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Communiqué de presse – Le plomb à la vie dure dans les marais de Camargue

Près de 20 ans après leur interdiction, les munitions au plomb restent une menace persistante pour la santé des humains et des oiseaux

La Camargue, une zone humide de 85 000 hectares située dans le delta du Rhône, est un site d’importance internationale au titre de la convention de Ramsar sur les zones humides. Pendant l’hiver, elle accueille des centaines de milliers d’oiseaux d’eau, dont la plupart migrent ensuite vers les zones de reproduction d’Europe du Nord. Les concentrations spectaculaires d’oiseaux en font un espace très fréquenté pour les ornithologues et les chasseurs de gibier.

En dépit de l’interdiction en France de chasser avec des munitions au plomb dans les zones humides depuis 2006, les oiseaux d’eau sont toujours contaminés par les billes de plomb. C’est ce que démontre une nouvelle étude scientifique publiée dans la revue Conservation Science and Practice.

L’analyse de plus de 2000 gésiers collectés avec l’aide d’un réseau de 38 chasseurs partenaires montre que les canards continuent d’ingérer des billes de plomb qu’ils utilisent pour broyer les aliments. Un oiseau sur huit analysés était affecté, un taux qui est resté le même avant et après l’interdiction. Le nombre de billes de plomb par gésier ne diminue pas non plus au cours du temps.

Cette contamination témoigne de l’utilisation persistante par nombre de chasseurs de munitions au plomb. Si le taux de munitions toxiques a diminué depuis 2006, la collecte de près de 4000 douilles de cartouches tirées en Camargue montre qu’aujourd’hui encore 50% des douilles retrouvées avaient contenu de la grenaille de plomb.

Selon Arnaud Béchet, directeur de recherche à la Tour du Valat et premier auteur de l’étude, « c’est plutôt frustrant qu’après 60 ans de travaux à la Tour du Valat qui ne laissent aucun doute sur les effets néfastes des munitions au plomb, nous constatons que la loi de 2006 n’a presque pas eu d’effet sur la contamination des oiseaux de Camargue ».

Les résultats de cette nouvelle étude montrent que la contamination reste notamment très élevée pour certaines espèces comme le Canard colvert et le Canard pilet avec plus d’un oiseau sur quatre contaminé par au moins une bille de plomb. Il suffit d’une seule bille de plomb dans le gésier pour augmenter de 20% la mortalité d’un canard d’une année sur l’autre. « En Camargue nous avons retrouvé plus de 100 billes dans un seul gésier de colvert» note Anthony Olivier, ingénieur à la Tour du Valat et co-auteur de l’étude. Les canards hivernant en Camargue continuent donc de mourir du saturnisme. Mais cette contamination fait aussi peser un risque sur la santé humaine, notamment pour celles et ceux qui consomment régulièrement du gibier.

Alors qu’il a été éliminé des peintures et des carburants, 44 000 tonnes de plomb sont déversées chaque année dans la nature en Europe par la chasse et la pêche. Pourtant des alternatives existent. En ce qui concerne la chasse, les munitions non toxiques sont maintenant accessibles à des prix rivalisant avec ceux des munitions au plomb et il a été montré que les performances des billes d’acier sont équivalentes à celles de plomb pour un tir à moins de 30 mètres. « Même si de nombreux chasseurs utilisent maintenant des munitions non toxiques, ça reste visiblement compliqué pour d’autres de changer leurs habitudes », déduit Anthony Olivier.

La réglementation actuelle est très difficile à faire respecter car elle interdit de chasser dans les zones humides avec des munitions au plomb mais autorise le port du plomb et la chasse au plomb pour le gibier terrestre. D’après Jean Jalbert, directeur général de la Tour du Valat : « Le Danemark, qui a totalement interdit les munitions au plomb, est le seul pays où la contamination des oiseaux d’eau a drastiquement diminué. Il faudrait que la France et les autres pays de l’Europe suivent leur exemple si nous voulons vraiment arrêter de contaminer nos espaces naturels et de mettre en danger la santé humaine ».

Une pétition [1] visant à encourager l’Union Européenne à suivre la recommandation de l’agence européenne des produits chimiques (ECHA [2]) allant dans ce sens a été lancée par Birdlife international et est relayée en France par la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) : disponible ici [3].


DOI : Béchet, A., Olivier, A., Cavallo, F., Sauvajon, L., Champagnon, J., du Rau, P. D., & Mondain-Monval, J.-Y. (2025). Persistent lead poisoning of waterfowl in the Camargue (southern France) 10 years after the ban on the use of lead ammunition in wetlands. Conservation Science and Practice, e70045. https://doi.org/10.1111/csp2.70045 [4]


La Tour du Valat

La Tour du Valat est un institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes créé il y a 70 ans par Luc Hoffmann, qui a développé ses activités de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes avec le souci constant de réconcilier l’humain et la nature. Convaincue que la préservation des zones humides ne sera possible que si activités humaines et protection du patrimoine naturel vont de pair, la Tour du Valat développe depuis de nombreuses années des programmes de recherche et de gestion intégrée qui favorisent les échanges entre utilisateurs et scientifiques des zones humides, mobilise une communauté d’acteurs et promeut les bénéfices des zones humides auprès des décideurs et des acteurs socio-économiques.


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