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Questions à Geneviève BARNAUD

Geneviève BARNAUD – Muséum National d’Histoire Naturelle – Département Écologie et gestion de la biodiversité

Geneviève Barnaud est membre du Conseil Scientifique du programme Liteau, programme du Ministère en charge de l’environnement (MEEDDM). Ses travaux visent à l’élaboration de stratégies de conservation des zones humides.

1 – Quel est votre rôle concrètement dans le programme LITEAU ?

Au départ j’assurai le lien entre les recherches développées par le PNRZH et celles du programme Liteau. Ensuite, l’orientation des thématiques de Liteau vers l’écologie finalisée et une prise en compte plus importante de la frange côtière, marais compris, ont justifié la poursuite de mon implication.

Aujourd’hui, la priorité donnée aux questions relatives à l’évaluation des services écosystémiques, au développement d’une ingénierie et/ou restauration écologiques, à la mise en place de mesures de compensation, explique mon investissement dans les Conseils Scientifiques de ces programmes, d’autant que les zones humides y servent souvent de terrain d’étude.

2 – Quelles sont les particularités du projet « Camarguais » dans ce programme LITEAU ?

Si projet « Camarguais » signifie, un territoire avec son histoire, ses enjeux actuels et futurs, bénéficiant d’auscultations scientifiques régulières, alors le nombre et la continuité des soutiens de Liteau reflètent cette singularité. Un site « surinvesti » présente des avantages :

Mais aussi des inconvénients comme le risque d’enfermement et un potentiel de transfert des résultats limité. La participation des équipes de Camargue à de nombreux réseaux scientifiques et techniques, méditerranéens et internationaux permettent de surmonter ces obstacles.

3 – Que savez-vous de l’appropriation et de l’utilisation des résultats et des outils par les décideurs et gestionnaires en Camargue ?

Le chemin est encore long, pour plusieurs raisons non spécifiques au contexte camarguais. Les programmes actuels exigent excellence scientifique et lien étroit entre chercheurs et futurs utilisateurs des résultats.

Toutefois, les bonnes volontés du départ s’émoussent, les calendriers de la recherche et de l’action ne correspondant pas. Et puis passer des productions scientifiques à la conception d’un dispositif réellement opérationnel demande des tests et le temps pour des adaptations pas toujours prévus. Heureusement, comme dans de nombreux sites protégés à un titre ou l’autre, les gestionnaires sont de formation scientifique et détectent les applications et les problèmes.

Plus généralement, le principe reste le suivant : le scientifique publie, propose des protocoles, des appareillages, des modèles, et ensuite les acteurs de terrain et les décideurs, choisissent de s’en servir ou pas sous l’influence du contexte immédiat. Je pense que beaucoup de solutions techniques à des problèmes actuels de gestion se trouvent dans des cartons ou de vieux disques durs. Cependant, c’est plus excitant de redécouvrir le monde que de rouvrir des dossiers et de les revisiter avec les interrogations d’aujourd’hui.

4 – Quels sont à votre avis les enjeux prioritaires auquel doit faire face le delta du Rhône ?

Je pense qu’aujourd’hui et dans les décennies à venir, les effets des changements climatiques dans toutes leurs dimensions – que ce soit hydrologique, chimique, biologique, écologique, économique et sociologique – apparaissent comme les sujets majeurs sur lesquels la recherche doit se focaliser en priorité.

5 – Quel rôle peuvent jouer les chercheurs en général et la Tour du Valat en particulier dans ce contexte ?

J’imagine souvent que des carnets de moleskine avec un élastique se trouvent encore au fond de tiroirs dans les bureaux de la Tour du Valat. Disposer de données datant de presque 60 ans et pas uniquement sur les oiseaux, c’est rare. Ces suivis à long terme sont un véritable atout pour votre centre. La participation des équipes de Camargue à de nombreux réseaux scientifiques et techniques doit s’intensifier et se compléter, par exemple en s’engageant dans le réseau international des sites du Long Term Ecological Research.

En outre j’ai pu constater que les programmes de recherche en environnement souffrent du syndrome du balancier, après avoir favorisé des démarches physiques puis écologiques, la priorité est maintenant donnée aux sciences humaines. Ce serait bien que des équipes – comme celle de la Tour du Valat – gardent le cap d’une recherche de haut niveau en écologie, la demande de conseils et techniques émanant du terrain restent très forte à ma connaissance.