Amélie Hoste, doctorante à la Tour du Valat, a soutenu sa thèse avec succès le 16 décembre 2024, intitulée :
« Croissance de l’anguille européenne en milieu lagunaire méditerranéen : comparaison inter-habitats de la démographie, des tactiques d’utilisation de l’habitat et de la condition des futurs géniteurs »
Amélie a réalisé son doctorat sous la direction de Jean-Christophe POGGIALE, professeur à Aix-Marseille Université, ECOMAD et en co-encadrement par Delphine NICOLAS[1], chargée de recherche à la Tour du Valat.
Résumé :
L’anguille européenne (Anguilla anguilla) est une espèce migratrice au cycle de vie complexe, se reproduisant en mer et grandissant dans les eaux continentales, sur une vaste zone allant des côtes nord-africaines au nord de l’Europe. Elle est classée en danger critique d’extinction dans la liste rouge de l’IUCN, avec une chute de son recrutement de plus de 95 % depuis les années 1980. Bien que des efforts aient été faits pour restaurer ses populations, la compréhension de sa croissance durant sa phase continentale est cruciale pour la gestion de l’espèce. L’anguille, colonisant une diversité d’habitats d’eau douce, saumâtre et salée, a une croissance variable (pouvant durer entre 2 et 30 ans) selon plusieurs paramètres biotiques et abiotiques telles que les conditions environnementales
Cette thèse s’est concentrée sur la croissance de l’anguille dans le delta du Rhône (France), un complexe lagunaire méditerranéen, en étudiant l’influence du type d’habitat sur la production d’anguilles argentées, en termes de quantité et de qualité, et en examinant les tactiques d’utilisation de l’habitat par l’anguille durant sa croissance. Ces travaux se sont basés sur une variété de méthodes dont la modélisation, la sclérochronologie, les quantifications microchimiques, et les analyses écotoxicologiques et épidémiologiques. Cette approche multidisciplinaire a montré l’existence de sous-populations distinctes en termes d’abondance, de sex-ratio et de traits d’histoire de vie, avec une forte variabilité entre et au sein des sites étudiés.
Des différences de traits d’histoire de vie ont été observées entre des anguilles capturées dans un milieu saumâtre, l’étang du Vaccarès et celles provenant de son principal apport d’eau douce, le canal du Fumemorte. L’étang du Vaccarès, un habitat mésohalin à euhalin, semble offrir les meilleures conditions pour la production d’anguilles argentées, avec un taux de croissance élevé et une abondance de mâles. En revanche, les anguilles du canal d’eau douce du Fumemorte montrent une croissance plus faible, mais un sex-ratio en faveur des femelles.
Les résultats soulignent l’importance de la diversité des habitats pour maintenir la variabilité des traits d’histoire de vie de l’anguille et la nécessité d’améliorer la qualité de l’eau. L’étude sur la qualité des anguilles a montré une plus forte contamination des anguilles au niveau des sites les plus pollués (c.-à-d., l’étang du Vaccarès et le canal du Fumemorte). Les connaissances acquises offrent une base de référence pour envisager des actions visant à améliorer la production d’anguilles en bonne condition corporelle et sanitaire, tout en tenant compte des spécificités d’habitat.
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En Camargue, les anguilles révèlent la qualité de leur habitat
Espèce emblématique des estuaires et des lagunes, l’anguille européenne est un animal surprenant : ainsi, son tout premier voyage, effectué à l’état larvaire, couvre plusieurs milliers de kilomètres pour atteindre le continent européen depuis la mer des Sargasses. Là, elle grandira pendant plusieurs années avant de faire le chemin inverse pour se reproduire. L’anguille est une espèce amphihaline, c’est-à-dire qu’elle est capable de vivre tant en eau salée qu’en eau douce. Mais cette espèce fascinante est en danger critique d’extinction : victime, entre autres, de la perte des zones humides et de la surpêche, elle est également fortement touchée par la contamination et le parasitisme.
Une équipe de chercheurs ont évalué la qualité d’une soixantaine d’anguilles capturées sur trois sites différents, à l’intérieur du complexe lagunaire méditerranéen de la Camargue. Cette évaluation a été menée d’un point de vue écotoxicologique (quantification de polluants organiques persistants – POPs – et d’éléments traces – TEs) et épidémiologique (infestation par le parasite Anguillicola crassus), tout en tenant compte des caractéristiques individuelles des anguilles (longueur, âge, taux de croissance et sexe).
