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Les vertébrés vieillissent-ils tous à la même vitesse ?

Une étude d’une ampleur inédite, reposant sur la compilation et l’analyse de données démographiques à long-terme recueillies dans 107 populations naturelles de 77 espèces de reptiles et d’amphibiens à travers le monde, vient de lever le voile sur le vieillissement des ectothermes* [1]. Cette analyse comparative publiée le 24 juin dans la revue Science [2] par une équipe internationale de 114 scientifiques constitue l’étude la plus détaillée à ce jour sur le vieillissement et la longévité des tétrapodes** [3]ectothermes dans la nature.

Cistude d’Europe (Emys orbicularis) © J. E. Roché

À la Tour du Valat, cela fait longtemps que nous étudions les tortues d’eau douce en Camargue et en Grèce. C’est ainsi que nous avons pu contribuer à cette étude en partageant deux jeux de données de suivi à long terme. Nos données proviennent du suivi par Capture-Marquage-Recapture de la population de Cistude d’Europe (Emys orbicularis) du domaine de la Tour du Valat initié en 1976 et qui se poursuit depuis. Ainsi que celui réalisé pendant 17 ans à Kerkini sur la cistude et l’Emyde des Balkans (Mauremys rivulata).

L’Emyde des Balkans (Mauremys rivulata) © Marc Thibault

 

 

 

 

Les résultats de cette étude mettent en évidence que les amphibiens et les reptiles présentent des taux de vieillissement beaucoup plus variables que ceux observés chez les oiseaux et les mammifères. En outre, cette étude révèle que les tortues, les crocodiliens et les salamandres ont des taux de vieillissement particulièrement faibles et des durées de vie étonnamment longues pour leur taille corporelle. Fait troublant, l’équipe a observé un vieillissement négligeable chez au moins une espèce de chacun des groupes majeurs de tétrapodes ectothermes considérés dans l’étude. Concrètement dire qu’une espèce présente un vieillissement négligeable ne signifie pas que les individus ne meurent jamais, mais que si la probabilité qu’un animal meure en un an est de 1 % à l’âge de 10 ans, s’il est vivant à 100 ans, sa probabilité de mourir est toujours de 1 %. La Cistude fait justement partie de ces espèces étonnantes. Le consortium a en outre montré que les espèces présentant des phénotypes protecteurs physiques (carapace, armures d’écailles) et chimiques (venins, poisons) vieillissent plus lentement et vivent plus longtemps.

Cette étude constitue la première analyse à large échelle sur le vieillissement des ectothermes. Elle démontre que la vitesse de ce phénomène est très variable entre espèces et que certains organismes présentent un vieillissement négligeable. Les résultats de cette étude soulignent également l’importance cruciale des études à long terme, qui sont au cœur du travail de la Tour du Valat depuis sa création, pour la compréhension de tels phénomènes.

Vous pouvez le retrouver sur le portail documentaire de la Tour du Valat [4].

Résumé : Comparative studies of mortality in the wild are necessary to understand the evolution of aging; yet, ectothermic tetrapods are underrepresented in this comparative landscape, despite their suitability for testing evolutionary hypotheses. We present a study of aging rates and longevity across wild tetrapod ectotherms, using data from 107 populations (77 species) of nonavian reptiles and amphibians. We test hypotheses of how thermoregulatory mode, environmental temperature, protective phenotypes, and pace of life history contribute to demographic aging. Controlling for phylogeny and body size, ectotherms display a higher diversity of aging rates compared with endotherms and include phylogenetically widespread evidence of negligible aging. Protective phenotypes and life-history strategies further explain macroevolutionary patterns of aging. Analyzing ectothermic tetrapods in a comparative context enhances our understanding of the evolution of aging.

 

Référence bibliographique :

Reinke et al. Diverse aging rates in ectothermic tetrapods provide insights for the evolution of aging and longevity. Science 2022. Vol 376, Issue 6600 DOI: 10.1126/science.abm0151 [5]

 

* Organismes ne produisant pas ou peu de chaleur

** Vertébrés primitivement munis de 4 membres marcheurs : amphibiens, reptiles, oiseaux et mammifères