La Spatule blanche Platalea leucorodia est une espèce d’implantation récente en Camargue, puisque ce n’est que depuis 1998 qu’elle s’y reproduit sur deux îlots de l’étang de l’Impérial, au sud-ouest de l’étang du Vaccarès. La population n’a pas cessé d’y augmenter depuis jusqu’à atteindre aujourd’hui plus de 250 couples nicheurs au printemps. Il s’agit de la seule population méditerranéenne française de cette espèce, par ailleurs présente sur le littoral atlantique.
Une majeure partie de cette population, présente de mars à septembre, s’envole ensuite vers le sud pour hiverner en Espagne, en Italie ou en Afrique du Nord et de l’Ouest, tandis que 100 à 150 individus préfèrent rester en Camargue durant cette période.
Grâce à un programme de capture-marquage-recapture mené par la Tour du Valat depuis 2008 et le baguage d’environ 400 poussins chaque année (plus d’infos ici), il a été constaté que la population camarguaise empruntait deux voies migratoires différentes, à laquelle ils semblent ensuite rester fidèles tout au long de leur vie :
1) La voie ouest-atlantique qui regroupe les individus observés en Espagne, au Maroc, en Mauritanie, au Sénégal et au Cap-Vert ;
2) Et la voie centre-méditerranéenne pour les individus observés en Italie, en Tunisie ou en Algérie.
C’est afin de tenter de déterminer les facteurs qui influencent le choix d’une de ces deux voies qu’une balise GPS/GSM a été posée sur un mâle adulte volant (dénommé APVA) le 25 mai dernier, sur l’îlot de Banaston.
La spatule APVA équipée de sa balise GPS/GSM (© Tour du Valat))
Le suivi détaillé et quotidien de cet individu montre qu’il s’est reproduit ce printemps avec une femelle née en Camargue en 2012, donnant naissance à quatre poussins dont au moins un a été bagué à son tour (ASSF).
La balise GPS/GSM a ensuite permis de déterminer que la spatule APVA a quitté la Camargue dans la nuit du 19 au 20 octobre pour un vol direct d’environ 450 km jusqu’au parc naturel du delta de l’Ebre, sur la côte méditerranéenne espagnole à environ 130 km au sud de Barcelone. Après quatre jours de pause elle a ensuite repris son vol pour le parc naturel de la Marjal de Pego-Oliva, au sud de Valence, puis vers le parc naturel des salines de Santa Pola dans la province de Murcie, où elle se trouve depuis le 27 octobre.
Les chercheurs de la Tour du Valat attendent encore de savoir si cette spatule passera l’hiver dans cette dernière zone, ou bien si elle continuera sa route vers le sud et éventuellement l’Afrique. D’ores-et-déjà, il est en tout cas notable que cette spatule aie systématiquement choisi pour ses haltes des parcs naturels, confirmant ainsi l’importance des espaces protégés, et plus particulièrement des zones humides, pour la conservation des oiseaux d’eau migrateurs tels que la Spatule blanche.
Notons qu’un autre individu femelle plus jeune (dénommée ATTL) a également été équipé d’une même balise en Camargue le 10 juin, qui a pour le moment fait le choix de passer l’hiver en Camargue.
Vous trouverez ci-contre les photos de la spatule APVA, ainsi que le suivi cartographique de sa route vers l’Espagne depuis le 19 octobre 2016.