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Dossier – la réhabilitation écologique

Une réhabilitation en zone humide à partir d’anciennes terres agricoles, à des fins conservatoires et cynégétiques

Le site du Cassaïre (70 ha), situé dans la partie orientale du delta du Rhône, a été récemment acquis par le Conservatoire du littoral. Il est géré par l’association des Amis des Marais du Vigueirat, et est actuellement l’objet d’un projet de restauration écologique.
 
A l’exception des dunes reliques, en partie détruites par l’exportation du sable, et de quelques hectares de sansouïre, la grande majorité du site fut soumise à diverses activités agricoles depuis le milieu du XVIIIème siècle, en particulier la viticulture et la céréaliculture (notamment le riz jusqu’en 2004). Cela a entraîné une forte dégradation du milieu du fait des nivellements ou des apports d’intrants. L’objectif de la restauration est double : d’une part, il s’agit d’augmenter l’intérêt patrimonial des anciennes parcelles culturales et, d’autre part, de répondre à une demande de l’association de chasse du hameau voisin de Mas Thibert (commune d’Arles) de pouvoir disposer d’un marais pour le gibier d’eau.

La gestion des marais de chasse telle qu’elle est le plus souvent pratiquée en Camargue conduit à maintenir les parcelles en eau au cours des mois les plus chauds. Cette gestion qui induit des conditions de milieu opposées à celles rencontrées dans les marais naturels, caractérisées par une période de sécheresse estivale, n’est pas sans conséquence pour la flore. Aux espèces méditerranéennes adaptées à des périodes de sécheresses estivales et des durées de mises en eau irrégulières et souvent limitées dans la durée, se substituent des espèces banales et ubiquistes. En outre, la présence d’eau en fin de printemps et l’été facilite le développement d’espèces non désirables et/ou exotiques et potentiellement envahissantes.

Un double enjeu écologique et cynégétique

L’enjeu de ce projet de réhabilitation est donc double : démontrer, par des gestions hydrauliques proches des conditions rencontrées dans les milieux naturels, qu’il est possible d’obtenir des communautés végétales à haute valeur patrimoniale tout en assurant une bonne fonction cynégétique du milieu.

Un investissement important a été fait sur les études préparatoires telles que la nature et l’imperméabilité des sols (caractérisation fine de la distribution de la couche argileuse), sur la matrice végétale (présence et/ou proximité des espèces visées ou au contraire indésirables), sur la banque de graines, et sur la réduction des dépenses en énergies fossiles lors de la phase de travaux (choix de la profondeur et des parties creusées, déplacement à minima de la terre).

Dans le cadre d’une thèse, un ensemble d’études a été mis en place avec pour objectifs, tout d’abord, de mieux comprendre les mécanismes en jeu et les dynamiques, d’expliquer les éventuels problèmes (colonisations non prévues, envahissement potentiel, phase de blocage…), et, ensuite, d’alimenter la réflexion sur la gestion nécessairement adaptative du site après réhabilitation.

Ces études portent notamment sur :

 

A l’échelle du site, le projet teste la pertinence de gestions plus ou moins interventionnistes : évaluation des gains (vitesse d’obtention des communautés souhaitées, perméabilité aux espèces indésirables) et des contraintes (temps, budget, facilité de réalisation…) en fonction de la densité en graines introduites, des superficies ensemencées ou inoculées (faibles vs grandes superficies), et de la répartition dans l’espace de ces parties ensemencées ou inoculées.

En parallèle, des expériences et des suivis sur la dynamique de la végétation, sur la faune utilisatrice des milieux et sur les activités de chasse ont été mis en place (nombre de chasseur utilisant le site et dates, nombre et nature des prélèvements).

Les travaux d’ingénierie ont débuté sur le site en avril 2012, ils ne concernent que 4 des 35 hectares prévus. La deuxième phase de restauration est prévue pour l’année 2013.

Des premiers résultats encourageants

Les premiers résultats sont prometteurs puisque, pour les deux grands milieux visés, de nombreuses espèces souhaitées sont déjà installées (39% des espèces des écosystèmes de référence pour les pelouses). Néanmoins, la réussite d’un projet de restauration ne peut être évaluée sur quelques années, et à fortiori au bout de quelques mois seulement. Plusieurs années de suivis seront donc nécessaires avant de pouvoir tirer les premières conclusions. Aussi, les travaux de recherche et les suivis, fruits d’une collaboration étroite entre l’Association des Amis des Marais du Vigueirat, la Tour du Valat, et le laboratoire d’ingénierie de la restauration des patrimoines naturels et culturels de l’université d’Avignon et des pays du Vaucluse (IMBE) sont prévus jusqu’en 2017.

Ce projet de restauration repose sur la concertation. À cet égard, un comité de pilotage a été mis en place associant le Conservatoire du littoral (propriétaire du site), l’Association des Amis des Marais du Vigueirat (gestionnaire), l’Association de chasse de Mas-Thibert, l’Office National de la Chasse et de la Faune sauvage, le centre de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat, et l’IMBE.

Le projet bénéficie de plusieurs soutiens financiers, dont le Conservatoire du littoral pour les études initiales, l’Agence de l’eau pour la phase d’ingénierie écologique, et la région Provence-Alpes-Côte d’Azur pour le financement d’une thèse de doctorat.