Des contaminations variables selon les sites
Leurs résultats, publiés dans la revue Environmental Science and Pollution Research, démontrent que la qualité des anguilles diminue de manière globale avec l’âge. La contamination des anguilles par les POPs et les TEs varient en fonction du site où elles ont été capturées. Ainsi, elle est plus forte dans un canal qui draine des terres agricoles, ainsi que dans le grand étang du Vaccarès, que dans un bassin moins exposé aux intrants d’origine agricole. Selon Amélie Hoste, première autrice de l’article, doctorante au M.I.O. d’Aix-Marseille Université et à la Tour du Valat : « La variabilité spatiale que révèle cette étude suggère que diminuer la pollution industrielle et agricole entraîne une amélioration de la qualité des anguilles européennes présentes dans ces milieux. »
Sensibilité au parasite A. crassus
Du côté parasitaire, les taux d’infestation par le nématode A. crassus augmentaient également avec l’âge de l’anguille. Pourtant, ce parasite est connu moins bien survivre dans les eaux saumâtres comme celles de l’étang du Vaccarès. Pour Delphine Nicolas, chargée de recherche biologie de la conservation des poissons à la Tour du Valat : « Il a été observé que dans certains cas la contamination aux POPs pouvait affaiblir le système immunitaire des anguilles, augmentant ainsi leur sensibilité aux maladies infectieuses et aux parasites. Par exemple, dans l’étang du Vaccarès, les anguilles qui sont contaminées par les POPs seraient plus vulnérables au parasitisme par le nématode A. crassus, malgré leur plus faible prévalence. »
La contamination des anguilles reflète celle de leurs habitats
Les mêmes contaminants que ceux retrouvés dans les sédiments prélevés sur les sites de capture ont été détectés dans les anguilles. De plus, les analyses des anguilles ont révélé la présence d’autres contaminants non détectés dans les sédiments comme les PCBs. Delphine Nicolas, chargée de recherche biologie de la conservation des poissons à la Tour du Valat, conclut : « Il est difficile de déterminer l’impact de l’ensemble des contaminants sur la biologie de l’anguille, surtout qu’il peut y avoir des effets « cocktails ». Il est urgent de limiter les apports chimiques dans les milieux aquatiques, en particulier ceux déjà clairement identifiés comme dangereux. »
Hoste A., Lagarde R., Amilhat E., Bouchard C., Bustamante P., Covaci A., Faliex E., Migne E., Poma G., Tetrel C., Verbrugghe K., Vey Payre H., Nicolas D. 2025. Investigating the quality of European silver eels by quantifying contaminants and parasite infestation in a French Mediterranean lagoon complex. Environ Sci Pollut Res [Internet] [cited 2025 Jan 27]. doi: 10.1007/s11356-024-35815-0[2]
Replay du séminaire technique « Grands herbivores en libre évolution et ongulés sauvages »
Qu’ils soient « dé-domestiqués », féraux ou sauvages, les grands herbivores ont un rôle crucial à jouer dans la préservation d’une biodiversité de plus en plus fragile. En s’associant, Arthen-Hope, TAKH – Les Chevaux de Przewalski et la Tour du Valat souhaitent faire connaître le pâturage naturel et simplifier son développement.
Alors que la conservation de la biodiversité est devenue un enjeu prioritaire, le « réensauvagement » est récemment apparu comme une des voies possibles pour atteindre cet objectif. Les grands herbivores et plus généralement les ongulés, bien qu’ayant un rôle essentiel pour une fonctionnalité aboutie des écosystèmes, sont encore trop souvent négligés à cet égard. Dans le contexte français plutôt défavorable, tant au niveau des espaces réellement compatibles que du contexte socio-économique ou culturel, certains gestionnaires d’espaces naturels mettent en place des expériences avec des bovins ou des équins adaptés, parfois les substituts des espèces sauvages disparues, dans une optique de « dé-domestication ».
Dans ce cadre plus proche du concept de pâturage naturel que du véritable réensauvagement (réserves clôturées), ils sont contraints par des règles administratives et sanitaires inappropriées et pénalisantes car instaurées pour l’élevage domestique « classique ». Par ailleurs, dans ce registre de la protection sanitaire, les espèces sauvages font souvent l’objet de décisions administratives inadaptées à leur statut et à leur contexte.
