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Dossier : La restauration des étangs et marais des salins de Camargue

Sur le site des étangs et marais des salins de Camargue en cours d’acquisition par le Conservatoire du littoral, la gestion mise en place vise à restaurer la fonctionnalité des milieux lagunaires tout en intégrant la dynamique côtière, la conservation des oiseaux d’eau coloniaux, et la valorisation des usages.

Un vaste espace littoral en cours d’acquisition

Dans le cadre de plusieurs actes de vente signés depuis 2008, le Conservatoire du littoral a acquis 6527 ha d’étangs auparavant utilisés pour la pré-concentration du sel produit à Salin de Giraud, en bordure méridionale de la Camargue. Ces acquisitions n’auraient pu être réalisées sans l’aide de l’Etat, de l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse, de l’Union européenne (FEDER), de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et du Département des Bouches-du-Rhône. Un protocole d’accord signé avec la Compagnie des Salins du Midi prévoit à terme que cet ensemble foncier atteigne 8000 ha, en réunissant la totalité des étangs et milieux terrestres situés entre le nouveau périmètre dédié à la production de sel, et le territoire de la Réserve naturelle nationale de Camargue. Ce transfert, qui intervient à la demande de la Compagnie des Salins du Midi, s’inscrit dans un objectif de réduction de moitié de la production de sel sur le site de Salin de Giraud en raison d’une diminution des besoins de l’industrie chimique.

La co-gestion des étangs et marais des salins de Camargue a été confiée à trois organismes aux expertises complémentaires : le Parc naturel régional de Camargue (structure coordinatrice), la Tour du Valat, et la Société Nationale de Protection de la Nature (SNPN).

Une richesse biologique exceptionnelle

La présence, sur l’étang du Fangassier, de l’unique colonie de reproduction des flamants roses (Phoenicopterus roseus) en France a considérablement contribué à la renommée internationale de ce site. Cependant, de nombreux autres éléments du patrimoine naturel participent également à sa richesse biologique. Avec 22 habitats naturels d’intérêt communautaire, il est aujourd’hui le site protégé présentant la plus grande diversité d’habitats patrimoniaux dans le delta du Rhône. Les milieux dunaires couvrent des superficies exceptionnelles (plus de 300 ha) et sont caractérisés par une diversité remarquable de formations végétales, avec notamment la présence de dunes mobiles à oyats (Ammophila arenaria, de la famille des graminées), de dunes grises fixées par la  végétation (groupements à Crucianelle, Armoise glutineuse et Ephedra distachya), de pelouses dunaires, de pinèdes et de bas-marais. Les inventaires en cours ont permis de recenser plus de 250 espèces végétales, dont 18 sont protégées. Un chapelet de marais doux situés sur l’ancien cours du Rhône abrite une importante population de cistudes d’Europe (Emys orbicularis). Enfin plus de 280 espèces d’oiseaux y ont été observées (sur un total de 566 espèces observées en France, soit presque 50 %), dont une majorité d’espèces migratrices ou hivernantes.

Des changements importants en cours

Les terrains aujourd’hui propriété du Conservatoire du littoral (Cdl) ont été endigués pour être convertis en salins au cours des années 1950 à 1970. Suite à ces aménagements, une partie des étangs fut transformée en écosystème hypersalé, avec une faune aquatique restreinte à quelques espèces d’invertébrés adaptés à ces conditions extrêmes. Les apports d’eau salée sur les terres hautes entraînèrent la disparition de vastes surfaces de sansouïres, tout en créant des conditions attractives pour les oiseaux d’eau coloniaux. Avec la diminution globale de l’activité salicole à Salin de Giraud et son arrêt sur les sites acquis par le Cdl, et le démantèlement des stations de pompage par la Compagnie des Salins du Midi, le fonctionnement hydraulique global du site doit être entièrement reconsidéré. La circulation des eaux redevient entièrement gravitaire, avec des niveaux d’eau plus aléatoires. Les brèches se multiplient sur les secteurs soumis à l’érosion, rétablissant les échanges hydrauliques et biologiques entre la mer et une partie des étangs. Les conséquences de ces changements récents sont déjà visibles sur la faune et la flore, avec par exemple l’installation d’herbiers immergés de Zostère naine (Zostera noltii) et l’entrée de poissons migrateurs dans l’étang de Beauduc (par exemple l’anguille).

