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Est-il possible de démoustiquer sans impacter de manière importante la biodiversité ?

Communiqué de presse

Arles, le 27/04/2020

Est-il possible de démoustiquer sans impacter de manière importante la biodiversité ?

Retours sur dix ans d’étude à l’échelle européenne et internationale

La Tour du Valat, institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes, a été l’un des premiers à démontrer l’impact environnemental du bactério-insecticide Bacillus thuringiensis subsp. Israelensis (Bti). Ses études, menées à partir de 2006 dans le cadre d’une démoustication partielle et expérimentale de la Camargue à l’initiative du département des Bouches du Rhône, sont aujourd’hui à l’origine d’une préoccupation mondiale croissante quant à l’impact du Bti sur l’environnement. Et pour cause, le Bti est largement utilisé en démoustication en Europe et dans le monde. Bien qu’il s’agisse de l’agent le plus sélectif et le moins toxique disponible actuellement pour la démoustication, plusieurs chercheurs européens estiment que l’impact environnemental de cet insecticide mérite d’être réévalué par des organismes de recherche indépendants.

L’article scientifique « Environmental and socioeconomic effects of mosquito control in Europe using the biocide Bacillus thuringiensis subsp. Israelensis (Bti) », récemment publié dans Science of Total Environment et rédigé par une équipe de recherche internationale composée d’écologues, d’écotoxicologues, de microbiologistes et d’économistes de quatre institutions européennes (dont la Tour du Valat) constitue l’évaluation la plus actuelle et la plus complète de l’impact du Bti sur l’environnement à ce jour. On y apprend que si le risque de résistance des moustiques semble limité malgré la persistance des spores et toxines de Bti dans l’environnement, les effets signalés sur les organismes non ciblés remettent en question la sécurité environnementale du Bti. Ainsi, la réduction des moustiques et autres petits diptères non piqueurs (chironomes) qui représentent des sources de nourriture potentiellement importantes pour plusieurs espèces animales comme les libellules, amphibiens et oiseaux, aura des répercussions sur la biodiversité de ces milieux.

Ces résultats sont clairement présentés dans un reportage diffusé sur la télévision nationale canadienne dans le cadre de l’épisode du 18 avril 2020 de l’émission « La semaine verte ». Tourné au Canada, en France et en Allemagne, ce reportage offre une couverture très complète de l’usage du Bti : techniques de commercialisation et d’épandage, mode opératoire, persistance dans l’environnement et impacts directs et indirects sur les organismes non ciblés. Si l’axe de réflexion de ce documentaire porte sur les effets au travers de la chaîne alimentaire initialement mis en valeur par les études de la Tour du Valat en Camargue (ex : perte du tiers des nichées chez les hirondelles), on y découvre également que le Bti aurait un impact direct sur la croissance des amphibiens. Ces résultats, mis en valeur par l’équipe de recherche de Carsten Brühl de l’université de Koblenz-Landau en Allemagne, sont remarquables car l’on croyait jusqu’à récemment que seuls les groupes d’insectes apparentés aux moustiques pouvaient être physiologiquement affectés par le Bti. Ces impacts s’ajoutent à ceux causés par la diminution des ressources alimentaires essentielles que constituent les moustiques et les chironomes pour la faune des zones humides.

Alors que nous sommes largement engagés dans la sixième crise d’extinction de la biodiversité, qui touche tout particulièrement les insectes, il y a tout lieu de s’interroger sur la poursuite généralisée de la démoustication par épandage de Bti lorsqu’elle n’est pas motivée par des enjeux de santé publique, d’autant plus que celle-ci concerne le plus souvent des milieux naturels riche en biodiversité.

ARTICLE

« Environmental and socioeconomic effects of mosquito control in Europe using the biocide Bacillus thuringiensis subsp. israelensis (Bti) » est publié en ligne dans la revue Science of the Total Environment le 2 avril 2020  https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2020.137800 [1]

Les auteurs de l’article sont :

Carsten A. Brühl (Université de Coblence-Landau), Laurence Després (Université Grenoble Alpes), Oliver Frör (Université de Coblence-Landau), Chandrashekhar D. Patil (Université de Perpignan), Brigitte Poulin (Institut de recherche de la Tour du Valat), Guillaume Tetreau (Université Grenoble Alpes), Stefanie Allgeier (Université de Coblence-Landau).

 

REPORTAGE

Émission « La semaine verte » diffusé sur la chaine Radio-Canada, épisode du Samedi 18/04/20.

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Disponible en replay sur le lien suivant : https://ici.radio-canada.ca/tele/la-semaine-verte/site/episodes/461286/bti-larvicide-insecticide [2]

Production Radio-Canada, journaliste Maxime Poiré, réalisateur Pier Gagné.

CONTACT

 Brigitte Poulin [3], responsable du département Écosystèmes, Tour du Valat

Téléphone : 06 88 29 87 56

Courriel : [email protected] [4]