En partenariat avec le Domaine de la Tour du Valat, l’association TAKH pour le cheval de Przewalski et l’Université de Nîmes, ARTHEN a organisé le 29 et 30 octobre 2024 le séminaire « Grands herbivores en libre évolution et ongulés sauvages : des contraintes réglementaires et sanitaires à faire évoluer »[3]. Il était destiné à attirer l’attention de tous les acteurs concernés par cette problématique afin de favoriser à terme la libre évolution, voire le « réensauvagement », des grands herbivores en prenant exemple sur certaines expériences étrangères déjà bien avancées.
Le séminaire est à présent disponible en replay :
Wanted ! Avez-vous vu des chauves-souris en Camargue ?
Afin de récolter des données sur les chauves-souris en Camargue, le projet Rest-Chir’Eau lance sa campagne de sciences participatives, composée d’une enquête en ligne et de suivis participatifs. Cette initiative offre au grand public l’opportunité de contribuer à l’étude des chauves-souris en Camargue.
Accessible à partir du 10 mars jusqu’à l’automne 2025, l’enquête « Wanted ! Avez-vous vu des chauves-souris en Camargue ? » permets aux habitant·es de Camargue ainsi qu’à toute personne de passage de partager leurs observations de chauves-souris réalisées sur ce territoire, à l’aide d’un questionnaire simple et intuitif.
Que ces observations soient faites autour de leur maison ou en pleine campagne camarguaise, ces données aideront l’équipe du projet Rest-Chir’Eau à cartographier l’activité des chauves-souris en Camargue et sur la Trame Turquoise, ces espaces naturels qui connectent la terre et l’eau, tout au long de l’année. À travers l’étude de l’activité des chauves-souris au sein des marais tout au long de l’année, Rest-Chir’Eau vise à combler une lacune dans la recherche. En effet, Pauline Rocarpin, coordinatrice du projet, souligne que « si la relation entre ces petits mammifères volants et les zones humides est constatée, elle est rarement étudiée ».
Quatre sessions de suivis participatifs à l’aube et au crépuscule seront également organisées, du printemps à l’automne. Sur le terrain, les participants seront répartis sur différents points d’observation stratégiques, afin de compter les chauves-souris et d’évaluer leur activité.
Ouverts à toute personne adulte, ces suivis ne demandent aucune connaissance préalable sur les chauves-souris. Les jeunes accompagnés d’un adulte sont également bienvenus, à partir de 14 ans. Les dates des sessions à venir seront communiquées sur le site de la Tour du Valat[5] et via la newsletter du projet[6].
La Trame Turquoise est constituée par les espaces naturels qui connectent la terre et l’eau. Ces corridors écologiques sont indispensables au bon déroulement du cycle de vie de certaines espèces d’amphibiens, d’insectes, d’oiseaux ou de mammifères qui ont besoin à la fois des milieux aquatiques et des milieux terrestres.
La Trame Turquoise est donc composée d’espaces naturels aquatiques, humides et secs (zones humides, cours d’eau, pelouses, prairies et forêts alluviales, etc.), ainsi que de formations végétales linéaires ou ponctuelles (haies, ripisylves, bosquets, etc.).
Atelier de formation : Introduction aux Inventaires Nationaux de Zones Humides
Du 10 au 14 février, la Tour du Valat a accueilli un atelier de formation sur le thème « Introduction aux Inventaires Nationaux des Zones Humides (INZH) », organisé par le Secrétariat Ramsar avec l’appui de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes[10].
Cette deuxième édition francophone a réuni 20 participants de 10 pays d’Afrique et de l’Océan Indien. Elle faisait suite à une première session en anglais, organisée en Corée du Sud du 9 au 13 septembre 2024. Dédiée à l’introduction aux Inventaires Nationaux des Zones Humides (INZH), cette formation avait pour but de les présenter et de souligner leur importance dans les stratégies nationales de conservation, de gestion et de restauration de ces écosystèmes. Elle visait également à partager ainsi qu’à expliquer aux participant·es les différentes étapes et bases de données nécessaires pour faciliter leur réalisation, y compris celles issues des outils d’Observation de la Terre.