Une notice de gestion pour orienter et planifier la gestion à court-terme

Le Conservatoire du littoral a pour obligation d’établir un plan de gestion de ses terrains lorsqu’ils constituent une entité cohérente. Ce document  sera donc établi lorsque les acquisitions seront finalisées. En attendant, la gestion transitoire mise en œuvre s’appuie sur un document simplifié : la notice de gestion. Celle-ci a été établie par les co-gestionnaires et validée par le Cdl en mars 2013. Elle fournit une première série de réponses aux enjeux identifiés sur le site, en définissant des orientations à long-terme et un programme d’action à trois ans. Elle constitue ainsi un cadre pour orienter et assurer la cohérence de la gestion au cours des prochaines années.

Face à l’érosion intervenant sur une partie du littoral des anciens salins et en l’absence, sur ce site, d’enjeux socio-économiques impliquant une fixation artificielle et coûteuse du trait de côte dans sa position actuelle, se présente une opportunité rare en France de préserver, voire de renforcer le caractère sauvage du littoral. L’orientation retenue par la notice de gestion est donc d’accepter l’évolution à long terme du trait de côte, y compris dans les secteurs soumis à l’érosion naturelle. La protection des cordons dunaires contre les destructions par les véhicules et les activités touristiques sera une composante essentielle de cette gestion. A court terme, les actions proposées visent donc à limiter les impacts résultant de la fréquentation, à travers notamment la mise en place d’aires de stationnements aux entrées de plages, l’élaboration d’un plan de circulation réglementée, l’information des usagers, et la réalisation d’une étude de faisabilité pour la mise en place de transports en commun entre le village de Salin de Giraud et la plage de Piémanson.

S’agissant de la gestion de l’eau, l’objectif proposé par la notice de gestion est de renforcer les échanges hydrauliques et biologiques entre les différents étangs composant le site, mais aussi entre les étangs de l’hydrosystème de l’étang du Vaccarès et la mer. Ces reconnexions impliquent de restaurer d’anciennes vannes, d’en créer de nouvelles, et d’effectuer des travaux de curage des chenaux. Mais elles nécessitent aussi de traiter le problème de la pollution par les pesticides des eaux entrant dans l’hydrosystème Vaccarès, sans quoi la contamination s’étendra aux étangs des anciens salins. La recherche de solutions concrètes est en cours afin de juguler cette pollution, dans le cadre d’une concertation associant le Cdl, les co-gestionnaires du site, les services de l’État, les gestionnaires de canaux et les riziculteurs.

La notice de gestion prévoit aussi la réalisation d’aménagements pour pérenniser la reproduction des flamants roses, et restaurer des conditions favorables à la reproduction des oiseaux laro-limicoles coloniaux. 

Enfin, le site et sa périphérie accueillent de nombreuses activités humaines, professionnelles ou de loisirs. Il y a  donc un enjeu essentiel à mieux prendre en compte ces usages, afin, lorsque nécessaire, de les faire évoluer vers des pratiques en adéquation avec les objectifs de préservation du Cdl. Une autre orientation de la notice de gestion est de favoriser de nouvelles activités économiques, à condition, ici aussi, qu’elles soient développées en adéquation avec la préservation durable du site.

L’implication de la Tour du Valat

En tant que co-gestionnaire des étangs et marais des salins de Camargue, la Tour du Valat met ses compétences et son expertise au service de la gestion du site. Elle a notamment réalisé un état écologique initial du site et participe aux inventaires et aux suivis de la faune et de la flore. Elle contribue au suivi hydrologique des étangs et a initié un projet de modélisation hydrologique. Elle est partie prenante au projet européen LIFE+ MC-SALT qui, réalisé en partenariat avec le Parc naturel régional de Camargue, prévoit la réalisation de travaux de restauration écologique et d’aménagement pour les oiseaux coloniaux. 

Lien internet :
http://www.mc-salt.eu/fr [1]