Questions à Marc Paganini, directeur des programmes d’observation de la Terre à l’Agence spatiale européenne
Pouvez-vous présenter rapidement le rôle de l’Agence spatiale européenne, son implication passée et présente dans la géomatique, ainsi que l’intérêt quelle trouve à ces outils ?
Depuis le sommet mondial de la Terre de Johannesburg en 20002, l’Agence Spatiale Européenne s’est engagée à aider activement les conventions internationales sur l’environnement et leurs parties contractantes à s’approprier l’image satellitaire. Vaincre l’effondrement de la biodiversité est un des enjeux essentiels du développement durable, et les satellites d’observation de la Terre constituent des outils essentiels d’évaluation et de suivi de l’état des ecosystèmes et des services écologiques qu’ils produisent. Dans ce contexte, l’Agence Spatiale Européenne est devenu un partenaire privilégié et un acteur engagé de la convention Ramsar sur le zones humides. Depuis plus de 10 ans, nous avons financé un nombre important de projets de recherche et d’étude, qui ont permis de bien cadrer l’utilisation de l’image satellitaire pour un suivi plus efficace des zones humides.
Quelles ont été par le passé, et quelles sont actuellement ou dans un futur proche, les collaborations de l’ESA avec la Tour du Valat en termes de géomatique ? Et selon vous, qu’ont-elles concrètement apporté en matière de conservation des zones humides du bassin méditerranéen ?
De part sa situation géographique, l’Agence Spatiale Européenne a toujours été très active sur les grands défis que doit relever le bassin méditerranéen, que ce soit les problèmes côtiers, le développement agricole, la pression démographique ou les pertes en ressources et milieux naturels. La collaboration avec la Tour du Valat a débuté en 2008 lors de la 10e conférence des parties contractantes de la Convention Ramsar, en république de Corée. La Tour du Valat venait d’annoncer la création de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes (OZHM), et l’ESA cherchait à mettre en place un projet pilote régional pour la Convention Ramsar. Cette collaboration a donné naissance en 2009 au projet GlobWetland-II, qui a permis de former le personnel de la Tour du Valat et les pays du sud de la Méditerranée à utiliser les images satellitaires et la télédétection pour le suivi de leurs zones humides. L’aboutissement majeur de cette coopération est la publication par la Tour du Valat d’un rapport substantiel et significatif sur les dynamiques spatiales des zones humides littorales méditerranéennes (rajouter les refs et lien du rapport).
L’Agence spatiale européenne vient de lancer avec succès en juin dernier le nouveau satellite Sentinel-2a, depuis la base de Kourou en Guyane. Quel est le déroulé prévu de ce projet Sentinel dans les prochaines années, et quelles avancées permettra-t-il en termes de géomatique ?
Sentinel-2a est le deuxième satellite mis en orbite par l’ESA dans le cadre du programme européen Copernicus d’observation de la Terre. Ce programme, réalisé conjointement par la Commission européenne et l’Agence Spatiale Européenne, a pour but de fournir des observations satellitaires continues dans différents domaines d’application qui vont de la surveillance des terres et de l’environnement marin, à la gestion des catastrophes naturelles, au suivi de l’atmosphère terrestre et du changement climatique, et jusqu’à la sécurité de nos concitoyens. L’Europe s’est engagée à fournir ces observations dans la durée, avec un calendrier déjà établi jusque 2028. De part sa conception, Sentinel 2 est un observateur idéal des zones humides. Avec une fauchée de 290 km, une précision au sol de 10 m et l’utilisation d’un capteur optique avec 13 bandes spectrales dans le visible et le proche infrarouge, il permettra un suivi continu de toutes les zones humides tous les 5 jours dans sa configuration opérationnelle avec deux satellites en orbite.
La géomatique bénéficie de la progression rapide des moyens informatiques et satellitaires, qui permet de mettre désormais facilement à disposition des chercheurs des données de grande qualité. À long-terme comment voyez-vous l’évolution de ces technologies, notamment au bénéfice de la conservation de l’environnement en général et des zones humides en particulier ?
Ces dernières années ont marqué un changement radical dans les politiques spatiales de nos gouvernements. L’investissement public dans l’observation de la Terre est de plus en plus important, et s’accompagne d’une politique d’accès libre et gratuit aux données satellitaires. Alors que les États-Unis viennent d’adopter un programme d’observation de la Terre qui fournira une continuité aux missions Landsat, l’Europe, elle, s’est engagée, avec son programme Copernicus, à mettre en place un ensemble de services opérationnels de surveillance mondiale pour la protection de notre environnement et notre sécurité. L’enjeu majeur est de transformer toutes ces observations en avantages concrets pour nos sociétés. L’évolution rapide des moyens informatiques et le développent d’outils d’analyse nous permet d’affronter sereinement le défi que constitue le traitement de ces données massives, et son utilisation dans des processus décisionnels par nos institutions.