En complément des présentations théoriques, les participant·es ont réalisé des exercices pratiques et participé à plusieurs visites de terrain, sur des milieux variés : des zones humides côtières typiquement camarguaises au sein de la Réserve Naturelle Régionale de la Tour du Valat mais aussi de la Réserve Naturelle des Marais du Vigueirat ; ainsi qu’une zone humide d’eau douce sur les marais de Raphèle et de Meyranne, également gérée par l’Association des Amis des Marais du Vigueirat et propriété du Conservatoire du Littoral.
Cet atelier de formation s’inscrit au sein d’un programme de trois ans, avec trois différents modules annuels déclinés, chacun, en trois langues : anglais, français et espagnol. Ces modules visent à :
transmettre, aux Partie Contractantes admises dans chaque session, les méthodologies et les bonnes pratiques pour la réalisation des INZH ;
développer leurs compétences en matière de cartographie des milieux humides, notamment à l’aide des technologies d’Observation de la Terre et ;
les accompagner dans la réalisation de leurs INZH, ainsi que de leur mise à jour.
Pourquoi se focaliser sur les Inventaires Nationaux des Zones Humides (INZH) ?
Les INZH constituent une priorité urgente pour la gestion durable des zones humides. Un inventaire permet d’établir l’état des lieux d’un territoire à travers trois axes principaux : l’eau ; la biodiversité et le paysage ; ainsi que les activités socio-économiques.
De plus, les INZH répondent simultanément à plusieurs enjeux :
Un enjeu partage et mutualisation, car ils nécessitent une concertation entre acteurs ;
Un enjeu de réglementation, avec la prise en compte de l’importance de ces écosystèmes dans les politiques publiques, en particulier pour la gestion des ressources telles que l’eau et le foncier ;
Un enjeu connaissance sur l’état et les tendances de ces milieux, de la biodiversité qu’ils hébergent et des services écosystémiques qu’ils rendent.
La mise en place d’un INZH contribue ainsi à l’atteinte de plusieurs engagements internationaux, notamment les Objectifs de Développement Durable (particulièrement l’Objectif 6), les Cibles 1 à 3 du Cadre Mondial de la Biodiversité de la Convention sur la Diversité Biologique, les objectifs de neutralité en matière de dégradation des terres de la Convention sur la Lutte Contre la Désertification, ainsi que les mesures climatiques prévues par l’Accord de Paris de la Convention-cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques.
Survol du lac Fitri (Tchad) pour dénombrer les oiseaux d’eau
Le lac Fitri est actuellement le troisième site le plus important connu au Sahel pour l’accueil des oiseaux d’eau en hiver. Site Ramsar de plus de 195 000 hectares, c’est l’une des zones majeures d’hivernage des oiseaux d’eau paléarctiques et afro-tropicaux au Sahel. L’évaluation des effectifs hivernants est donc une étape importante pour le suivi et la gestion durable des oiseaux d’eau ainsi que de leurs habitats.
Le 2 février, au petit matin, l’équipe DFAP-OFB-TDV, composée d’Abakar Saleh Wachoum, de Pierre Defos du Rau et de Julien Birard, se prépare à survoler le lac Fitri pour compter par échantillonnage les oiseaux d’eau. Ce survol est rendu possible grâce au soutien d’African Parks qui met à disposition l’avion, indispensable pour le comptage d’une zone humide aussi vaste. Innovation pour cette session, des caméras sont fixées aux haubans par Alexandre Delplanque de l’Université de Liège – Gembloux : elles permettront de tester la faisabilité de l’identification et du comptage des oiseaux par imagerie.
Organisé dans le cadre du projet RESSOURCE+[11], coordonné par la FAO et co-financé par l’UE et la FFEM, ce dénombrement permettra, entre autres, d’actualiser les tailles de populations d’oiseaux d’eau et d’évaluer la durabilité des prélèvements vivriers.
Début 2025, la Tour du Valat a financé une mission de lecture de bagues de flamants roses en Tunisie, réalisée grâce aux dons du programme de parrainage Adopte un Flamant.[12]
Cette mission de 5 jours a permis d’effectuer 110 lectures de bagues sur des sites identifiés au préalable (Côte Nakta, Oued Akarit, El Grine, Île de Djerba, Lagune de Boughrara, Saline de Thyna), présentant un grand nombre de flamants bagués. Découvrez en images cette mission de terrain et apprenez-en plus sur la population de flamants roses en Tunisie, grâce au témoignage d’Hichem AZAFZAF ci-dessous.
