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Dossier: La Méditerranée, hotspot de biodiversité

Où agir en priorité en Méditerranée ?

La Méditerranée, extraordinaire foyer de biodiversité, est l’une des régions du monde les plus affectées par diverses pressions sur l’environnement, impactant tous les écosystèmes et tout particulièrement les zones humides. Face à ce constat, des alliances se nouent pour faire un état des lieux et orienter stratégiquement l’action.

Un réservoir de biodiversité menacé

Le bassin méditerranéen représente un des 34 « hotspots » (points chauds) de biodiversité identifiés dans le monde. Le concept de « hotspot » a été développé par l’ONG Conservation International afin de désigner les régions du monde sur lesquelles il importe d’agir en priorité parce que leur biodiversité est à la fois riche et menacée. A l’instar des autres « hotspots », la biodiversité du bassin méditerranéen est marquée par un fort taux d’endémisme. Par exemple, la moitié des espèces de plantes à fleurs et les 2/3 des poissons d’eau douce observés en Méditerranée ne sont présents que là et nulle part ailleurs.

Diversifiée et originale, cette biodiversité est cependant très vulnérable comme le révèlent les listes rouges publiées par le Centre de Coopération pour la Méditerranée de l’IUCN. Aujourd’hui 42% des espèces de raies et requins, 17% des mammifères et 13% des reptiles sont menacés d’extinction dans le bassin.

Les espèces dépendantes du milieu aquatique ont un statut de conservation particulièrement préoccupant puisque 56% des poissons d’eau douce endémiques, 36% des crabes et écrevisses, 29% des amphibiens et 19% des libellules pourraient disparaître au cours des prochaines décennies. Reposant sur le travail d’un réseau d’experts naturalistes, ces documents nous renseignent également sur les causes de la raréfaction de nombreuses espèces.

Ainsi, la perte et la dégradation d’habitat causées par les activités humaines représentent sans doute la principale menace. La disparition des zones humides affecte par exemple 110 des 165 espèces de libellules connues en Méditerranée. La pollution de l’eau, la surexploitation (chasse, pêche ou récolte), la compétition avec les espèces exotiques envahissantes, ou encore l’augmentation de fréquence des sécheresses sont d’autres menaces majeures.

Une fois le statut des espèces menacées connu, l’étape suivante consiste à identifier, étudier et finalement protéger les sites essentiels pour la survie de ces mêmes espèces. Depuis les années 1980, Birdlife International identifie les Zones d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO), inventaires qui ont été initiés dans l’ensemble des pays méditerranéens.

Des sites prioritaires à préserver

Une fois le statut des espèces menacées connu, l’étape suivante consiste à identifier, étudier et finalement protéger les sites essentiels pour la survie de ces mêmes espèces. Depuis les années 1980, Birdlife International identifie les Zones d’Importance Communautaire pour les Oiseaux (ZICO), inventaires qui ont été initiés dans l’ensemble des pays méditerranéens.

D’autres projets ont depuis vu le jour pour étendre cette approche à d’autres groupes, tels les plantes et les papillons. Tout récemment, à l’occasion de l’investissement du Critical Ecosystem Partnership Fund (CEPF) dans le bassin méditerranéen (voir interview de Güven Eken ci-dessous), tout un réseau de sites clés pour la biodiversité (KBA pour Key Biodiversity Area) a pu être identifié dans la région. Utilisant le travail déjà réalisé sur les ZICO, les KBA ont l’avantage de considérer l’ensemble des espèces pour lesquelles des données existent. Pour chaque espèce, un réseau de sites jugé essentiel pour garantir sa survie est ainsi désigné. Parce qu’ils abritent de nombreuses espèces rares et menacées, certains secteurs du bassin se distinguent par leur richesse en KBA.
Citons par exemple les massifs montagneux du Maghreb et notamment l’Atlas, les zones humides côtières de Tunisie et d’Algérie, la vallée de l’Oronte au Proche-Orient, le massif du Taurus en Turquie ou encore la région côtière des Balkans. Les décideurs disposeront ainsi d’une liste de sites à protéger en priorité, ou à gérer de manière à garantir le maintien de la biodiversité.

Les travaux de la Tour du Valat

Grâce à son expertise sur les écosystèmes aquatiques, la Tour du Valat et ses experts se sont largement investis au côté de nombreux partenaires, aussi bien dans l’élaboration des listes rouges méditerranéennes que dans l’identification des KBA. Dans le cadre de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes, la Tour du Valat a également développé des approches complémentaires prenant en compte cette fois l’ensemble de la biodiversité ordinaire, les espèces rares et menacées n’étant pas seules à pâtir de la dégradation de nos écosystèmes.

Par exemple l’Indice Planète Vivante mis au point par le WWF et l’Institut de Zoologie de Londres a ainsi été décliné aux zones humides méditerranéennes. Les résultats ont mis en évidence un déclin sévère des populations de vertébrés à l’Est du bassin méditerranéen depuis 1970, tandis qu’à l’Ouest la situation semble aujourd’hui plus favorable qu’il y a 40 ans, avec notamment des populations d’oiseaux d’eau en hausse. Poursuivant son travail d’analyse des tendances des communautés d’espèces à large échelle, la Tour du Valat est en train d’adapter aux communautés de vertébrés des zones humides méditerranéennes deux autres indicateurs originellement développés par le Muséum d’Histoire Naturelle de Paris : l’indice de spécialisation et l’indice de température. Ceux-ci permettront de mieux comprendre quel a été l’impact de la dégradation des habitats et du réchauffement climatique sur les populations d’oiseaux au cours des dernières décennies.

Le saviez-vous ?

Pour être qualifiée de « hotspot », une région doit répondre à deux critères :
  • 1 500 espèces endémiques recensées soit plus de 5% des espèces présentes sur la Terre.
  • perte de 70% de l’habitat d’origine.