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Dossier : la géomatique à la Tour du Valat

Une implication de longue date

La Tour du Valat a commencé à travailler dans le domaine de la géomatique  dès le début des années 1990.

L’objectif était alors de pouvoir inventorier les habitats des zones humides à partir de couvertures spatialisées utilisables pour l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen. Les principaux domaines en ont été la télédétection satellitale passive (domaine du visible, proche-infrarouge, moyen-infrarouge…) mais aussi active (radar), la topographie numérique, et les systèmes d’information géographique (SIG).

Ces derniers, en particulier, peuvent être considérés comme centraux parmi les outils utilisés en géomatique. Les premiers logiciels, développés pour des besoins militaires ou  de recherche scientifique, remontent à la fin des années 1960,

Une des raisons du développement de la géomatique a été la démocratisation de l’informatique combinée à l’arrivée des données satellitales, qui a permis le développement rapide de la télédétection. Ainsi les premières images satellitales civiles ont ainsi été acquises à partir de 1972 par le premier satellite Landsat 1, et dès 1999 le lancement du satellite Ikonos a permis les premières images à résolution métrique.

La géomatique (terme issu de la contraction entre « géographie » et « informatique » à la fin des années 1980) est donc née dès lors qu’il a été possible de compiler des sources de données géographiques numériques diverses, issues pour majorité du traitement des images satellitales, mais aussi d’autres sources comme la cartographie numérique ou les données topographiques.

La Tour du Valat a été à l’initiative de l’utilisation de la géomatique dans de nombreux projets, ou y a participé activement. Plusieurs projets, en cours ou futurs, utilisent la télédétection satellitale avec comme objectifs l’inventaire et le suivi des zones humides.
 

Les utilisations concrètes de la géomatique pour les zones humides

Grâce aux progrès notables réalisés dans le développement de la géomatique elle peut aujourd’hui être utilisée dans de nombreux domaines au bénéfice de l’étude et de la conservation des zones humides et de leurs bassins versants, et ce à différentes échelles spatiales.

Le programme RhoMéO

Un exemple d’utilisation de la géomatique par la Tour du Valat a été le programme RhoMéO, financé par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse de 2009 à 2013, et qui a regroupé 30 structures du bassin Rhône-Méditerranée. Ces dernières ont mobilisé leur expertise pour concevoir et tester différents indicateurs sur un panel de 200 sites, en vue de la mise en place d’un observatoire des milieux humides.  

Cartographie de l’occupation du sol par type de culture agricole d’un des 200 sites du projet Rhoméo (version HD ci-contre)

Aboutissement de ce travail, la boîte à outils de suivi des zones humides du bassin Rhône-Méditerranée s’adresse aujourd’hui aux acteurs et gestionnaires, qui souhaitent mettre en place des suivis de l’état de conservation des zones humides et des pressions qu’elles subissent.

Parmi les 13 indicateurs retenus, ceux nécessitant une approche spatiale et faisant appel à des techniques de géomatique ont été, en partie, développés par la Tour du Valat ; ainsi le taux de pression agricole, ou encore le taux de pression urbaine.

Dans le cadre de ce projet la Tour du Valat a également participé à une phase exploratoire de test des possibilités d’utiliser les outils d’observation de la Terre, telles que les images satellites, pour développer des indicateurs spatiaux de suivi des milieux humides (cartographie de l’étendue des surfaces en milieux humides, de l’inondation au sein de ces surfaces, et des changements dans l’occupation du sol).

Tous ces résultats ont permis d’approfondir les connaissances dans l’utilisation de la télédétection pour le suivi de l’état des zones humides, et de mieux définir les indicateurs spatiaux de l’Observatoire des Zones Humides Méditerranéennes (OZHM) basé à la Tour du Valat.

Le projet Globwetland 2

L’OZHM a également mené une  étude de l’évolution de l’occupation du sol dans les zones humides littorales méditerranéennes entre 1975 et 2005, pour lequel il s’est appuyé sur une méthodologie développée par le projet GlobWetland-II (GW-II).

