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Projet ROEM en Afrique du Nord : questions à Khaled Etayeb

Khaled Etayeb est président de la Libyan Society for Birds et point focal en Libye du projet ROEM. Il répond aux questions de la Tour du Valat concernant la protection des oiseaux d’eau en Afrique du Nord.

1) Vous êtes le coordinateur national en Libye du Réseau Oiseaux d’Eau Méditerranée (ROEM). Selon vous, quels sont les principaux enjeux concernant les oiseaux d’eau dans un pays qui subit des tensions socio-politiques très fortes depuis le début de la décennie ?

Je répondrai en tant que président de la Libyan Society for Birds (LBS) et coordinateur national des Dénombrements internationaux des oiseaux d’eau (DIOE). Depuis le début de la révolution en Libye en 2011, la LBS a assumé la responsabilité de l’étude et de la protection des oiseaux en Libye. Nous avons continué le programme annuel des DIOE au fil des années, malgré les difficultés recontrées telles que des conflits armés dans certaines régions, certains obstacles non-prévus, ou encore des problèmes financiers ou de transport. Nous avons toutefois continué les dénombrements et les études, en évitant les zones militaires et de conflits.

Durant les trois dernières années, nous avons eu des partenaires privés dans certaines zones ornithologiques importantes, tels que la société Bado à Zwara ou l’entreprise d’extraction du sel Najm Libya à Misrata. Grâce à cela, le nombre de régions couvertes à augmenté de 50 % par rapport à avant 2011. Durant cette période nous avons aussi continué à célébrer les événements liés à l’environnement, surtout concernant la protection des oiseaux et de leurs habitats.

Je veux aussi souligner, en tant que professeur d’université et ornithologiste, que des étudiants ont souhaité mener leurs projets d’étude sur les oiseaux. Je peux donc dire que le nombre de passionnés et d’experts en ornithologie a augmenté.

Cependant je veux mettre l’accent sur le fait que la situation actuelle du pays constitue le principal obstacle à la protection des oiseaux, qui était présentée comme une priorité dans les stratégies environnementales, ainsi que l’absence de contrôle gouvernemental et de cadre législatif. Tous ces facteurs augmentent les risques auxquels font face les oiseaux en Libye.

2) De quelle façon le ROEM vous aide-t-il à affronter ces enjeux, au niveau national ?

Notre expérience avec le ROEM a été très fructueuse ; nous avons reçu tout le soutien et l’encouragement moral nécessaire pendant la période durant laquelle nos activités étaient supposées s’arrêter. Grâce à la coopération nord-africaine, nous avons pu consolider nos méthodes de collecte de données. Nous avons également reçu de la part du ROEM du matériel de terrain, ainsi que bénéficié de formations sur les comptages et l’identification des oiseaux pour certaines personnes.

D’une façon générale, le ROEM a continué à soutenir la Libye malgré les mauvaises conditions qu’elle traverse.

3) Vous deviendrez bientôt le coordinateur du ROEM pour l’Afrique du Nord. Comment les cinq pays concernés peuvent-ils contribuer à la protection des populations d’oiseaux d’eau à l’échelle méditerranéenne, se situant au milieu des voies migratoires entre l’Europe et l’Afrique subsaharienne ?

Comme je l’ai déjà dit, un des avantages du réseau est d’unifier les méthodes de dénombrements, et d’encourager la communication et la coopération entre les spécialistes de la région, ainsi qu’avec les experts des différents pays méditerranéens. Cela facilitera la protection des oiseaux migrateurs, via l’échange d’information et la détection des vulnérabilités le long de leurs voies de migration.

Les pays d’Afrique du Nord sont essentiels pour les oiseaux d’eau migrateurs. Certains d’entre eux sont très expérimentés en matière de protection des oiseaux et d’autres moins, mais grâce aux échanges ils contribueront tous à la protection des oiseaux d’eau. Via la coopération internationale, des campagnes de sensibilisation pourront être menées incluant des ateliers, des visites de terrain, la publication de brochures, les médias, ainsi que des actions de communication à destination des chasseurs. Cela favorisera le passage en sécurité des oiseaux d’eau par les pays d’Afrique du Nord.

Contact : Khaled Etayeb (e-mail [1])