Interview d’Hichem AZAFZAF, Coordinateur du programme scientifique de l’Association « Les Amis des Oiseaux » (AAO/BirdLife en Tunisie) & Coordinateur National du Dénombrement International des Oiseaux d’Eau (DIOE) en Tunisie.
Avez-vous un moment fort concernant cette mission de lecture de bagues à partager ?
C’est plus une observation qu’une anecdote : lors de la formation régionale DIOE 2025 du 20 au 31 janvier nous avions déjà visité quelques des zones humides objet de notre mission, puis, durant la mission, nous avons retrouvé des flamants que nous avions déjà contrôlé 10 jours plutôt. Cela témoigne de la fidélité des flamants durant l’hivernage, une fois qu’ils ont trouvé la zone humide qui leur convient.
Le programme flamant a permis de financer cette mission de lecture de bagues, ce qui nous a permis de collecter des informations importantes sur l’hivernage de cette espèce en Tunisie et de mieux comprendre sa dynamique en Méditerranée. La lecture des bagues contribue à la connaissance précise des voies de migration, des sites de reproduction et des aires d’hivernage des flamants… des informations cruciales pour améliorer sa conservation dans les zones humides méditerranéennes.
Ce programme a également permis de renforcer les capacités des observateurs impliqués. Le programme fournit des télescopes et paires de jumelles aux observateurs, ce qui leur permet d’effectuer les observations.
Quels sont les prochains défis pour la conservation des flamants dans votre région ?
La nidification de cette espèce dans nos zones humides dépend de deux facteurs : de la tranquillité des sites de reproduction et d’un niveau d’eau suffisant pendant la période de nidification pour nourriture et aussi pour empêcher les prédateurs terrestres d’accéder aux nids.
Ce sont deux facteurs qui deviennent de plus en plus rares à être réunis, parce que l’homme est partout et toujours plus proche des animaux sauvages et parce que les effets du changement climatique sont de plus en plus visibles sur les zones humides …
40 % des zones humides visitées en janvier 2023 en Tunisie étaient asséchées ou avaient un niveau d’eau très bas. Il est évident que la gestion de l’eau doit mieux prendre en compte les besoins des zones humides afin qu’elles puissent continuer à jouer leur importantes rôles pour la nature et pour l’homme.
Le 7 février 2025, une journée d’échange a réuni plus de 30 spécialistes des oiseaux migrateurs à la Tour du Valat. L’objectif ? Mieux connaître leurs travaux respectifs et renforcer les liens au sein de la recherche.
Favoriser le partage des connaissances au sein de la recherche
De nombreuses personnes travaillent sur la migration des oiseaux, souvent de manière indépendante, au sein de différents laboratoires, organismes et équipes de Montpellier et de Camargue (CEFE/CNRS, Tour du Valat, OFB). Malgré des données, des méthodes et des problématiques communes, il a été constaté que les échanges restaient souvent limités, que ce soit entre institutions ou même entre les équipes d’un même établissement.
Afin de palier à cela, une journée d’échanges a été organisée à la Tour du Valat le 7 février 2025. Avec plus de 30 participant·es et 9 présentations, cette journée a permis d’améliorer la connaissance des travaux de chacun·e et de renforcer les liens entre celles et ceux qui travaillent sur la thématique des oiseaux migrateurs.
Les présentations de la journée ont montré qu’au sein de ce groupe, l’étude des oiseaux migrateurs repose principalement sur la télémétrie, notamment l’utilisation de balises GPS. Cet outil permet d’améliorer les connaissances sur les aires d’hivernage ; les couloirs migratoires ; les stratégies migratoires de certaines espèces, comme le goéland leucophée et le flamant rose ; ou encore l’exposition des oiseaux à différentes menaces anthropiques.
En complément du GPS, d’autres méthodes ont été présentées dans le cadre des études présentées : baguage, analyses isotopiques et études radar. L’intégration de ces données améliore la compréhension des dynamiques migratoires, comme cela a été démontré dans le cadre du projet Migralion, ainsi que pour le suivi sanitaire. Des suivis démographiques par baguage ont également été présentés sur la glaréole et sur le goéland. Enfin, le projet Habitrack combine données démographiques et connectivité.
Et la suite ?
