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Anticiper les changements futurs pour protéger les oiseaux d’eau en Méditerranée

Près de 500 zones humides méditerranéennes fortement menacées par le changement climatique et la perte des milieux naturels futurs ne sont toujours pas protégées, parmi lesquelles 32 présentent un enjeu majeur pour la conservation des oiseaux d’eau. Ces résultats ont été publiés dans la revue scientifique Biological Conservation et coordonnés par l’Institut de recherche pour la conservation des zones humides méditerranéennes de la Tour du Valat et le Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation (CESCO – Muséum national d’Histoire naturelle, CNRS, Sorbonne Université). Cette étude s’inscrit parfaitement dans l’objectif de l’accord de Kunming-Montréal adopté en décembre dernier : arrêter et inverser le déclin de la biodiversité en protégeant 30% de la surface du globe d’ici 2030. L’équipe de scientifiques, tout en identifiant les zones humides prioritaires, souligne dans cette étude l’importance de renforcer le réseau d’aires protégées dans les pays du bassin méditerranéen, en particulier au Maghreb et au Proche-Orient.

Le rôle clé des aires protégées

Les aires protégées sont des outils efficaces de conservation de la biodiversité dans un contexte de changements globaux. Leur capacité à limiter la perte des milieux naturels permet notamment d’aider les espèces à s’adapter au réchauffement climatique. Alors qu’un objectif de protection de 30 % de la surface du globe d’ici 2030 vient d’être adopté dans le cadre de la Convention sur la Diversité Biologique (accord de Kunming-Montréal), il est crucial d’identifier les sites à protéger pour maximiser les efforts de conservation, et notamment les zones humides du bassin méditerranéen qui sont à la fois fortement menacées par les activités humaines et essentielles pour la conservation des oiseaux migrateurs. Dans cette étude, les chercheurs ont ainsi localisé les zones humides à protéger en priorité pour aider l’adaptation des oiseaux d’eau au réchauffement climatique futur dans le bassin méditerranéen. Ce travail d’identification des zones humides à enjeu a été rendu possible grâce à la mobilisation des données méditerranéennes du Dénombrement International des Oiseaux d’Eau (DIOE), qui a permis d’étudier 151 espèces suivies entre 2008 et 2017 dans 2932 zones humides de 21 pays, ainsi que des projections climatiques et d’usage des terres pour la fin du XXIème siècle selon les scénarios les plus récents du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC).

Un réseau d’aires protégées pertinent mais insuffisant

L’équipe de recherche a mis en évidence qu’en Méditerranée, les aires protégées actuelles, et notamment celles au statut de protection forte, sont bien localisées. En effet, elles couvrent de manière générale des zones humides dont les communautés d’oiseaux d’eau pourraient connaître d’importantes difficultés d’adaptation au réchauffement climatique d’ici la fin du XXIème siècle, du fait notamment d’une forte exposition aux futures hausses des températures et pertes des milieux naturels. Leur protection devrait donc faciliter l’adaptation des espèces qu’elles abritent. L’équipe a toutefois identifié près de 490 zones humides à la fois non protégées et dont les communautés pourraient faire face à d’importantes difficultés d’adaptation au réchauffement climatique dans au moins un des quatre scénarios futurs considérés. Parmi ces zones humides, 32 sont d’importance internationale pour les oiseaux d’eau et sont situées principalement en Turquie, en Espagne et dans certains pays du Maghreb.

 

Carte des zones humides non protégées du bassin méditerranéen dont les communautés d’oiseaux d’eau pourraient avoir d’importantes difficultés d’adaptation au réchauffement climatique d’ici 2100. Les pays sans zone humide étudiée sont représentés en gris foncé.

L’urgence de protéger les zones humides au sud et à l’est de la Méditerranée

Ces résultats soulignent l’urgence de renforcer la protection des zones humides méditerranéennes, notamment dans les pays du Maghreb et du Proche-Orient, ainsi que l’importance de tenir compte d’autres facteurs de déclin de la biodiversité que le changement climatique.

 

Référence :

Verniest, F., Le Viol, I., Julliard, R., Dami, L., Guelmami, A., Suet, M., Abdou, W., Azafzaf, H., Bendjedda, N., Bino, T., Borg, J. J., Božič, L., Dakki, M., El Hamoumi, R., Encarnação, V., Erciyas-Yavuz, K., Etayeb, K., Georgiev, V., Hamada, A., Hatzofe, O., Ieronymidou, C., Langendoen, T., Mikuska, T., Molina, B., Moniz, F., Moussy, C., Ouassou, A., Petkov, N., Portolou, D., Qaneer, T., Sayoud, S., Šćiban, M., Topić, G., Uzunova, D., Vine, G., Vizi, A., Xeka, E., Zenatello, M, Gaget, E. & Galewski, T. (2023). Anticipating the effects of climate warming and natural habitat conversion on waterbird communities to address protection gaps. Biological Conservation, 279, 109939. https://doi.org/10.1016/j.biocon.2023.109939 [1]