La Tour du Valat est un institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes basé en Camargue, sous le statut d’une fondation privée reconnue d’utilité publique. Fondée en 1954 par le Dr Luc Hoffmann, elle est à la pointe dans les domaines de la recherche multidisciplinaire, l’établissement de ponts entre science, gestion et politiques publiques et l’élaboration de plans de gestion. Elle s’est dotée d’une mission ambitieuse : « Assurer la conservation et l’utilisation rationnelle des zones humides méditerranéennes en améliorant la compréhension de leur fonctionnement et en mobilisant une communauté d’acteurs ».
La Tour du Valat a développé une expertise scientifique reconnue internationalement ; elle apporte des réponses pratiques aux problèmes de conservation et de gestion durable des ressources naturelles.
La Tour du Valat emploie environ 80 personnes dont une quinzaine de chercheurs et autant de chefs de projets. Elle accueille également sur son site plusieurs autres structures, ainsi que de nombreux doctorants, post-doctorants, stagiaires et/ou volontaires en saison estivale.
Le thème Conservation des espèces est l’un des cinq thèmes du plan stratégique 2021-2025 de la Tour du Valat. En particulier l’axe Inverser le déclin des espèces menacées est consacré aux populations menacées qui nécessitent la mise en place de mesures judicieuses fondées sur des connaissances scientifiques actualisées. Du fait de sa vulnérabilité, la Tour du Valat a identifié la Sarcelle marbrée (Marmaronetta angustirostris) comme l’espèce d’oiseaux d’eau méditerranéenne à laquelle consacrer un nouveau programme de recherche en écologie appliquée. La population de Sarcelle marbrée de l’ouest de la Méditerranée a diminué de 46% au cours des 11 dernières années (Waterbird population estimates, Wetlands International 2018) ce qui justifie le statut vulnérable de l’espèce au niveau mondial (Iñigo et al., 2008; Keller et al., 2020).
Contexte
La migration est un phénomène qui permet aux oiseaux d’exploiter les pics d’abondance des ressources tout au long de leur cycle annuel. La migration constitue une adaptation dynamique et flexible des oiseaux en vue d’une utilisation optimale des ressources (Newton, 2010). Alors que la plupart des études s’intéressent aux migrations sur de longues et courtes distances, un moindre intérêt est porté aux espèces nomades, qui, tout comme les espèces migratrices, exploitent des pics d’abondance de ressources. Ces espèces nomades possèdent une écologie adaptée aux fortes fluctuations spatio-temporelles de la disponibilité de leurs habitats. Cependant, les caractéristiques des déplacements de ces espèces sont mal connues. En effet, l’irrégularité de leurs mouvements et les faibles densités de populations humaines dans certaines parties de leur aire de répartition font obstacle aux méthodes traditionnelles comme les relectures de bagues (Cottee-Jones et al., 2016; Runge & Tulloch, 2018). Il en résulte une difficulté à évaluer la taille et la tendance de ces populations (Shuter et al., 2011). Par ailleurs, les stratégies habituelles de conservation basées sur la protection de sites d’importance pour le cycle de vie de l’espèce semble inadaptée du fait de sa très grande mobilité et l’intermittence de ses effectifs en un lieu donné (Nandintsetseg et al., 2019; Runge & Tulloch, 2018; Woinarski et al., 1992).
Le développement de nouveaux dispositifs de suivis offre des opportunités pour comprendre les espèces ayant des comportements de déplacements irréguliers et formuler des approches de conservation innovantes et mieux adaptées à leurs spécificités.
Objectifs
Cette thèse vise en premier lieu à mieux comprendre les choix de déplacements de la Sarcelle marbrée, une espèce nomade adaptée aux milieux humides temporaires. Nous chercherons également à mieux comprendre les variations du succès de reproduction de cette espèce. L’ensemble des résultats acquis sera mobilisé dans le cadre du renouvellement du plan international d’action pour cette espèce.
Méthodologie
Un suivi télémétrique d’individus à l’aide de balises innovantes GPS/3G avec accéléromètres sera mis en place à partir de captures réalisées au Maroc. Il permettra d’identifier les conditions menant aux décisions de mouvements des individus. Pour cela, les trajets entre les zones utilisées seront comparés à la route théorique directe pour ainsi évaluer la capacité de cette espèce à anticiper des pics d’abondance de ressources. Les données collectées serviront également à identifier les caractéristiques des sites clés, modéliser les caractéristiques des domaines vitaux, et éventuellement analyser les budgets d’activités des individus sur chacun des sites utilisés. Nous couplerons les données issues de la technologie embarquée aux images satellite de courte périodicité pour relier les mouvements aux variations des niveaux d’eau et des conditions météorologiques des sites utilisés, en particulier dans des régions où cette information est difficile d’accès (ex. shotts et sebkha). Ce suivi nous permettra ainsi de mieux localiser et cartographier les sites d’importance pour les différentes phases du cycle annuel de cette espèce nomade. Les variations de connectivité des zones humides seront évaluées via les approches de la théorie des circuits et des suggestions de gestion d’espaces seront produites sur les secteurs où cette connectivité pourrait être renforcée (Dickson et al., 2019).
La thèse analysera également des données relatives à la reproduction de l’espèce au Maroc. Un recensement national dans ce pays sera réalisé à travers une enquête participative, complétée par des missions de terrain. Dans le cadre du projet LIFE cerceta pardilla, sous la direction du GREPOM, le doctorant participera activement à l’acquisition des données et à leur analyse. En comparant les données collectées avec les données historiques disponibles dans la littérature, cette étude mettra en évidence les sites utilisés sur le long terme et la perte d’habitat subit par cette espèce.