Les présentations sur les oiseaux migrateurs ont mis en lumière la diversité des espèces et des espaces concernés, ainsi que de la dimension internationale de ce sujet, soulevant des enjeux majeurs pour leur conservation. Les oiseaux migrateurs connectent différents pays, régions et individus – tels que ceux présents lors de cette journée d’échange, ce qui souligne l’importance d’une approche collaborative pour leur préservation. Dans cette optique, une prochaine édition est d’ores et déjà prévue en 2026.
Brochure de recommandations pour « AMÉLIORER L’ACCUEIL DE LA BIODIVERSITÉ DANS LES SYSTÈMES RIZICOLES CAMARGUAIS »
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S’appuyant sur plusieurs années de suivi de la biodiversité et des pratiques d’exploitants agricoles en Camargue, la Tour du Valat, en collaboration avec Solagro et Agribio 04, propose des pistes pour améliorer l’accueil de la biodiversité dans les systèmes rizicoles camarguais. Ces recommandations sont réunies dans une brochure parue en janvier 2025, destinée notamment aux exploitants de la filière.
La Camargue abrite une biodiversité exceptionnelle grâce à une mosaïque d’habitats naturels (lagunes, marais, salins) et ceux façonnés par les activités agricoles, comme la riziculture qui y joue un rôle clé en créant des habitats humides en pleine saison estivale. Pourtant, comme ailleurs en Europe, le déclin des oiseaux des milieux agricoles s’accentue, conséquence de la perte d’habitats et des ressources. Face au changement climatique, à la salinisation des sols et aux résistances aux herbicides, il est urgent de repenser les systèmes de production, d’expérimenter des pratiques plus résilientes face aux aléas climatiques et à la volatilité du marché, tout en préservant et augmentant la biodiversité de ce site d’exception.
En se basant sur des travaux menés en Camargue ou ailleurs en Europe, tout en tenant compte du contexte particulier de l’agriculture en zone humide méditerranéenne, la Tour du Valat et ses partenaires proposent, dans une nouvelle brochure, des recommandations pour favoriser la biodiversité dans les systèmes rizicoles camarguais. Ces préconisations ciblent les compartiments pour lesquels nous disposons d’une expertise : les oiseaux, les chiroptères, les reptiles, les amphibiens, les insectes et les poissons.
Nous espérons que ces propositions constitueront un point de départ pour concevoir de nouveaux systèmes rizicoles durables, économiquement viables, qui participent à la richesse biologique de ce territoire et à sa résilience.
👉 La brochure, enrichie de témoignages d’acteurs de la riziculture camarguaise, est disponible gratuitement en format papier sur demande auprès de Tour du Valat et en téléchargement en bas de page.
Rédacteurs
Arnaud Béchet, Thomas Galewski et Pierre Mallet
Caroline Gibert
Clémence Rivoire
Illustrations
Cyril Girard
Conception graphique
Garance Guiraud
Avec le soutien de
Citation recommandée
Béchet A., Galewski T., Mallet P., Rivoire C. & Gibert C. 2024. Améliorer l’accueil de la biodiversité dans les systèmes rizicoles camarguais. Tour du Valat. Arles, France.
En Camargue, les Grues cendrées sont toujours plus nombreuses
Depuis la fin des années 2000, la Grue cendrée connaît une expansion spectaculaire en Camargue. Après 3 ans d’effectifs stables, cette augmentation reprend fortement en 2025, avec 45% de grues hivernantes supplémentaires recensées.
Peut-être les avez-vous vues, ou avez-vous entendu leur cri caractéristique qui lui a donné son nom dans de nombreux pays : comme chaque année depuis la fin des années 2000, plusieurs milliers de Grues cendrées (Grus Grus) se sont rassemblées en Camargue pour passer l’hiver.
En janvier, la Tour du Valat a organisé le recensement de la population de ces grands oiseaux.
Cette opération annuelle mobilise une quarantaine de personnes, bénévoles ou employés de la Tour du Valat, de la Réserve Nationale de Camargue, des Amis des Marais du Vigueirat, du Parc Naturel Régional de Camargue et du Centre du Scamandre. Transmis au réseau national « Réseau Grues France », ce comptage permet de suivre l’évolution de la population de ces grands oiseaux.