Exemple de cartographie réalisée dans le cadre du projet Globwetland 2, concernant l’évolution de l’occupation du sol entre 1975, 1990 et 2005 dans l’estuaire du Sado (Portugal) (version HD ci-contre)

Lancé en 2010 par l’Agence spatiale européenne (ESA), GW-II consistait jusqu’en 2014 en un projet-pilote régional, visant à faciliter l’utilisation des techniques d’observation de la Terre dans la gestion et la conservation des habitats humides méditerranéens. Son objectif principal était d’aider à mettre en place un système mondial d’information sur les zones humides (G-WOS), en accord avec le plan stratégique de la Convention de Ramsar sur les zones humides.

Un système de suivi-évaluation, basé sur la cartographie de l’occupation du sol et l’étude de son changement entre 1975 et 2005 a été développé par l’OZHM, en harmonie  avec les suivis d’occupation du sol européen (Corine Land Cover). Puis un ensemble de 284 sites a été sélectionné, répartis au Sud et à l’Est du bassin méditerranéen (du Maroc à la Syrie) ainsi que sur  sa la rive Nord (de la Turquie au Portugal), avant que des indicateurs spatiaux renseignant sur la superficie des différents habitats qui les composent soient calculés.

À la suite de ce travail, les cartes de 214 zones humides littorales, réparties dans 22 pays méditerranéens, ainsi que les indicateurs associés ont été analysés. Cela a permis d’avoir la première étude sur l’évolution de l’occupation du sol dans les zones humides sur 30 ans, basée sur des données cartographiques à l’échelle du bassin méditerranéen, montrant ainsi un déclin régulier des habitats naturels humides de l’ordre de 10 % entre 1975 et 2005 et une augmentation des habitats humides artificiels.

La géomatique au service des dénombrements d’oiseaux d’eau au Soudan (en coopération avec l’ONCFS)

Alors que ces deux projets ont permis à la Tour du Valat de développer sa maîtrise des méthodes d’extraction et d’analyse des zones inondées, les données issues du traitement des images satellites peuvent désormais être recoupées avec les données de terrain.

Ainsi la cartographie des zones inondées à l’échelle d’un pays en milieu sahélien, le Soudan, permettra à terme de déterminer les zones humides les plus importantes pour les populations d’oiseaux d’eau.

Zone humide temporaire (ou maya) dans la plaine d’inondation du Nil Bleu, Soudan (crédit photo ONCFS 2014)

Les zones inondées ont été extraites à partir des images du satellite Landsat 8, disponibles aux périodes des suivis de terrains réalisés par l’équipe de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS) durant ces quatre dernières années.  Une fois cette méthodologie renforcée par recoupement avec d’autres données (points de comptages, indice de végétation, pentes et reliefs…), elle pourra faciliter l’identification et le suivi sur place des zones inondées de manière temporaire.

Cette première étude devrait améliorer les connaissances sur les zones inondées pendant la période hivernale (sèche) dans ce pays immense, comprenant des zones difficilement accessibles, et à terme d’actualiser son importance de ce pays pour les oiseaux d’eau à l’échelle de leur voie de migration. Les zones en eau sont en effet une ressource importante pour les communautés locales, mais également des habitats naturels essentiels pour les espèces migratrices.
 

Les futurs projets de la Tour du Valat impliquant la géomatique

Forte de son expérience accumulée depuis plus de 20 ans dans le domaine de la géomatique, la Tour du Valat continuera à s’impliquer dans les prochaines années dans plusieurs projets similiaires.

Le projet SWOS (2015 – 2018)

Ainsi le projet SWOS (pour Satellite-based Wetland Observation System),  financé par le programme Horizon-2020 pour la recherche et l’innovation de la Commission Européenne, et qui réuni un consortium de 12 partenaires (dont la Tour du Valat) de sept pays européens.

Son but est de créer un système d’observation et de suivi des milieux humides basé sur l’utilisation des images satellites dans le cadre de la Stratégie européenne pour la biodiversité. Par ailleurs les produits du projet SWOS pourront ensuite être intégrés au projet MAES (Mapping and Assessment of Ecosystem Services), via le développement d’indicateurs relatifs aux services écologiques rendus par les zones humides.

