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Séminaire lundi 3 septembre 2018 à la Tour du Valat – Mise en œuvre et évaluation de l’efficacité environnementale du mécanisme REDD+

Ce séminaire présenté par Claudia Vitel aura lieu le lundi 3 septembre 2018 à 10h à la Tour du Valat (Salle Jean-Paul Taris)

 

Son intervention se déroulera en deux étapes :

1- présentation des résultats de sa thèse de doctorat (résumé ci-dessous). Présentation du cadre théorique sollicité: Analyse Stratégique de Gestion Environnementale.

2- présentation du programme de financement européen LIFE: priorités thématiques, modalités, quelques exemples de projets et proposition actuelle de règlement pour la période post-2020

 

MISE EN ŒUVRE ET ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ ENVIRONNEMENTALE DU MÉCANISME REDD+ « RÉDUCTION DES ÉMISSIONS DE GAZ À EFFET DE SERRE LIÉES À LA DÉFORESTATION ET À LA DÉGRADATION FORESTIÈRE » : Cas du dispositif de gestion environnementale “Projet Carbone Forestier Surui- PCFS” dans la terre indigène Sete de Setembro, Amazonie, Brésil
Directeurs de thèse : Maya LEROY et  Philip Martin FEARNSIDE
Co-encadrement de la thèse : Paulo Maurício ALENCASTRO DE LIMA GRAÇA
2009-2014

Résumé :

Le mécanisme de « Réduction des Émissions de gaz à effet de serre liées à la Déforestation et à la Dégradation forestière (REDD+) » est proposé à l’échelle mondiale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la déforestation et à la dégradation forestière, ces dynamiques contribuant grandement aux émissions mondiales de Gaz à Effet de Serre (GES) (10 – 12 %).
Ce mécanisme d’incitation financière, basé sur l’échange de crédits carbone entre émetteurs et réducteurs d’émissions de GES, offre une opportunité pour limiter le recul des forêts tropicales d’Amazonie brésilienne. En effet, si les taux de déforestation annuels ont diminué récemment dans cette région, les aires protégées, zones destinées à protéger et conserver des écosystèmes riches en biodiversité sont, quant à elles, de plus en plus touchées par l’avancée de la déforestation. C’est particulièrement le cas dans l’Arc de déforestation brésilien, où une forte pression s’exerce du fait de concentrer la quasi-totalité des surfaces déboisées de l’Amazonie Légale. Parmi les différentes catégories d’aires protégées qui existent au Brésil, les terres indigènes sont considérées comme étant des plus efficaces pour conserver les forêts. Toutefois, elles présentent actuellement la plus grande surface déboisée et cette surface ne cesse d’augmenter chaque année. La mise en œuvre du mécanisme REDD+ pourrait mettre fin à cette situation par conséquent.
Cette recherche a pour objectif de tester l’efficacité environnementale de la mise en œuvre d’un tel mécanisme, à travers l’étude d’un cas concret de gestion: le Projet Carbone Forestier Surui, initié en 2009 et premier projet REDD+ mis en œuvre dans une terre indigène. Nous avons entrepris une recherche-intervention auprès des acteurs étant à l’origine de cette initiative afin de suivre son évolution entre 2009 et 2013, et de participer à la création de données sur lesquelles reposent notre évaluation de l’efficacité environnementale.
Dans un premier temps, nous analysons la dynamique de déforestation en jeu dans ce territoire, en suivant l’évolution du couvert forestier entre 2000 et 2009 à partir de techniques de télédétection. Nous observons une accélération de la déforestation à partir de 2005. Les enquêtes de terrain réalisées nous permettent d’affirmer que l’avancée de la déforestation est essentiellement liée à l’implantation de systèmes productifs d’élevage bovin (phénomène de pastoralisation) et de caféiculture, notamment via l’établissement de contrats de fermage illégaux passés entre les acteurs indigènes Surui et des acteurs avoisinant la terre indigène Sete de Setembro. L’analyse du système d’organisation collective en jeu entre ces différents acteurs, nous permet de réaliser que la conversion des forêts réalisée pour la mise en pâturage est liée à la recherche de nouvelles sources de revenus par les Surui, du fait d’une érosion progressive des gains issus de l’exploitation forestière illégale, activité conduite pendant une quarantaine d’années.
La compréhension locale du système territorial et des variables proximales de la déforestation au niveau local, nous permet de recourir à des techniques de modélisation pour développer un modèle de changement d’usage des sols et simuler la dynamique de déforestation. En travaillant sur des scénarios futurs avec la population locale et les acteurs environnementaux et sur la base de dires d’experts, nous projetons la dynamique de déforestation la plus attendue d’ici 30 ans, et définissons un scénario de référence, nous permettant de prévoir dans quelles proportions la déforestation progressera d’ici à 30 ans. L’estimation du volume d’émissions de gaz à effet de serre dues à l’abattis-brûlis, dans le cas des forêts primaires, permet de définir l’objectif climatique du projet REDD+: éviter la conversion de 12 000 hectares de forêts et l’émission de 7 millions de tonnes de CO2, d’ici à 30 ans.
Nous montrons que le scénario de référence est une pièce maîtresse du dispositif REDD+, car c’est sur cette base que s’évaluent les bénéfices maximaux qu’un projet de conservation peut obtenir sur le marché du carbone volontaire. Nous observons, dans le cas du PCFS, que chercher à affiner la projection du scénario de référence de déforestation intègre la stratégie gestionnaire du dispositif PCFS. Celle-ci consiste à atteindre les critères établis par des labels privés de certification. Un des principaux critères consiste à limiter au maximum les risques de faux monayages (réduction d’émissions de GES faussée par l’exagération des projections de la déforestation). Nous analysons ensuite l’ensemble des actions de gestion déployées par une coalition d’acteurs à plusieurs échelles (associations locales, ONG nationales et internationales) pour aboutir à un projet de conservation environnementale pilote. Malgré cet effort gestionnaire, les résultats environnementaux ne sont pas encore démontrés en 2012 au niveau local. La priorité accordée à la conceptualisation du projet de gestion environnementale sur le long terme, et les difficultés à obtenir des financements sur le marché carbone volontaire ont contribué à ralentir la mise en gestion locale des actions de conservation. Nous montrons aussi que le succès du projet et un combat efficace contre la déforestation impliquent le soutien des autorités publiques. Ainsi, nous dégageons quelles sont les conditions essentielles de gestion, pour atteindre l’efficacité de gestion environnementale proposée.
Pour finir, notre étude montre que les difficultés locales rencontrées par les acteurs socio-environnementaux sont directement liées au modèle de développement économique appliqué à  l’Amazonie brésilienne, depuis plus de quarante ans. Peu à peu renforcées, les chaînes agropastorales et forestières mondialisées concentrent aujourd’hui pouvoir, capitaux financiers et humains. Nous verrons que leur solide organisation multi-scalaire représente un lourd levier à combattre. Cependant, pour faire face à cette situation, les groupes indigènes se sont progressivement organisés en s’alliant avec d’autres groupes minoritaires de la forêt tropicale amazonienne pour faire valoir publiquement leur droit de protection des minorités ethniques qu’ils ont associé au maintien des forêts de leur territoire. Une autre stratégie consiste à développer des projets sociaux-environnementaux avec des ONGs. Ainsi, l’efficacité environnementale du PCFS est directement liée à ce rapport de forces disymétrique.

Mots clés : Amazonie brésilienne, terres indigènes, dispositif de gestion environnementale, déforestation, changements d’usage des sols, REDD+, scénario de référence, efficacité.