Yvon LE MAHO – Directeur de Recherche au CNRS, Membre de l’Académie des Sciences, Président du Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel et de la Biodiversité.
1 – Quels sont les intérêts des suivis à long terme pour la recherche sur la biodiversité ?
Ces suivis à long terme sont absolument essentiels puisqu’ils permettent de connaître l’évolution et la dynamique des populations animales et végétales.
Mais cela ne suffit pas. Il faut que ces suivis soient nécessairement associés à un travail de recherche car il faut comprendre les raisons de ces changements. Par exemple pour la conservation d’espèces longévives, il est crucial de comprendre les raisons d’une diminution de la survie des adultes.
2 – Quels rôles clés jouent les innovations technologiques dans les suivis de biodiversité ?
Malheureusement dans le domaine des suivis de la biodiversité nous n’avons pas des moyens comparables à ceux des sciences de l’univers, ce qui limite la technologie à notre disposition. Or elle est essentielle. Par exemple j’ai étudié avec d’autres collègues les effets à long terme du baguage à l’aileron de manchots sur leur succès reproducteur en utilisant la radio-identification, plus souvent désignée sous le signe RFID (en anglais Radio Frequency IDentification). Cette méthode permet de mémoriser et de récupérer des données à distance en utilisant des marqueurs appelés « radio-étiquettes ». Les radio-étiquettes comprennent une antenne associée à une puce électronique qui leur permet de recevoir et de répondre aux requêtes radio émises depuis l’émetteur-récepteur. Il est ainsi désormais possible de suivre le cycle des manchots durant toute leur vie sans jamais plus les re-capturer et même les voir.
Les nouvelles technologies peuvent donc à la fois apporter des éléments scientifiques essentiels et éviter les biais dans les études, mais comme je le disais elles restent encore trop limitées dans le domaine de la biodiversité et c’est dommage.
3 – Les citoyens peuvent-ils avoir un rôle dans les suivis scientifiques de la biodiversité ?
Je crois beaucoup à la participation du citoyen, à son implication dans ces suivis scientifiques. Une grande partie d’expertises naturalistes se trouve chez les amateurs. La preuve au Royaume-Uni où il y a une très grande collaboration dans le domaine de l’ornithologie.
L’avenir est dans la complémentarité avec les « professionnels », chercheurs et ingénieurs.
Ils ont un intérêt mutuel : les chercheurs partagent des méthodes et des outils avec les « amateurs » et reçoivent de nombreuses données de personnes très investies ; d’un autre côté les amateurs offrent de leur temps et leurs connaissances. Ils peuvent en retour bénéficier des nouvelles techniques d’analyses et technologies des chercheurs et également accéder à des niveaux de publication qu’ils ne pourraient pas atteindre seuls.