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Actu 1 – Démoustication au BTI en Camargue : accentuation en 2012 des impacts observés sur la biodiversité

Mandatée par le Parc naturel régional de Camargue (PNRC) , la Tour du Valat s’est fortement engagée, à la tête d’un consortium d’organismes experts, dans la poursuite des suivis menés sur les effets de la démoustication au BTI en Camargue en 2012. Les résultats, présentés devant les conseils scientifiques du PNRC et du Conservatoire du littoral en janvier 2013, concluent à une accentuation nette des tendances déjà observées depuis plusieurs années.

Le BTI, un bio-insecticide utilisé en Camargue à titre expérimental depuis 2006

Depuis la découverte en 1976 de sa toxicité sélective envers les larves de moustique, la bactérie BTI (Bacillus thuringiensis isralensis), est devenue le principal agent pour contrôler ces insectes nuisibles dans le monde. Sa popularité a motivé la mise en œuvre d’une démoustication à titre expérimental de la Camargue en 2006. Les premières études, menées sur la période 2006 – 2011 par la Tour du Valat, avaient conclu à des effets négatifs importants sur la faune non-cible: les hirondelles de fenêtre avaient un succès de reproduction réduit de 33% et les passereaux vulnérables des roselières voyaient leurs ressources alimentaires diminuer de 38 %. C’est dans ce contexte que le Conseil scientifique et d’éthique du PNRC avait décidé en 2012 de poursuivre le suivi scientifique de l’utilisation du BTI en Camargue, sur une base annuelle et en y ajoutant des recommandations quant aux modes opératoires et aux périmètres concernés.

Une accentuation notable en 2012 des effets écologiques déjà observés

Leste à grands stigmas (Lestes macrostigma), demoiselle rarissime en France mais présente sur quelques sites de Camargue

 

 

 

Présentés fin janvier 2013, les résultats des suivis scientifiques effectués en 2012 sur huit volets réalisés par la Tour du Valat en partenariat avec Libelo, les gestionnaires du Domaine de la Palissade et les Universités d’Aix-Marseille et J. Fourier de Grenoble, confirment les tendances observées durant les années précédentes ou en font apparaître de nouvelles. On note ainsi des effets importants en termes d’abondance sur les chironomes (insectes cousins du moustique) et les libellules. L’effet négatif sur les oiseaux du fait d’une modification de leur régime alimentaire est également confirmé (notamment les hirondelles de fenêtre), y compris sur des sites qui n’ont pourtant pas été traités en 2012, soulevant des questions quant à la persistance du BTI dans les écosystèmes. Les comptages mensuels des oiseaux d’eau (canards et foulques, notamment) sur la période 2000-2011 révèlent des déclins chez sept espèces non observés sur les espaces naturels non traités au BTI. Les flamants roses pâtissent également des dérangements occasionnées par les pratiques d’épandage du BTI (survols aériens), qui impactent aussi certaines activités humaines, notamment touristiques ou d’élevage de chevaux. Les enquêtes sociologiques menées en 2012 dans les zones traitées concluent toutefois à une très forte volonté des populations locales de poursuivre l’utilisation du BTI (84 % y sont favorables), malgré ces impacts écologiques avérés.

La nécessité de chercher des alternatives pour le territoire camarguais

Face à cette confirmation de perturbations significatives des écosystèmes camarguais du fait de l’utilisation du BTI, et malgré le caractère plus sélectif de ce dernier par rapport aux produits chimiques, le Conseil scientifique et d’éthique du PNRC a donc confirmé en janvier 2013 la nécessité de maintenir son caractère expérimental et de poursuivre les suivis afin d’affiner les résultats déjà obtenus, ainsi que de poursuivre la concertation avec les populations locales pour mieux prendre en compte leurs contraintes. Surtout, la nécessité de rechercher des solutions alternatives à l’utilisation du BTI, telles que les pièges à CO2, a été clairement affirmée par les gestionnaires.

Contact :
Brigitte Poulin, Chef du département Écosystèmes à la Tour du Valat
[email protected] [1]