- Tour du Valat - https://tourduvalat.org -

« Méditerranée Vivante », une source inédite de données sur l’évolution de la biodiversité méditerranéenne

COMMUNIQUÉ DE PRESSE

Arles, le 7 juin 2021

Une équipe de scientifiques coordonnée par la Tour du Valat publie aujourd’hui « Méditerranée Vivante », un rapport détaillé sur l’évolution de la biodiversité méditerranéenne depuis 1993.

« Méditerranée Vivante », un état des lieux sans équivoque sur la biodiversité méditerranéenne

Les ressources naturelles du bassin méditerranéen assurent la prospérité des sociétés humaines depuis des millénaires. Pourtant, la biodiversité de cette région d’exception est gravement menacée.

Le changement climatique y est plus rapide et l’impact des activités humaines plus fort qu’ailleurs avec pour conséquence directe, selon le rapport « Méditerranée Vivante », l’effondrement de sa biodiversité.

Près de 30 ans après les engagements du Sommet de Rio, et malgré des lueurs d’espoir liées aux nombreux efforts de conservation, les résultats présentés dans le rapport sont sans appel :

« La plupart des espèces subissent de plein fouet les effets de l’activité humaine et du changement climatique, dont l’ampleur devrait s’accroître au cours des prochaines décennies » indique Thomas Galewski, le coordinateur de l’étude. « De plus, une proportion importante d’espèces sont endémiques du bassin méditerranéen et évoluent dans des aires de répartition restreintes, les rendant plus vulnérables encore », précise-t-il.

Une source de données inédite sur la biodiversité méditerranéenne

Grâce au travail minutieux réalisé par l’équipe de chercheurs, le rapport « Méditerranée vivante » présente la synthèse la plus complète jamais réalisée sur l’évolution de la biodiversité d’animaux vertébrés de Méditerranée.

« Notre équipe de scientifiques coordonnée par la Tour du Valat a mené des recherches approfondies sur les études publiées ces 30 dernières années, rassemblant les suivis d’abondance de plus de 80 000 populations animales, appartenant à 775 espèces de vertébrés (oiseaux, poissons, mammifères, reptiles et amphibiens), soit 26 % de toutes les espèces de ces groupes taxonomiques présentes dans le point chaud de biodiversité méditerranéen », indique Thomas Galewski. Les espèces de vertébrés ont été ciblées car leurs populations sont bien mieux suivies que celles d’invertébrés (insectes, araignées, mollusques…) ou de plantes. Néanmoins, les listes rouges des espèces menacées démontrent que ces dernières sont aussi dans un mauvais état de conservation en Méditerranée.

Le volume de données recueillies permet ainsi de calculer l’indice d’abondance représentatif de la biodiversité dans la région et de suivre son évolution depuis l’entrée en vigueur de la Convention sur la diversité biologique en 1993 (voir infographie [1]).

Les causes de l’effondrement de la biodiversité méditerranéenne largement connues

Parmi les raisons de cet effondrement figurent la surpêche (y compris les prises accessoires), la prolifération de barrages sur les cours d’eau, le prélèvement excessif des ressources en eau et l’intensification des pratiques agricoles, qui entraîne également la disparition de paysages culturels emblématiques de la région, comme les cultures en terrasse traditionnelles ou les dehesas[1] [2], riches en biodiversité.

Des raisons d’espérer

Le Pélican frisé (Pelecanus crispus) est un oiseau emblématique des zones humides de l’est du bassin méditerranéen. © T. Galewski

Malgré un constat sans appel de déclin général de la biodiversité méditerranéenne, les actions de conservation ont eu un impact encourageant : encadrement de la chasse et de la pêche, protection des habitats des espèces les plus rares, contrôle des sources de pollution ou encore renfort des effectifs par réintroductions. Ces mesures et initiatives ont permis de sauver de l’extinction un grand nombre d’espèces, voire même de les faire à nouveau prospérer. C’est le cas par exemple du Bouquetin des Alpes, du Vautour moine, du Pélican frisé et de la Tortue caouanne.

Soulagée à temps des pressions qui pèsent sur elle, la nature est capable de se régénérer rapidement. « Mais pour que les actions de conservation de la biodiversité soient plus efficaces et permettent de stopper la perte de biodiversité, les gouvernements doivent d’urgence adopter des mesures plus ambitieuses, s’attaquant aux causes profondes du déclin des espèces », assure Thomas Galewski. « Cela passe notamment par des modes de gouvernance plus inclusifs et des modèles socio-économiques compatibles avec les objectifs que nous nous sommes fixés en matière d’environnement ».

 

Zoom sur… des espèces en pleine reconquête

  • Le Faucon pèlerin : l’interdiction des pesticides organochlorés (le DDT notamment) a permis de faire remonter les effectifs en France de 122 couples dans les années 1970 à plus de 1600 aujourd’hui.
  • Le Lynx pardelle : endémique de la péninsule ibérique, c’est l’un des chats sauvages les plus rares au monde. Sa population, inférieure à 100 individus en 2002, avait subi les effets du braconnage, l’augmentation du trafic routier, la disparition de ses habitats et le déclin du Lapin (sa proie principale). Des actions favorisant la remontée des populations de lapins et la réintroduction dans leur milieu naturel des Lynx nés en captivité, ont permis d’augmenter les effectifs à plus de 400 individus.

 

Les populations du Lynx pardelle sont passées de 100 à plus de 400 individus en l’espace de 20 ans grâce à des actions de réintroductions à la fois de Lynx nés en captivité mais aussi de lapins de garenne, sa proie principale, dont les effectifs avaient fortement chuté en raison de maladies. © Pierre Mallet

 

La biodiversité, grande pourvoyeuse de solutions face aux changements globaux

Protéger les écosystèmes encore en bon état et restaurer ceux qui ont été dégradés par l’Homme permettent de développer d’innombrables « Solutions fondées sur la Nature » face aux défis actuels et futurs, notamment ceux liés au changement climatique. Les zones humides par exemple abritent une biodiversité remarquable et jouent un rôle « d’amortisseur climatique » irremplaçable, en absorbant de grands volumes d’eau lors des crues et en restituant cette ressource essentielle en période de sécheresse. Elles sont aussi de remarquables tampons sur les littoraux confrontés à l’élévation du niveau de la mer, qui atteint désormais 3 mm par an en moyenne.


Le rapport « Méditerranée vivante » est disponible en téléchargement. [3]

Il a été réalisé grâce au soutien du Ministère de la Transition écologique (France), de la TotalEnergies Foundation et de la Fondation MAVA, en partenariat avec le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le Fonds Mondial pour la Nature (WWF), le Réseau des Aires Marines protégées de Méditerranée (MedPAN), l’Initiative pour les zones humides de Méditerranée (MedWet), le Centre d’écologie appliquée de l’Université de Lisbonne et la Société zoologique de Londres.

 

Contact presse : Thomas Galewski [4], coordinateur du rapport « Méditerranée vivante »– [email protected] [5] – 06 59 51 49 48

 

[1] Dehesas : milieu autrefois très représenté dans le sud de l’Espagne et du Portugal. Il s’agit de pâturages extensifs où les arbres n’ont pas été coupés. Le bétail entretient un sous-bois très clair mais profite de l’ombrage permettant en même temps aux humains d’exploiter les arbres ou les plantes sauvages. Ce sont des écosystèmes extrêmement riches en biodiversité (fleurs, oiseaux, etc.).