Bibliographie
Cottee-Jones, H. E. W., Matthews, T. J., & Whittaker, R. J. (2016). The movement shortfall in bird conservation: Accounting for nomadic, dispersive and irruptive species. Animal Conservation, 19(3), 227–234. https://doi.org/10.1111/acv.12243
Dickson, B. G., Albano, C. M., Anantharaman, R., Beier, P., Fargione, J., Graves, T. A., Gray, M. E., Hall, K. R., Lawler, J. J., Leonard, P. B., Littlefield, C. E., McClure, M. L., Novembre, J., Schloss, C. A., Schumaker, N. H., Shah, V. B., & Theobald, D. M. (2019). Circuit-theory applications to connectivity science and conservation. Conservation Biology, 33(2), 239–249. https://doi.org/10.1111/cobi.13230
Iñigo, A., Barov, B., Orhun, C., & Gallo-Orsi, U. (2008). Species action plan for the Marbled Teal. Marmaronetta Angustirostris, 12.
Keller, V., Herrando, S., Voríšek, P., Franch, M., Kipson, M., Milanesi, P., Martí, D., Anton, M., Klvanová, A., & Kalyakin, M. V. (2020). European breeding bird atlas 2: Distribution, abundance and change.
Nandintsetseg, D., Bracis, C., Olson, K. A., Böhning-Gaese, K., Calabrese, J. M., Chimeddorj, B., Fagan, W. F., Fleming, C. H., Heiner, M., Kaczensky, P., Leimgruber, P., Munkhnast, D., Stratmann, T., & Mueller, T. (2019). Challenges in the conservation of wide-ranging nomadic species. Journal of Applied Ecology, 56(8), 1916–1926. https://doi.org/10.1111/1365-2664.13380
Newton, I. (2010). The Migration Ecology of Birds. Elsevier.
Runge, C., & Tulloch, A. I. T. (2018). Solving problems of conservation inadequacy for nomadic birds. Australian Zoologist, 39(2), 280–295. https://doi.org/10.7882/AZ.2016.003
Shuter, J. L., Broderick, A. C., Agnew, D. J., Jonzén, N., Godley, B. J., Milner-Gulland, E. J., & Thirgood, S. (2011). Conservation and management of migratory species. Animal Migration (Eds EJ Milner-Gulland, JM Fryxell & ARE Sinclair), 172–206.
Woinarski, J. C. Z., Whitehead, P. J., Bowman, D., & Russell-Smith, J. (1992). Conservation of mobile species in a variable environment: The problem of reserve design in the Northern Territory, Australia. Global Ecology and Biogeography Letters, 1–10.
Profil souhaité
- Master dans le domaine de l’écologie. De solides compétences en statistiques et analyse de données environnementales. Une maitrise du logiciel R est requise.
- Une connaissance de l’écologie des oiseaux d’eau est un atout. Une connaissance des techniques de capture et des problématiques de gestion des zones humides est également souhaitable.
- Permis voiture indispensable.
- Il est demandé de l’autonomie, de la rigueur et de l’organisation pour un bon avancement du travail avec de multiples encadrants dans un contexte international.
- Pratique professionnelle courante de l’anglais et du français (lu, écrit, parlé).
Encadrement
Le ou la doctorante sera encadré(e) par :
– Dr. Arnaud Béchet : Directeur de recherche à la Tour du Valat ; il sera le directeur de thèse et le référent pour l’école doctorale française.
– Prof. Rhimou El Hamoumi: Responsable de l’Equipe Hydrobiologie et Écologie animale à la Faculté des Sciences Ben M’sik de l’Université Hassan II de Casablanca ; Présidente du GREPOM, Birdlife International Maroc.
– Dr. Jocelyn Champagnon : Chercheur à la Tour du Valat, Coordinateur du thème Conservation des espèces ;
– Dr. Raphaël Musseau : Chercheur à Biosphère Environnement.
Conditions du poste
L’appel à candidatures correspond à une bourse de doctorat de 3 ans (36 mois). L’étudiant(e) sera inscrit(e) dans l’école doctorale française de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et à l’université Hassan II de Casablanca.
L’étudiant(e) sera basé(e) au Maroc et réalisera des séjours d’une durée de 4 à 6 mois par an (total cumulé de 15 mois) à la Tour du Valat. L’étudiant(e) bénéficiera d’une allocation de 850€/mois durant toute la durée de son doctorat et d’un complément de salaire mensuel de 350€ lors de ses séjours à la Tour du Valat. L’hébergement en France sera assuré par la Tour du Valat sur son site de Camargue (Le Sambuc, Arles). Trois trajets aller-retour Maroc-France seront pris en charge. Le financement de la thèse sera géré par Campus France.
Date de début
Automne 2022
Comment postuler
Envoi des candidatures à Florence Daubigney (référence à indiquer : « TdV-2022-Sarcelle marbrée ») avant le 24 août 2022, comportant :
- Une lettre de motivation ;
- Un curriculum vitae ;
- Deux contacts de référents ;
- Un rapport de stage de master.
Les candidat(e)s présélectionnés seront convoqué(e)s pour un entretien en visio-conférence en septembre 2022.
Pour toute question sur le processus de soumission de candidatures, merci de vous adresser à [email protected]