Cette année, une augmentation importante a été constatée : 39 800 grues cendrées ont été recensées sur 19 sites. Cela représente une augmentation de 45% par rapport aux 3 dernières années où les effectifs étaient stables autour de 27 000. Cette augmentation pourrait être due à plusieurs facteurs :
Tout d’abord, l’augmentation régulière depuis le début des années 2000 s’explique en partie par le statut de protection de l’espèce, inscrite à l’Annexe I de la Directive Oiseaux et à l’Annexe II de la Convention de Berne, ce qui a permis aux populations reproductrices européennes de croître fortement (entre 52 000 et 80 000 couples dans les années 1990 à plus de 200 000 couples aujourd’hui)
La population avait connu l’année dernière une hécatombe dû à la grippe aviaire sur les sites de haltes migratoires, notamment en Hongrie, mais les effectifs n’avaient pas diminué en Camargue. Cette année aucun cas de grippe aviaire sur l’espèce n’a été recensé
Enfin, les terres de Camargue présentent une forte attractivité pour l’espèce avec ses grandes zones agricoles, notamment les rizières asséchées pendant la période hivernale. Il existe probablement une variabilité annuelle de la proportion d’individus choisissant de s’arrêter en Camargue, sans que cela ne soit expliqué.
Afin d’accompagner l’augmentation de la présence des Grues cendrées dans les écosystèmes agricoles camarguais, un comité Grues et agriculture à été créé au Parc Naturel Régional de Camargue, avec la participation de la Tour du Valat. Depuis 2 ans, ce comité discute annuellement de l’état des populations hivernantes de cette espèce. Un plan d’action a notamment été rédigé de façon concertée, dans le but de concilier leur accueil en hivernage avec les activités agricoles.
Zones humides et cycle de l’azote : Columba Martinez-Espinosa invitée à la conférence AGU 2024
Columba Martinez-Espinosa, ingénieure de recherche à la Tour du Valat, a été conviée à la conférence annuelle de l’American Geophysical Union (AGU) qui s’est tenue à Washington D.C. du 9 au 13 décembre 2024. Elle y a partagé son expertise sur la modélisation du cycle de l’azote au sein des zones humides.
Adapter le modèle global du cycle de l’azote pour dénitrifier le bassin versant du Mississippi
Dans le bassin du Mississipi, l’utilisation excessive d’engrais liée à l’agriculture intensive a de graves conséquences sur les écosystèmes aquatiques et côtiers.Le golfe du Mexique est l’un des exemples les plus frappants des conséquences d’un apport excessif d’azote : chaque été, une vaste zone hypoxique (très pauvre en oxygène) s’y développe. Au sein de cette « zone morte », la majorité des espèces marines est incapable de survivre. Or, ce phénomène est directement lié au ruissellement des eaux agricoles du bassin du Mississippi.
Les zones humides sont des milieux potentiellement capables de capter l’azote nitrique pour le transformer en forme gazeuse : un processus appelé dénitrification. Lors de la conférence de l’AGU, Columba Martinez-Espinosa[14] a exposé comment la modélisation du cycle de l’azote au sein des zones humides pouvait permettre d’identifier et de quantifier les principaux points de dénitrification dans les zones humides du bassin du Mississippi.
Le modèle développé par Columba Martinez-Espinosa durant sa thèse [15]intègre non seulement le cycle de l’azote, mais également des variables comme la localisation des zones humides et l’impact de la saisonnalité. Des résultats préliminaires ont été présentés lors de la conférence : s’ils doivent être améliorées à l’aide de données de terrain, les informations obtenues sur les processus de dénitrification aux seins des zones humides sont déjà prometteuses. Elles pourraient être utilisées afin de cibler des actions de conservation et de restauration des zones humides. Décider quelles zones humides protéger ou restaurer pour mieux éliminer l’excès d’azote pourrait ainsi contribuer à réduire l’eutrophisation aquatique du Golfe du Mexique, à travers des Solutions Fondées sur la Nature[16].
Une reconnaissance internationale de ses travaux menés sur les zones humides
Spécialiste en modélisation des zones humides et des interactions sol-eau, Columba Martinez-Espinosa a été invitée à participer à la conférence de l’AGU par le professeur Charles Vörösmarty avec qui elle avait déjà collaboré durant sa thèse. Récemment récompensé du prix « American Geophysical Union Fellow for Excellence in Earth and Space Science Education » 2024[17], le professeur Vörösmarty a identifié le modèle développé par Columba Martinez-Espinosa comme étant particulièrement pertinent dans l’évaluation du potentiel de dénitrification des zones humides.