Différents types de produits cartographiques seront ainsi réalisés à partir des données satellitales dans la cadre de ce projet, principalement sur deux échelles géographiques : celle des sites (cartographie de l’occupation du sol et des changements d’occupation et de  la qualité de l’eau), et celle des bassins versants (inventaire des milieux humides et cartographie des dynamiques d’inondation, de l’humidité et de la température de surface).

Exemple de cartographie réalisée dans le cadre du projet SWOS (version HD ci-contre)

À partir de l’ensemble de ces cartes la Tour du Valat aura la charge de développer des indicateurs spatiaux, capables de renseigner sur l’état et l’évolution des écosystèmes humides ainsi que sur les services écologiques qu’ils procurent. Ces indicateurs seront construits sur la base des résultats obtenus dans le cadre d’autres projets similaires, tels que GlobWetland-II ou encore RhoMéO. Mais la valeur ajoutée du projet SWOS par rapport à ces derniers sera l’intégration de nouveaux produits cartographiques encore inédits.

Dès le démarrage du projet en 2015, les utilisateurs potentiels seront identifiés autour des sites-test sélectionnés, à différentes échelles. Ils seront ensuite sollicités durant toutes les phases de développement du projet, afin de pouvoir leur offrir les services et outils qui répondent le mieux à leurs besoins. Ces outils pourront les aider dans leur travail de gestion et de conservation, et leur seront utiles afin de répondre à certains engagements sur la protection des milieux naturels, dont les zones humides (rapports nationaux Ramsar, suivi des sites Natura 2000, Directive Cadre sur l’Eau, Directive Habitat, etc).

Tous les outils, services et produits du  projet SWOS seront disponibles en ligne avec la création d’un portail web à la fin du projet où ils seront stockés, afin de faciliter leur dissémination et leur transfert. Le projet SWOS contribuera également au développement du Global Wetland Observing System de la Convention Ramsar.

H2020 Ecopotential

Un autre projet de recherche européen financé dans le cadre du programme Horizon- 2020, et pour lequel la Tour du Valat sera fortement impliquée dans les prochaines années pour sa partie géomatique, est Ecopotential.

Piloté par le Centre national de recherche italien, son but de est de créer un cadre unifié pour l’étude des écosystèmes et des services associés ainsi que pour la gestion des aires protégées en Europe, dont la Camargue.

Les données issues de la télédétection seront combinées aux données de terrain afin de modéliser le fonctionnement des écosystèmes et la fourniture de services écologiques, avant que des scénarios soient élaborés afin de déterminer les futurs besoins en aires protégées.

Là encore un accès libre aux données et au savoir sera assuré, via une plate-forme virtuelle intégrée au programme GEOSS (Global Earth Observation System of Systems ou Système mondial des systèmes d’observation de la Terre).

L’inventaire des zones humides du pourtour méditerranéen

La Tour du Valat prévoit également dans un futur proche et en partenariat avec l’initiative Medwet de réaliser une cartographie de l’ensemble des superficies inondées du pourtour méditerranéen, qui sera complété par un suivi, avant intégration dans un SIG qui constituera alors une véritable base de connaissances des zones humides méditerranéennes.
 

La géomatique, quelles perspectives pour les prochaines années ?

Désormais principalement basée sur l’utilisation des images satellitales, la géomatique profitera directement, dans un futur proche, de la mise à disposition de nouvelles données de grande qualité fournies par divers programmes.

On peut notamment citer les satellites Sentinel-2, mis sur orbite dans le cadre du programme de la Commission européenne Copernicus. Ainsi Sentinel-2A, lancé en juin 2015,  produira des images de haute résolution à l’échelle  internationale, tandis que son complémentaire Sentinel-2B sera lancé en 2016. Les types d’images qu’ils fourniront pourront être utilisé dans le cadre de projets tel que SWOS, en complément des images radar du satellite Sentinel-1.

Des images issues de Sentinel-2A seront également mises à disposition à partir de décembre 2015 dans le cadre de THEIA, une structure inter-organismes (CEA, CIRAD, CNES, IGN, INRA, CNRS, IRD, Irstea et Météo France) qui vise à répondre aux besoins de la communauté scientifique en produits, méthodes et formations liés à l’observation depuis l’espace des surfaces continentales. Son objectif est de faciliter l’accès et l’utilisation des données spatiales haute et très haute résolution, pour une large communauté d’utilisateurs.