Face aux épisodes de sécheresse, aux inondations répétées et à la dégradation des écosystèmes qui s’accélère, les Solutions fondées sur la Nature (SfN) apparaissent aujourd’hui comme des leviers indispensables pour renforcer la résilience de nos territoires tout en préservant et restaurant les milieux naturels. Pourtant, malgré un intérêt croissant, leur déploiement à grande échelle reste difficile, notamment à l’échelle des bassins versant : chacun ayant ses propres spécificités, il manque encore des outils simples et pertinents pour déterminer facilement quelles solutions conviennent le mieux aux contextes locaux.
Dans une étude récente, une équipe internationale incluant des chercheurs de la Tour du Valat, propose une approche méthodologique, pratique et reproductible permettant d’identifier, sélectionner et cartographier les SfN les plus adaptées à chaque bassin versant, en se concentrant sur la disponibilité et la gestion des ressources en eau. Objectif : permettre aux gestionnaires et aux acteurs locaux de prendre des décisions éclairées, basées à la fois sur la science et sur les réalités locales du territoire.
Comprendre le territoire pour mieux agir
La première étape de l’approche méthodologique consiste à analyser finement le bassin versant en combinant quatre dimensions essentielles : l’écosystème dominant (agricole, forestier, urbain, eau douce, côtier), le climat, le type de sol et la topographie. Grâce à des données publiques et facilement accessibles, chaque secteur du bassin est classé selon ces caractéristiques. Par exemple, une zone peut être identifiée comme « agricole – climat humide – sol perméable – pente douce ».
Ce découpage précis permet de dépasser les approches trop généralistes et d’identifier des zones où certaines solutions sont non seulement possibles, mais réellement pertinentes.

Associer chaque contexte à des solutions adaptées
À partir de cette cartographie, les auteurs ont réalisé une revue systématique de la littérature scientifique internationale pour établir un large catalogue de SfN. Chaque solution, qu’il s’agisse de restaurer des zones humides, de reboiser, de reconnecter des cours d’eau à leurs bassins versants, d’implanter des bandes enherbées ou d’introduire des infrastructures vertes en ville, a été évaluée selon son adaptabilité aux différents contextes identifiés.
Le résultat est une matrice d’aide à la décision qui relie, pour chaque type de territoire, les SfN les plus prometteuses et leurs co-bénéfices : amélioration de la qualité de l’eau, stockage du carbone, réduction des risques d’inondation, maintien de la biodiversité, services récréatifs, etc.
Ce travail permet de voir, par exemple, que les zones agricoles en pente, où les sols sont imperméables, se prêtent bien au terrassement ou à l’implantation de haies, tandis que les secteurs urbains fortement imperméabilisés bénéficient davantage d’infrastructures vertes, de plantations d’arbres ou de bassins d’infiltration.
Passer de la théorie à la carte : le cas du bassin de la Bode en Allemagne
L’approche méthodologique a été testée sur un bassin versant de 3 300 km² situé en Allemagne centrale, autour de la rivière Bode. Ce territoire, marqué par une vaste agriculture de plaine, des forêts en altitude et des cours d’eau artificialisés, a subi ces dernières années de fortes sécheresses, des pertes massives de couvert forestier et une dégradation de la qualité de l’eau.
Grâce à la méthodologie développée, les auteurs ont pu identifier les SfN les plus pertinentes selon les zones : infrastructures vertes et bassins de rétention dans les secteurs urbains, pratiques agricoles régénératrices et restauration des ripisylves dans les plaines cultivées, reforestation et protection des sols en montagne, renaturation des cours d’eau et restauration des zones humides dans les plaines inondables.
Ces propositions ont ensuite été discutées avec des experts locaux lors d’un atelier. Les échanges ont permis d’ajuster certaines priorités, notamment en renforçant l’importance des SfN visant à améliorer la qualité de l’eau en zone urbaine ou en signalant les risques liés au retrait de certains ouvrages dans des secteurs sensibles.
Un outil pour renforcer la planification et le dialogue
Le principal atout de cette méthodologie réside dans sa capacité à mettre en cohérence les données scientifiques, les enjeux du territoire et les attentes des acteurs locaux. En fournissant des cartes claires et argumentées, elle facilite la concertation, soutient les décisions publiques et aide à cibler les investissements sur des actions réellement utiles et durables.
Cet outil est adaptable à de nombreux contextes, y compris méditerranéens, et particulièrement précieux à l’heure où les politiques, notamment en Europe, appellent à restaurer massivement les écosystèmes, améliorer la gestion de l’eau et développer des stratégies d’adaptation fondées sur la nature.
En conclusion : un outil concret pour l’avenir
Cette étude met à disposition des gestionnaires, des décideurs et des acteurs locaux un outil opérationnel pour déployer efficacement les SfN à l’échelle des bassins versants. En combinant analyse spatiale, connaissances scientifiques et retour d’expérience des acteurs du terrain, cette approche permet d’identifier les zones où agir en priorité et de choisir des réponses réellement adaptées au contexte.
Elle offre ainsi un cadre clair pour planifier des actions cohérentes, renforcer la résilience des territoires face aux crises de l’eau et du climat et orienter les investissements vers des mesures à la fois efficaces, durables et bénéfiques pour la biodiversité.
Contacts
Anis Guelmani [1] | Chef de projet – Coordinatieur OZHM
Michaël Ronse [2] | Chargé de mission – OZHM
Référence de la publication
Sarwar A.N., Caramiello C., Pugliese F., Jomaa S., Guelmami A., Ronse M., Roggero P.P., Marrone N., De Paola F., Cetinkaya I.D., Copty N.K., Rode M., Manfreda S. 2025. A framework for selecting Nature-based Solutions: applications and challenges at the catchment scale. Journal of Environmental Management 394:127220. doi: 10.1016/j.jenvman.2025.127220 [3]