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Dossier : Espèces exotiques envahissantes

Cas d’étude de l’Ecrevisse de Louisiane

Les espèces introduites envahissantes (par exemple la tortue de Floride Trachemys scripta elegans, le baccharis Baccharis hamilifolia, la jussie Ludwigia sp, etc.) représentent l’une des principales causes d’érosion de la biodiversité.

Avant de devenir envahissante, une espèce exotique suit un processus d’implantation difficile au cours duquel elle a peu de chance de réussir. Dans un premier temps, on parle d’espèces « acclimatées » lorsqu’un ou quelques individus survivent en milieu naturel, mais sans parvenir à se reproduire.

Elle est « naturalisée » lorsqu’elle a pérennisé sa présence et établit des populations. Parmi les espèces naturalisées, un petit nombre d’espèces connaîtra un succès démographique lui permettant de devenir « envahissante », c’est-à-dire dominante dans les écosystèmes et sur de grandes surfaces.

C’est le cas de l’écrevisse de Louisiane (Procamabrus clarkii), originaire du nord est du Mexique et du sud des Etats-Unis. Elle est aujourd’hui présente sur tous les continents, à l’exception de l’Australie et de l’Antarctique. L’Ecrevisse de Louisiane a été introduite en Espagne en 1973 par deux exploitations d’élevage d’écrevisses (dans les provinces de Badajoz et de Séville). L’objectif de cette introduction était de développer une nouvelle ressource économique pour une des zones les plus pauvres de l’Espagne.

Les promoteurs de cette introduction pensaient que cette nouvelle espèce n’aurait pas d’impacts négatifs sur les écosystèmes, partant de l’hypothèse qu’il n’existait pas d’espèce autochtone. Trente huit années après ces premières introductions, l’écrevisse de Louisiane est présente dans dix pays d’Europe continentale (Allemagne, Autriche, Belgique, Espagne, France, Italie, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suisse) et dans six îles ou archipels européens.

En Camargue, l’arrivée de P. clarkii est relativement récente (début des années 80). D’abord observée en petite Camargue (Ouest du delta), puis sur le Plan du Bourg (Est), elle n’a été recensée dans l’Ile de Camargue (entre les deux bras du Rhône) qu’à partir des années 90.

Un impact écologique, sanitaire et socio-économique important

Les caractéristiques qui font de l’écrevisse de Louisiane une espèce à fort potentiel invasif sont :

La présence de cette espèce entraîne des impacts écologiques, sanitaires, mais aussi socio-économiques. Dans une récente classification, faite parmi 27 espèces introduites par l’aquaculture en Europe, cette espèce est considérée comme celle ayant le plus d’impact.

Par exemple, elle peut modifier la structure de l’écosystème par la réduction des plantes submergées (macrophytes), par la prédation des animaux, ainsi que par la modification des facteurs physico-chimiques. Certaines populations de plantes et animaux ont décliné dans les sites où est présente aujourd’hui l’écrevisse de Louisiane. Par exemple dans le sud de l’Europe, elle a été identifiée comme responsable du déclin des populations de plantes aquatiques dans différents lacs, El Portil (Huelva, Espagne), Chozas (León, Espagne). Mais aussi de la disparition des escargots d’eaux Lymnaea peregra et L. stagnalis dans le Parc National de Doñana (Huelva et Séville, Espagne), et le déclin de certaines populations d’amphibiens dans le sud du Portugal (Alentejo et Algarve).

Inversement, la prolifération de l’écrevisse dans les zones humides a favorisé certains vertébrés prédateurs qui la consomment abondamment (notamment les hérons).

L’écrevisse de Louisiane pose également des problèmes sanitaires pour la conservation de la diversité biologique. En effet, comme les autres espèces américaines d’écrevisses, elle est porteuse saine de la Peste des écrevisses (une Mycose due à Aphanomyces astaci) qui décime les populations européennes autochtones.

L’écrevisse de Louisiane est également porteuse de la bactérie de la tularemie (Francisella tularensis). Appréciée pour ses qualités gustatives, elle est pourtant bioaccumulatrice de métaux lourds et de toxines, telles les cyanotoxines.

Enfin au niveau socio-économique, elle présente à la fois un aspect positif comme espèce pêchée et négatif par les dégâts causés dans les infrastructures hydrauliques et les rizières.

Les travaux à la Tour du Valat

Afin de mieux comprendre la place de Procambarus clarkii et son impact potentiel en Camargue, la Tour du Valat mène un projet visant à évaluer sa répartition spatiale dans l’ensemble de la Camargue et sa place dans les chaînes trophiques et son impact sur les écosystèmes camarguais.

Il s’agit notamment de répondre aux questions suivantes :

En fonction des résultats, des pistes d’action pour la gestion de P. clarkii seront proposées. Les premiers résultats apportent des éléments de réponse intéressants.