Accessible gratuitement en ligne[18], ce modèle est actuellement utilisé dans le cadre d’un projet financé par la NASA par une équipe scientifique de l’Université de Ville de New York (CUNY). L’objectif : l’enrichir de données supplémentaires afin de l’adapter aux spécificités du bassin versant du Mississippi. L’invitation de Columba Martinez-Espinosa à l’AGU fut également, pour l’équipe, l’occasion de bénéficier d’une formation en personne à l’utilisation de ce modèle. Au-delà de reconnaître son expertise, cette collaboration souligne l’importance d’une approche internationale dans la recherche liée aux zones humides.
Autre fait notable : Columba Martinez-Espinosa a participé à l’AGU accompagnée de son bébé de 8 mois, grâce à la présence d’une crèche mise à disposition par la conférence. « Je voulais montrer que le fait d’être mère ne doit pas nécessairement freiner votre carrière scientifique », a commenté la chercheuse, qui combine ainsi une carrière scientifique de haut niveau avec les responsabilités de la maternité.
Journée Portes Ouvertes 2025 : une joyeuse affluence sous le ciel gris
Malgré la grisaille, le public était au rendez-vous pour découvrir les zones humides et leur gestion lors de cette nouvelle Journée Portes Ouvertes de la Tour du Valat.
Plus de 700 visiteurs ont fait le déplacement pour venir profiter de notre Journée Portes Ouvertes 2025. Organisée chaque année à l’occasion de la Journée Mondiale des Zones Humides[19], cette journée est l’occasion pour les curieux et curieuses de tout âge de venir découvrir l’institut de recherche de la Tour du Valat ainsi que sa Réserve naturelle régionale, exceptionnellement ouverte au public.
En plus des deux circuits balisés en libre accès sur la Réserve naturelle, le public a pu profiter de nombreuses animations tout au long de la journée. Ils ont notamment pu déguster des produits issus de la ferme agroécologique du Petit Saint-Jean, en apprendre plus sur les flamants roses au stand Adopte un Flamant ou encore
découvrir les recherches de Clémence Vazard[20] et Antonio Navarro, deux artistes travaillant régulièrement sur le domaine de la Tour du Valat dans le cadre de leurs recherches en art et design menées avec Atelier Luma[21].
La journée a été rythmée par trois tables rondes :
« L’anguille européenne en milieu lagunaire méditerranéen», par Amélie Hoste[22], post-doctorante ayant récemment soutenu sa thèse à la Tour du Valat;
« Flamants : entre nature et culture », une présentation du nouvel ouvrage de Jean E. Roché, auteur et photographe ;
Enfin, une conférence sur le thème des « Dénombrements internationaux des oiseaux d’eau», proposée par Laura Dami[23], cheffe de projet à la Tour du Valat, a clôturé la journée.
De la gestion d’une manade au suivi des chauves-souris en passant par l’analyse des plastiques retrouvés dans les rejections des goélands leucophées ou encore l’agroécologie, les animations proposées lors de cette journée étaient autant d’opportunités pour découvrir la large diversité d’activités menées à la Tour du Valat. Leur point commun ? Qu’elles prennent place sur la Réserve naturelle régionale ou dans le bassin méditerranéen, toutes nos actions œuvrent en faveur de la conservation des zones humides.
Comme leur nom l’indique, les zones humides sont caractérisées par la coexistence de la terre et de l’eau, que cette dernière soit en surface ou dans le sol, de façon permanente ou temporaire. Encore mal connus et souvent mal compris, ces milieux sont pourtant essentiels aux sociétés humaines et à tout le vivant. Régulation des eaux lors des inondations et des sécheresses, stockage du carbone, réservoirs de biodiversité ou encore production de ressources naturelles : les zones humides fournissent de nombreux services indispensables.
Journée mondiale des zones humides
La Journée mondiale des zones humides (JMZH)[19] est célébrée chaque année, le 2 février, pour commémorer la signature de la Convention sur les zones humides, le 2 février 1971, dans la ville iranienne de Ramsar.
Le thème de la Journée mondiale des zones humides 2025 était : « Protéger les zones humides pour notre avenir commun ».