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La cartographie au service de la restauration des zones humides méditerranéennes

Cartographie des zones humides méditerranéennes – Quel potentiel pour la restauration des habitats humides perdus ?

Afin de mieux caractériser l’état de santé des zones humides méditerranéennes, les changements qu’elles subissent sur de grandes échelles spatiales et temporelles et de pouvoir, ainsi, cibler les mesures de conservation et de restauration les plus adaptées, il est souvent crucial de disposer de données cartographiques de qualité sur ces milieux, renseignant sur leur localisation, délimitation, les types d’habitats qui les composent, les principaux services écosystémiques qu’ils rendent ainsi que les menaces qui pèsent sur eux. D’ailleurs, ces données cartographiques, telles que les inventaires nationaux des zones humides, ont toujours été considérés par la Convention de Ramsar [1] comme un instrument clé sur lequel fonder les politiques nationales visant à une utilisation rationnelle de ces écosystèmes. En outre, il est évident que le développement et la mise en œuvre des stratégies liées aux zones humides nécessitent des connaissances de base sur ces écosystèmes. Le manque de données et d’information fiables sur les zones humides d’un pays constitue, souvent, un des handicaps majeurs pour la mise en place de mesures de conservation, de valorisation et de restauration efficaces.

Les données issues des technologies d’Observation de la Terre (OT) offrent la possibilité de répondre à ces besoins de suivi de manière précise, exhaustive, harmonisée et à faibles coûts. Depuis plus de dix ans aujourd’hui, la Tour du Valat a développé une véritable expertise dans ce sens, qu’elle met désormais à disposition des différents partenaires institutionnels et issus de la société civile, dans tous les pays méditerranéens. Celle-ci découlant essentiellement des projets ESA GlobWetland-II (2010-2014) et Horizon-2020 Satellite-based Wetlands Observation Service [2] (2015-2019), auxquels notre équipe a participé activement.

Dans ce contexte, l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes [3] (OZHM) développe une approche cartographique innovante visant à mieux cibler les zones où des habitats humides perdus peuvent être recréés et restaurés. Celle-ci se base sur la cartographie des Zones Humides Potentielles (ZHP) à grande échelle, à l’aide de données hydro-écologiques (ex. topographie, écoulement de surface, géologie…), combinées avec des variables climatiques, sur les dynamiques des eaux de surface, en plus d’une couche pour masquer les zones bâties. Le résultat est une carte pan-méditerranéenne indiquant la probabilité de présence d’habitats humides, selon les critères listés plus haut (Figure 1a et 1b).

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Figure 1a. Carte pan-méditerranéenne des Zones Humides Potentielles

Celle-ci pourrait donc aider à localiser et à délimiter les anciennes zones humides ayant été transformées à cause soit des activités humaines, soit par drainage ou suite à leur conversion vers d’autres types d’usage des sols, tels que l’agriculture par exemple. De ce fait, cette carte des Zones Humides Potentielles pourrait être utilisée comme support afin de mieux prioriser les zones pour de futures actions de restauration.

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Figure 1b. Zoom sur la région des Aurès et son complexe de zones humides des Hauts Plateaux en Algérie

Croisée avec d’autres données spatialisées, telles que celles sur l’occupation du sol, ou encore les statuts de protection, cette carte des Zones Humides Potentielles permettrait aussi d’estimer, de manière très qualitative, l’effort nécessaire afin de restaurer les habitats humides perdus. Une première analyse a été effectuée dans ce sens pour la partie nord du bassin méditerranéen et le résultat est illustré dans la Figure 2a.

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Figure 2a. Carte représentant les habitats humides perdus, avec une estimation qualitative de l’effort nécessaire pour leur restauration

 

Grâce à ce résultat, on peut aisément repérer certaines grandes zones humides qui ont été complètement drainées, telles que les marais de Maliqi en Albanie (Figure 2b), asséchées et convertis en terres cultivées pendant les années 1940-1950, essentiellement pour la production de la betterave sucrière.

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Figure 2b. Focus sur les marais de Maliqi en Albanie

 

 

Ces nouvelles données, produites par l’OZHM, seront bientôt mise à disposition pour l’ensemble des partenaires de la Tour du Valat et pourront, donc, être utilisées par tous les acteurs œuvrant pour la bonne gestion des zones humides en Méditerranée comme base de référence afin de mieux localiser et prioriser les efforts de conservation et de restauration à grande échelle (nationale et/ou régionale).


Contact : Anis Guelmami [8] (e-mail [9]), chef de projet – Thème dynamiques des zones humides et gestion de l’eau