînant le dénigrement de l’autre. En structurant la controverse essentiellement autour de l’image axiologique des acteurs, la presse écrite laisse peu de place à une atténuation du conflit, à la perspective d’une coexistence entre l’Homme et les grands prédateurs sur un même territoire.