Lors du dernier Congrès Mondial de la Nature, l’UICN a lancé le concept d’une liste rouge mondiale des écosystèmes, analogue à celle des espèces. Cette liste permettrait de mieux représenter la diversité biologique dans son ensemble, de prendre en compte les composantes abiotiques des écosystèmes et d’intégrer les biens et services qu’ils procurent à l’humanité. Après un 1er atelier à Washington sur les fondements scientifiques de cette approche, un second atelier s’est tenu à la Tour du Valat afin d’évaluer l’applicabilité de ce concept au cas particulier des écosystèmes humides.
La Liste Rouge des Espèces, établie en 1963 par l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), permet d’évaluer et de réviser les risques d’extinction des espèces grâce à des critères objectifs, reproductibles et transparents, selon un processus indépendant des priorités en conservation. Il s’agit de l’inventaire mondial le plus complet de l’état de conservation des espèces végétales et animales, avec des déclinaisons possibles aux échelons national, régional et local.
Une liste rouge des écosystèmes (définis comme l’ensemble des espèces qui se trouvent au même endroit au même moment et qui interagissent entre elles et avec leur environnement physique), pourrait compléter les réussites politiques des listes rouges d’espèces en représentant mieux la diversité biologique dans son ensemble. En effet seules 47 978 des 1 740 330 espèces connues dans le monde ont été évaluées pour une possible inclusion dans la Liste Rouge de l’UICN, avec une faible représentation de certains groupes comme les invertébrés et les champignons.
Cette approche permettrait aussi de prendre en compte les composantes physiques, fonctionnelles et paysagères des écosystèmes dont la dégradation précède souvent le déclin des espèces et d’intégrer les bénéfices apportés par les écosystèmes (eau potable, nourriture, fibres, combustibles) afin qu’ils soient mieux préservés. De plus, une liste rouge des écosystèmes basée sur des critères d’évaluation et de performance procurerait des passerelles entre la conservation de la biodiversité et l’aménagement ou la gestion du territoire, se traduisant par des liens directs avec les planifications macro-économiques nationales.
L’UICN a donc lancé le concept d’une liste rouge mondiale des écosystèmes, analogue à celle des espèces, lors du dernier Congrès Mondial de la Nature en 2008. Les écosystèmes sont cependant des entités biologiques plus complexes que les espèces et la mise en œuvre de ce concept nécessitera :
- des efforts concertés pour établir des systèmes hiérarchiques de classification des écosystèmes;
- de comprendre les relations entre biodiversité, fonctions et services;
- d’évaluer les risques d’effondrement des écosystèmes compte-tenu de leur dynamique et capacité de résilience ;
- de définir des mesures indirectes d’évaluation des risques (critères et valeurs seuil) et de développer des méthodes standardisées pour leur application.
UN PROCESSUS DE CONSULTATION INTERNATIONALE
Quinze années se seront écoulées entre le développement et l’application de la Liste Rouge des Espèces de l’UICN. Optant cette fois pour un processus de consultation et de co-construction internationales en amont, l’IUCN avec l’appui de la fondation MAVA a programmé trois ateliers entre 2011 et 2012.
Le premier atelier s’est tenu en avril dernier au Smithsonian Institution à Washington DC. Regroupant 30 experts de 10 pays, dont la Tour du Valat, cette rencontre a permis de partager différentes initiatives nationales développées en Australie, Afrique du Sud, aux Etats-Unis et au Venezuela et de discuter des défis conceptuels associés à leur mise en œuvre. Parmi les points abordés, on peut noter:
- les avantages et désavantages d’une classification standardisée des écosystèmes,
- l’emboîtement des échelles spatiales et temporelles (du local au national et global),
- le raffinement des critères et indicateurs sur la base de leur interactions parfois complexes
- l’identification des compatibilités et complémentarités avec la Liste Rouge des Espèces,
- l’intégration des fonctions et services des écosystèmes comme indicateurs de leur perte et dégradation.
Le second atelier a réuni une trentaine d’experts de 14 pays, en septembre dernier, à la Tour du Valat. Cet atelier a permis de partager des initiatives nationales européennes sur des listes rouges d’habitats menacés, d’évaluer les correspondances entre les différents systèmes européens de classification des écosystèmes humides et aquatiques et de discuter de l’applicabilité du concept aux cas particuliers des roselières, des mares temporaires méditerranéennes et des écosystèmes d’eau douce.
Une session a également porté sur la nécessité d’intégrer les biens et services que procurent les écosystèmes dans l’évaluation des risques, afin de renforcer leur prise en compte dans les décisions politiques.
Ainsi, la Liste Rouge des Ecosystèmes de l’UICN offre la possibilité de créer des liens forts entre les écosystèmes, l’économie, la santé et le bien-être humains, qui pourraient à la fois informer et influencer les politiques de développement et de conservation, reflétant la réelle valeur des biens et services que procurent les écosystèmes.
Un troisième atelier est prévu au Centre de Suivi Ecologique du Sénégal en 2012 afin de tester l’applicabilité des catégories et critères de la Liste Rouge des Ecosystèmes dans les régions où les données sont limitées.
L’objectif de cette consultation internationale est d’arriver à une proposition unifiée qui sera présentée lors du prochain Congrès Mondial de la Nature en 2012 en vue de son adoption par l’UICN comme mesure standard de l’évaluation des risques encourus par les écosystèmes à l’échelle mondiale.